Les arbitres imposent de lourdes conséquences à celui qui contrevient à la clause de confidentialité d’un protocole d’entente

Les différends relatifs au travail en Ontario se soldent souvent par un protocole d’entente. Un tel protocole non seulement regle le différend, mais permet aussi aux parties de maintenir leurs arguments juridiques sans admettre de responsabilité. L’un des moyens de ce faire consiste a intégrer au protocole des dispositions claires et nettes de confidentialité. Deux décisions arbitrales rendues récemment en Ontario font ressortir le rôle fondamental que joue la confidentialité dans le reglement des différends relatifs au travail. Dans Barrie Police Services Board and Barrie Police Association (aout 2013) et Globe and Mail c. CEPUC (Breach of Memorandum Grievance) (juillet 2013), les employés se sont fait ordonner de rembourser les montants reçus en vertu du reglement, car ils avaient contrevenu a leur obligation de confidentialité et divulgué les conditions de leur protocole d’entente.

Dans Barrie Police Services Board c. Barrie Police Association, l’employeur et le syndicat ont réglé un grief relatif au licenciement d’un policier du Service des enquetes criminelles. Selon les conditions du reglement, l’employeur devait verser au plaignant l’équivalent de 28 mois de salaire. Le protocole d’entente renfermait aussi une déclaration claire indiquant que ces conditions étaient confidentielles et sous toutes réserves. Malgré cette clause, le plaignant a divulgué les conditions du reglement dans un courriel envoyé aux membres du Service de police de Barrie en vue de se faire élire comme président de l’Association. En arbitrage, l’arbitre Marcotte a rejeté l’argument du plaignant selon lequel il n’avait pas signé le protocole d’entente et n’était donc pas lié par l’obligation de confidentialité. Il a souligné qu’a titre d’agent négociateur exclusif pour ses membres, l’Association avait le pouvoir de lier le plaignant meme si celui-ci n’avait pas personnellement signé le protocole. Établissant la réparation appropriée, l’arbitre a souligné l’importance de la confidentialité et a envoyé une mise en garde ferme aux parties a de futurs protocoles d’entente :

[Traduction]
A mon avis […] on ne peut passer sous silence les actes délibérés du plaignant et les motifs de ses actes. Dans ces circonstances, j’estime que la réparation qui convient consiste a ordonner au plaignant de rembourser les fonds qui lui ont été versés […] Non seulement cette réparation est-elle justifiée, mais elle sert a dissuader les membres des deux parties qui pourraient a l’avenir estimer qu’une clause de confidentialité est sans importance.

Une ordonnance similaire a été rendue dans Globe and Mail c. CEPUC (Breach of Memorandum Grievance). Cette affaire portait sur le reglement de griefs relatifs au licenciement de l’employé et a sa réclamation de congé de maladie. Hormis l’obligation de confidentialité, le protocole d’entente renfermait une clause déclarant explicitement que la plaignante serait tenue de rembourser le montant du reglement si elle contrevenait a son obligation de confidentialité.

Quelques années apres le reglement, la plaignante a publié un livre dans lequel elle exposait en détail sa lutte contre la dépression et son licenciement par le Globe and Mail. Dans le livre, meme si elle n’a pas révélé le montant exact du reglement, elle a mentionné plusieurs fois l’ampleur du reglement et le fait qu’elle avait eu gain de cause. L’arbitre Davie n’a pas hésité a confirmer la disposition du protocole d’entente qui obligeait la plaignante a rembourser tous les fonds reçus en contrepartie du reglement si elle contrevenait a son obligation de confidentialité. Selon l’arbitre, le protocole d’entente indiquait sans équivoque les conséquences de cette contravention. En outre, l’employeur a perdu l’avantage qu’il avait négocié lorsque la plaignante a divulgué certains aspects du reglement. La plaignante s’est fait ordonner de rembourser tous les fonds qu’elle avait reçus aux fins de reglement en vertu du protocole.

Le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario a également reconnu l’importance de la confidentialité dans le processus de reglement. Dans Tremblay c. 1168531 Ontario Inc. (octobre 2012), le Tribunal a réduit la somme a verser a l’employée en vertu d’un protocole d’entente apres qu’elle a affiché des renseignements concernant le reglement sur son compte Facebook. Analysant la réparation qu’il convenait d’accorder par suite de la contravention, le tribunal a abordé la confidentialité dans le contexte des plaintes portées en vertu du Code des droits de la personne et a cité l’extrait suivant de la décision Saunders c. Toronto Standard Condominium Corp. no 1571 (décembre 2010) :

[Traduction]
Le respect des conditions de reglement ne constitue pas seulement une obligation contractuelle juridiquement contraignante, mais il favorise aussi les valeurs essentielles du Code. Une contravention aux conditions du reglement peut compromettre l’administration de la justice en discréditant le régime des droits de la personne et en décourageant a tort la négociation. L’incertitude causée par une contravention a une condition de reglement risque de miner les dispositions substantielles et procédurales du Code. L’octroi d’une indemnité pécuniaire peut faire ressortir l’importance, pour les parties et le public, du respect des conditions de reglement.

Pour déterminer la réparation convenable, le Tribunal a tenu compte de la nature publique de Facebook et du fait que l’employée n’avait pas révélé le véritable montant du reglement. Le Tribunal a finalement réduit de 1 000 $ le montant du reglement.

A notre avis

Ces décisions reconnaissent l’importance de la résolution des différends relatifs au travail au moyen de reglements et l’importance de la confidentialité dans le processus de reglement. Les conséquences graves qui découlent du non-respect par un employé de son obligation de non-divulgation permettront aux employeurs de continuer de négocier des reglements sans craindre que les conditions de paiement établissent des précédents pour d’autres griefs ou n’encouragent le dépôt d’autres griefs.

Si vous voulez davantage d’information, veuillez communiquer avec André Champagne au (613) 940-2735.

 

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