Le délai de prescription d’une action pour congédiement injustifié court à compter du jour du préavis – et non à compter du dernier jour de travail

Dans une récente décision, la Cour supérieure de justice de l’Ontario confirme que le délai de prescription d’une action pour congédiement injustifié court à compter du jour où l’employé reçoit le préavis de congédiement, et non à compter de son dernier jour de travail. Dans Bailey c. Milo-Food & Agricultural Infrastructure & Services Inc. (avril 2017), la Cour a donné gain de cause à l’employeur dans sa motion en radiation de l’action pour congédiement injustifié de l’employé. Le juge s’est rangé du côté de l’employeur qui soutenait que l’action pour congédiement injustifié avait été introduite plus de six mois après l’expiration du délai de prescription et qu’elle était par conséquent prescrite.

Pour situer les choses dans leur contexte, les actions en matière civile en Ontario sont régies par la Loi de 2002 sur la prescription des actions. Cette loi fixe le délai (appelé « délai de prescription ») à l’intérieur duquel une personne doit introduire une instance à l’égard d’une réclamation. Le non-respect du délai de prescription peut s’avérer fatal pour un demandeur, car le défendeur peut invoquer la prescription de la réclamation. Le délai de prescription de base fixé par la Loi de 2002 sur la prescription des actions est de deux ans.

Bien que cette règle puisse paraître simple, il faut se demander dans chaque cas particulier à quel moment le délai de prescription commence à courir – autrement dit, il faut se demander à quel moment commence le compte à rebours. La Loi de 2002 sur la prescription des actions prévoit que la prescription court à compter du moment où les faits ayant donné naissance à la réclamation sont « découverts ». En règle générale, le terme « découvert » s’entend du jour à compter duquel la personne ayant une réclamation a connaissance des éléments essentiels de sa cause, soit les dommages survenus, l’auteur des dommages, etc. Dans un cas de congédiement injustifié, il faut se demander à compter de quel moment l’employé a eu connaissance de son congédiement injustifié.

Bailey a travaillé en qualité de directeur général de l’usine de transformation des aliments de l’employeur pendant 43 ans. En mars 2013, il a reçu un préavis que son emploi prendrait fin dans deux ans. M. Bailey a continué à travailler pendant la période de préavis de deux ans. Son dernier jour de travail était en mars 2015. En décembre 2015, M. Bailey a intenté une action contre son employeur pour congédiement injustifié. Il a également réclamé une indemnité de cessation d’emploi en vertu de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (LNE) et des dommages-intérêts pour souffrance morale infligée délibérément et discrimination fondée sur l’âge en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario. Dans sa plaidoirie, M. Bailey prétend qu’il a été injustement congédié en mars 2015.

L’employeur a présenté une motion en radiation de l’action au motif qu’elle a été introduite après le délai de prescription de deux ans. L’employeur a fait valoir que les faits ayant donné naissance à la réclamation ont été découverts en mars 2013 lorsque le préavis a été donné et que le délai de prescription a commencé à courir ce jour-là. L’employeur a soutenu que la période de préavis de travail n’a pas eu pour effet de prolonger le délai de prescription applicable à l’action pour congédiement injustifié ni à celui applicable à l’indemnité de cessation d’emploi. L’employeur a également soutenu que devait être radiée la réclamation de dommages-intérêts de l’employé pour souffrance morale relative aux faits ayant eu lieu après l’échéance du délai de prescription. En ce qui concerne la réclamation relative à la discrimination fondée sur l’âge, l’employeur a fait valoir que celle-ci était assujettie au même délai de prescription que l’action pour congédiement injustifié, puisqu’elle est liée à la cessation d’emploi.

L’employé a soutenu que le délai de prescription a commencé à courir à compter du dernier jour de travail, soit en mars 2015. Puisque la réclamation a été présentée en décembre 2015, l’employé a soutenu que toutes ses réclamations avaient été présentées dans les délais.

Le juge a cependant rejeté la thèse de l’employé – du moins en partie. Après un survol de la jurisprudence en Ontario, il a conclu que le délai de prescription d’une action pour congédiement injustifié court à compter du jour où l’employé reçoit le préavis de congédiement – et non à compter du dernier jour de travail. Il a cité le passage suivant tiré de la décision Webster c. Alimore Trading & Manufacturing Co. (2010) :

[TRADUCTION]
Le congédiement injustifié soulève, à mon avis, un problème particulièrement épineux en matière de prescription dans la mesure où ce n’est pas le congédiement en soi qui ouvre droit à une action en justice, mais plutôt le congédiement sans préavis raisonnable ou salaire tenant lieu de préavis. Par conséquent, le délai de prescription d’une action pour congédiement injustifié ne court pas nécessairement à compter de la date effective du congédiement. Il commence à courir lorsque les faits ayant donné naissance à la cause d’action sont découverts – c’est-à-dire à compter de la date à laquelle l’employé congédié savait ou aurait dû savoir qu’il était congédié sans motif ou sans indemnité de préavis et qu’une action serait un moyen approprié d’obtenir réparation.

Lorsque le juge a appliqué ce raisonnement aux faits du cas de M. Bailey, il a conclu que l’action pour congédiement injustifié a pris naissance en mars 2013, au moment où M. Bailey a reçu le préavis de congédiement. Le délai de prescription a commencé à courir à ce moment-là. Le juge a appliqué un raisonnement similaire en ce qui concerne la réclamation de M. Bailey relativement à l’indemnité de cessation d’emploi en vertu de la LNE. Le juge a conclu que selon la LNE, le droit de M. Bailey à l’indemnité a pris naissance le jour où il a reçu le préavis de congédiement en mars 2013. Le délai de prescription a également commencé à courir à ce moment-là. Puisque le plaignant a déposé son action pour congédiement injustifié et sa réclamation d’indemnité bien après l’expiration du délai de prescription, elles ont toutes deux été jugées prescrites. Le juge a ordonné la radiation de l’action pour congédiement injustifié et de la réclamation d’indemnité de cessation d’emploi.

L’employeur n’a cependant pas eu gain de cause en ce qui concerne les réclamations de M. Bailey pour souffrance mentale et discrimination fondée sur l’âge. Le juge a conclu que ces réclamations comportaient des allégations de conduite reprochée après la réception du préavis de congédiement de 2013. Ces deux réclamations ont donc bel et bien été présentées à l’intérieur de leur délai de prescription et le juge a permis qu’elles soient instruites.

 

À notre avis

Dans l’ensemble, la décision Bailey est positive pour les employeurs. En déterminant que le délai de prescription dans le cadre d’une action pour congédiement injustifié court à compter du moment où l’employé reçoit un préavis, plutôt qu’à compter du dernier jour de travail, le compte à rebours commence plus tôt, réduisant ainsi la période pendant laquelle les employeurs s’exposent à de possibles allégations de congédiement injustifié. Ce type d’actions doit se cristalliser à l’intérieur de la période de deux ans qui débute à la date du préavis et les employeurs peuvent ainsi savoir plus tôt à quoi ils devront faire face.

Si vous voulez davantage d’information, veuillez communiquer avec André Champagne au 613-940-2735.

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