Obligations et nouveautés concernant la violence au travail

La Loi sur la santé et la sécurité au travail (la « LSST ») de l’Ontario a été modifiée en juin 2010 par le projet de loi 168 de manière à comprendre de nouvelles obligations enjoignant aux employeurs de s’attaquer à la violence au travail et de la prévenir. Par conséquent, éliminer la violence au travail est devenu une priorité pour les employeurs. Même s’il y a peu de décisions liées à des poursuites sous le régime de la LSST portant sur les obligations relatives à la violence au travail, quelques affaires commencent à apparaître. Des incidents récents de violence au travail ont entraîné d’importantes amendes contre les employeurs qui n’ont pas respecté leurs obligations légales. Ces décisions contribuent à préciser les obligations légales ainsi que l’ampleur des obligations de l’employeur à l’égard de la violence au travail.

L’Ontario ne fait absolument pas cavalier seul dans ses tentatives d’éliminer la violence au travail au moyen de sa législation sur la santé et la sécurité au travail. De nombreux autres provinces et territoires au Canada ont aussi adopté des dispositions réglementaires particulières sur la prévention de la violence au travail. Dans les régions où la violence au travail n’est pas expressément visée (par ex., le Nouveau-Brunswick et le Yukon), il existe néanmoins des dispositions législatives imposant des obligations générales qui forceraient les employeurs à prendre des mesures pour protéger les employés contre la violence au travail. Même si la législation québécoise ne vise pas particulièrement la violence au travail, les dispositions législatives québécoises sur les normes du travail portant sur le « harcèlement psychologique » semblent suffisamment larges pour couvrir la violence au travail.

Importantes amendes pour contraventions aux obligations concernant la violence au travail

Les dispositions d’infractions générales figurant à la partie IX de la LSST s’appliquent aux contraventions aux obligations concernant la violence au travail. Les personnes physiques déclarées coupables d’avoir contrevenu à ces obligations sont passibles d’une amende maximale de 25 000 $ ou d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas 12 mois. Les personnes morales sont passibles d’une amende maximale de 500 000 $ (art. 66). Le montant de l’amende imposée dépend des circonstances de chaque affaire.

Dans les affaires de violence au travail, les amendes imposées jusqu’à présent ont été fort importantes. Par exemple, Kinark Child and Family Services, un organisme fournissant des services de santé mentale aux enfants, s’est fait imposer une amende de 125 000 $ en vertu de la LSST (août 2016). Cette décision a fait suite à un incident où deux membres du personnel ont été attaqués par un jeune résident à un centre de détention. Les travailleurs ont été blessés et ont subi des préjudices psychologiques. L’employeur a plaidé coupable à l’accusation d’avoir fait défaut de fournir des renseignements, des directives et une surveillance pour protéger un travailleur contre la violence au travail ou contre le risque de violence de la part d’un résident. En sus de l’amende de 125 000 $, l’employeur a été tenu de verser une suramende compensatoire de 25 %.

De même, le Centre de toxicomanie et de santé mentale (le « CAMH ») s’est fait imposer une amende de 80 000 $ à la suite d’un incident où deux de ses travailleurs ont été attaqués et blessés par un patient à l’un de ses établissements (juillet 2016). Le patient avait des antécédents de violence et ne prenait pas les médicaments nécessaires. Le CAMH a plaidé coupable à l’accusation d’avoir fait défaut d’élaborer, d’établir et de mettre en œuvre des mesures et des méthodes, dont des pratiques de travail sécuritaires, pour protéger les travailleurs lors des quarts de nuit contre la violence au travail. Le CAMH s’est aussi fait imposer la suramende compensatoire de 25 %.

Rejet des accusations portées contre l’employeur

La décision récente Ontario (Ministry of Labour) c. Royal Ottawa Health Care Group (juillet 2016) devrait particulièrement intéresser les employeurs. L’une des quelques décisions de première instance portant sur des accusations en vertu de la LSST concernant expressément la violence au travail, la décision démontre qu’un incident de violence au travail ne suffit pas en soi pour établir qu’un employeur a fait défaut de se conformer aux obligations que lui impose la LSST. Les Services de santé Royal Ottawa ont été accusés d’avoir fait défaut en tant qu’employeur d’élaborer et de maintenir les mesures et les méthodes nécessaires pour obtenir une aide immédiate lorsque se produit de la violence au travail, contrairement à l’al. 32.0.2(2b) de la LSST.

Cette accusation, de même que les accusations suivant les al. 25(2)a) et h) de la LSST (obligations de fournir des renseignements, des directives et une surveillance, et de prendre les précautions raisonnables nécessaires pour assurer la sécurité des travailleurs), ont été portées par suite d’un incident de violence au Centre de santé mentale Royal Ottawa. Un patient participant à un programme de réhabilitation avait attaqué plusieurs travailleurs. Pendant l’agression, des appels à l’aide avaient été effectués suivant le programme « Code blanc » de l’employeur. Un travailleur peut déclencher un Code blanc en composant un numéro à trois chiffres à divers téléphones au travail. Une fois déclenché, le Code blanc conduit à une annonce qui amène les autres membres du personnel à intervenir et à apporter leur aide.

Le ministère public a soutenu que le programme Code blanc était inefficace, déclarant qu’il y a eu des retards dans l’appel à l’aide et dans la réception de l’aide. Étant donné que le programme était inefficace, le ministère public a affirmé que l’employeur avait fait défaut, contrairement à la LSST, d’avoir en place des mesures et des méthodes pour obtenir une aide immédiate. Selon la position du ministère public, la survenance de l’incident de violence elle-même démontrait que l’employeur avait contrevenu à la LSST. L’employeur a soutenu que son obligation se limitait à avoir une politique et un programme en place comprenant des méthodes pour obtenir une aide immédiate. À son avis, il n’avait pas à établir l’efficacité du programme, ou même que le programme avait été mis en œuvre.

La Cour a étudié minutieusement les récits détaillés relatés par les témoins et a conclu que les infirmières de service cette nuit-là avaient la possibilité d’appeler immédiatement à l’aide au moyen de la méthode Code blanc. La Cour a conclu qu’il y avait un programme en place au travail pour obtenir de l’aide immédiatement et que ce programme fonctionnait convenablement. À la lumière de cette conclusion, la Cour a rejeté les trois accusations.

Il est intéressant de noter que la Cour a pris en considération l’efficacité du programme de lutte contre la violence au travail de l’employeur, particulièrement des mesures et méthodes pour obtenir une aide immédiate. Cela signifie qu’un employeur ne satisfera pas à son obligation simplement en ayant un programme « symbolique » de lutte contre la violence au travail qui se révèle insuffisant. L’employeur doit veiller à ce que son programme respecte les objectifs, les exigences et l’esprit de la LSST. Le fait que la Cour ait rejeté la notion selon laquelle l’incident de violence lui-même établissait un manquement aux obligations de l’employeur est néanmoins important et clarifie cette question pour les employeurs et les autres parties au travail. La Cour a expressément déclaré que même s’il s’agissait d’un incident malheureux [traduction] « les accidents ou les blessures au travail ne signifient pas tous qu’il y a eu faute ».

 

À notre avis

L’élimination de la violence au travail demeurera une priorité pour les employeurs. Les amendes importantes pouvant être imposées pour les contraventions aux obligations de la LSST en matière de violence au travail font réaliser l’importance de la conformité. Les employeurs doivent veiller à évaluer convenablement le risque de violence dans leur lieu de travail et à réévaluer ce risque lorsque les conditions de travail changent. Les employeurs devraient également faire en sorte que leurs politiques et programmes de lutte contre la violence au travail soient minutieusement formulés de manière à garantir qu’ils respectent les obligations de la LSST. Si un incident de violence se produit au travail, ces évaluations, politiques et programmes seront des facteurs clés pour la détermination de la conformité à la LSST.

Si vous voulez davantage d’information, veuillez communiquer avec Maître Kevin MacNeill au 613‑940‑2767.

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