Vous craignez d’être tenu légalement responsable si vous faites une recommandation défavorable? La vérité est la meilleure défense

Dans le monde de plus en plus litigieux du droit de l’emploi, un employeur peut souvent être réticent à faire une recommandation défavorable concernant un ancien employé. Cette réticence découle souvent de craintes que l’ancien employé intente contre lui une action en dommages-intérêts pour diffamation ou assertion frauduleuse et inexacte. Bien que ces craintes ne soient pas sans fondement, la décision récemment rendue par la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans Papp c. Stokes et al (avril 2017) permet de les relativiser.

Les faits étaient les suivants. M. Papp était au service de Stokes Economic Consulting Inc. à titre d’économiste salarié. Il a été congédié après un peu moins de trois ans. Même si le congédiement était sans motif, il y avait apparemment certains problèmes relatifs à la relation de travail entre M. Papp et ses collègues. Peu après son congédiement, M. Papp a demandé au président de la société, M. Stokes, s’il accepterait d’être une référence. M. Stokes a accepté.

En juillet 2014, M. Stokes a été contacté par un employeur éventuel de M. Papp et cet employeur lui a posé des questions au sujet de la capacité de M. Papp de travailler en équipe et d’établir des relations de travail positives. M. Stokes a déclaré que M. Papp ne travaillait pas bien avec les autres et qu’il ne travaillait pas bien au sein d’une équipe. Lorsqu’on lui a demandé s’il embaucherait de nouveau M. Papp, M. Stokes a dit « absolument pas », réponse qui a été notée.

À la lumière de ces déclarations, M. Papp n’a pas été embauché pour le poste. Il a intenté contre son ancien employeur une action sollicitant des dommages-intérêts de 65 000 $ pour congédiement abusif, des dommages-intérêts de 500 000 $ pour diffamation, des dommages-intérêts punitifs, exemplaires et majorés de 200 000 $ ainsi que des dommages-intérêts de 30 000 $ pour l’infliction intentionnelle de souffrance psychologique au montant.

Au début du procès, l’employeur a admis que M. Papp avait droit à un préavis raisonnable en common law. La Cour a fixé ce préavis à quatre mois en fonction des facteurs de l’arrêt Bardal. M. Papp n’a toutefois pas eu gain de cause concernant sa demande de dommages-intérêts pour diffamation.

La Cour a analysé l’état du droit en matière de diffamation et a souligné que le demandeur est tenu de prouver trois choses afin d’obtenir un jugement favorable ainsi que des dommages-intérêts :

  1. que les paroles reprochées étaient diffamatoires – en d’autres termes, qu’elles terniraient la réputation du demandeur aux yeux d’une personne raisonnable;
  2. que les paroles faisaient référence au demandeur;
  3. que les paroles ont été communiquées à au moins une autre personne que le demandeur.

Une fois que ces éléments sont établis suivant la prépondérance des probabilités, il incombe au défendeur de démontrer que les déclarations étaient essentiellement vraies (ce qu’on appelle la « justification ») ou que les déclarations ont été faites dans un contexte protégé (ce qu’on appelle l’« immunité »). En ce qui concerne la défense d’immunité, la Cour a souligné que les déclarations faites dans le contexte d’une vérification des références relèvent de l’« immunité relative ». La relativité réside dans le fait que cette immunité ne s’applique pas si le demandeur peut prouver que les déclarations ont été faites malicieusement. La malice comprend l’insouciance, qui est décrite comme l’indifférence quant à la véracité ou la fausseté de ce qui a été dit. L’employeur a invoqué les deux moyens de défense contre la demande en diffamation.

Appliquant le droit aux faits, la Cour a conclu que les déclarations de M. Stokes pendant la vérification des références étaient en fait diffamatoires. Les déclarations tendaient à ternir la réputation de M. Papp aux yeux d’une personne raisonnable, elles faisaient référence à M. Papp et elles ont été communiquées à au moins une autre personne que M. Papp.

La Cour a ensuite examiné les moyens de défense invoqués par l’employeur. Elle a conclu suivant la prépondérance des probabilités que les déclarations faites par M. Stokes pendant la vérification des références étaient essentiellement vraies, de sorte que la défense de justification était établie.

En ce qui concerne le deuxième moyen de défense, soit celui de l’immunité relative, la Cour a conclu que M. Stokes n’avait pas fait les déclarations avec malice ou insouciance. La Cour a souligné que M. Stokes a discuté des relations de M. Papp avec un certain nombre d’employés et a vérifié de façon appropriée son opinion. La Cour a ensuite rejeté l’action en diffamation, concluant que M. Stokes avait établi une « défense complète ». La Cour a également conclu à l’absence de fondement pour des dommages-intérêts exemplaires ou majorés ou pour des dommages-intérêts pour infliction intentionnelle de souffrance psychologique.

 

À notre avis

Cette décision est très positive pour les employeurs. Elle confirme que l’immunité relative s’applique aux vérifications des références en matière d’emploi et que les employeurs peuvent discuter franchement du rendement et des relations de travail interpersonnelles d’anciens employés. Par contre, lorsqu’un employeur fait une recommandation négative, il doit tenter de vérifier que les déclarations qu’il fait peuvent être appuyées par la preuve de faits. Ces faits aideront l’employeur à établir les deux moyens de défense en cas de demande en diffamation. Les faits peuvent démontrer que les déclarations sont vraies et, par conséquent, établir la défense de justification. Même si tel n’est pas le cas, ces faits peuvent démontrer que les déclarations n’ont pas été faites avec malice ou insouciance et contribuent donc à l’établissement de la défense d’immunité relative.

Si vous voulez davantage d’information, veuillez communiquer avec Céline Delorme au 613‑940‑2763 ou Mélissa Lacroix au 613-940-2741.

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