L’Ontario instaure une nouvelle série de mesures d’austérité – gel des salaires dans le secteur parapublic

Le 26 septembre 2012, le gouvernement de l’Ontario a publié un avant-projet de loi visant le gel des salaires dans le secteur parapublic. La Loi de 2012 protégeant les services publics (la « Loi ») est un projet de loi omnibus qui, si adopté, rendrait exécutoires deux nouvelles lois ainsi que des modifications à la loi existante. Les nouvelles dispositions qui entreraient en vigueur en vertu de la Loi sont la Loi de 2012 sur la restriction de la rémunération dans le secteur public, qui cible les employés non syndiqués du secteur public et la Loi de 2012 respectant la négociation collective dans le secteur public qui cible les employés du secteur parapublic qui ont accès à la négociation collective. La Loi viendrait également modifier diverses lois en vue de changer le processus d’arbitrage de différends pour les organismes parapublics, à savoir les hôpitaux, les services d’urgence et la Commission de transport de Toronto.

LA LOI DE 2012 SUR LA RESTRICTION DE LA RÉMUNÉRATION DANS LE SECTEUR PUBLIC

L’annexe 1 de la Loi, intitulée Loi de 2012 sur la restriction de la rémunération dans le secteur public (la « LRRSP ») abrogerait les mesures de restriction actuelles prévues dans la Loi de 2010 sur la responsabilisation du secteur parapublic (la « LRSPP »), et les remplacerait par une nouvelle série de mesures de restriction. Ces nouvelles mesures prévues dans la LRRSP auraient une portée plus vaste que celle prévue dans la LRSPP. L’annexe 1 de la LRRSP vise à étendre la liste des employeurs assujettis aux nouvelles mesures de restriction. Sont concernés notamment :

  • la Couronne du chef de l’Ontario et les organismes, autorités, conseils, commissions, sociétés, bureaux ou organisations de personnes dont la majorité des administrateurs, membres ou directeurs sont nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil ou un membre du Conseil exécutif;
  • le Bureau du lieutenant-gouverneur de l’Ontario, le Bureau de l’Assemblée et les bureaux de personnes nommées sur adresse de l’Assemblée;
  • toutes les universités de l’Ontario et tous les collèges des arts appliqués et de technologie ainsi que les établissements postsecondaires de l’Ontario, dont les inscriptions sont comptabilisées afin d’établir les subventions de fonctionnement annuelles auxquelles ils ont droit;
  • tous les conseils scolaires au sens de la Loi sur l’éducation;
  • tous les hôpitaux publics au sens de la Loi sur les hôpitaux publics;
  • tous les conseils de santé au sens de la Loi sur la protection et la promotion de la santé;
  • tous les titulaires de permis au sens de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée, en dehors des titulaires de permis qui exercent leurs activités dans un but lucratif pour leurs membres ou actionnaires;
  • toutes les sociétés d’accès aux soins communautaires au sens de la Loi de 2001 sur les sociétés d’accès aux soins communautaires;
  • toutes les entités qui offrent un service directement au public, qui sont financées en tout ou partie par une société d’accès aux soins communautaires et qui n’exercent pas leurs activités dans un but lucratif pour leurs membres ou actionnaires;
  • Hydro One Inc., chacune de ses filiales, Ontario Power Generation Inc., chacune de ses filiales, la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité et chacune de ses filiales;
  • toutes les autres autorités, conseils, commissions, sociétés, bureaux ou organisations de personnes précisés par règlement.

PLAFOND SALARIAL

Les nouvelles mesures de restriction prévoient un plafond salarial permanent établi à environ 418 000 $ (correspondant au double du traitement du premier ministre de l’Ontario). Les personnes qui sont embauchés après l’entrée en vigueur de la loi et les employés en poste qui changent de poste chez leur employeur après l’entrée en vigueur de la loi seraient assujettis à ce plafond salarial. Pour ces employés, le plafond salarial gèlerait leur salaire, leurs primes et autres primes de rendement, mais ne semble pas toucher les augmentations des avantages. La LRRSP confèrerait au lieutenant-gouverneur en conseil le pouvoir de promulguer des règlements visant à exonérer certains postes du plafond salarial, lorsque les conditions du marché du travail le justifient.

MESURES DE RESTRICTION

Pour les employés en poste, la LRRSP instaurerait un certain nombre de mesures de restriction ciblées pour une période de deux ans qui commencerait vraisemblablement le jour de l’entrée en vigueur de la loi. Les mesures de restriction s’appliqueraient aux employés admissibles à une rémunération au rendement à la date d’entrée en vigueur de la loi. Ces employés seraient assujettis à plusieurs restrictions pour une période de deux ans. Ces restrictions sont les suivantes :

  • un gel de la progression dans l’échelle des salaires (sauf si les responsabilités du poste ont « considérablement augmenté »);
  • une interdiction de la rémunération au rendement si l’employé n’a pas reçu de rémunération au rendement au cours des 12 mois précédents;
  • une interdiction de l’augmentation des paiements ou des avantages au-dessus du niveau prévu dans le régime de rémunération de l’employé à la date d’entrée en vigueur de la loi;
  • une interdiction d’augmenter ou d’accorder de nouveaux paiements, avantages indirects ou avantages aux employés; sauf lorsqu’il fait partie du régime de rémunération de l’employé et correspond à des années de service ou à l’achèvement d’un programme ou d’un cours d’enseignement professionnel ou technique;
  • si l’employé occupe un nouveau poste, sa rémunération ne peut pas être supérieure à celle qui était octroyée au titulaire de ce poste;
  • si un nouvel employé est nommé à un poste qui était occupé par un employé bénéficiant d’une rémunération au rendement, le régime de rémunération de ce nouvel employé ne peut pas être supérieur à celui de l’employé précédent et aucune rémunération au rendement ne sera versée au nouvel employé.

ANTI-ÉVITEMENT

La LRRSP établirait un régime anti-évitement qui vise à ce que les employeurs du secteur parapublic respectent le gel des rémunérations. Le paragraphe 13(1) établit ce qui suit :

13.(1) L’employeur ne doit pas, avant ou après la période de restriction, accorder de rémunération à un employé ou à un titulaire de charge au titre de toute rémunération qu’il ne recevra pas, qu’il ne reçoit pas ou qu’il n’a pas reçue en raison des mesures de restriction temporaires prévues par la présente loi.

Pendant la période de restriction, la LRRSP interdirait également à un employeur du secteur parapublic de procéder à une restructuration si cette dernière entraînait la non-application d’une mesure de restriction temporaire prévue par la loi. Une restructuration de bonne foi est permise, à moins que son but véritable ne soit d’empêcher l’application d’une mesure de restriction.

L’article 15 de la LRRSP exigerait par ailleurs que les employeurs déclarent leur respect de la loi en vertu des directives publiées par le Conseil de gestion du gouvernement. La directive en question établirait la forme et la façon de remplir les rapports de conformité, ainsi que la date à laquelle ils devraient être présentés. Les rapports comprennent une déclaration signée par le dirigeant de l’employeur qui occupe le rang le plus élevé attestant que l’employeur a respecté le plafond salarial permanent et les mesures de restriction temporaires pendant toute la période visée par le rapport.

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

La LRRSP comporte des dispositions générales qui établissent qu’aucune disposition dans la loi ne peut être interprétée ou appliquée de manière à restreindre un droit prévu par le Code des droits de la personne, la Loi de 2000 sur les normes d’emploi, ou la Loi sur l’équité salariale. Les obligations d’un employeur en vertu de ces dispositions continueraient de s’appliquer. L’article 18 de la LRRSP précise qu’un employeur ne sera pas considéré comme ayant procédé au congédiement déguisé d’un employé en vertu de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi ou de la common law, en raison de ses efforts de conformité à la loi.

L’article 20 de la LRRSP va plus loin, interdisant les instances contre la Couronne ou contre un employeur assujetti à la loi. Il établit qu’aucune cause d’action ne saurait être intentée, directement ou indirectement, des suites de l’adoption de la LRRSP, ou en conséquence du respect de la loi par un employeur. Cette interdiction s’appliquerait à toutes les instances en responsabilité, contractuelles, en restitution, en délit, en fiducie, en obligation fiduciaire ou autre. Toute instance entamée avant l’entrée en vigueur de la LRRSP serait réputée avoir été rejetée, sans dépens, à la date d’entrée en vigueur de la loi.

LA LOI DE 2012 RESPECTANT LA NÉGOCIATION COLLECTIVE DANS LE SECTEUR PUBLIC

L’annexe 2 de la loi, intitulée Loi de 2012 respectant la négociation collective dans le secteur public (la « LRNCSP ») viendrait altérer de façon significative le rôle du gouvernement dans le processus de négociation collective du secteur public. La LRNCSP s’appliquerait aux organisations déjà visées par la LRRSP, ainsi qu’aux suivantes :

  • les organismes sans but lucratif qui ont reçu une aide financière d’au moins 1 000 000 $ du gouvernement de l’Ontario au cours de l’année précédente;
  • les titulaires de permis au sens de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée;
  • les organisations qui offrent des services au public et reçoivent des fonds d’un centre d’accès aux soins communautaires.

La LRNCSP s’appliquerait à la première convention collective confirmée ou imposée entre un employeur et une organisation négociatrice à la suite de l’entrée en vigueur de la loi et avant sa date d’expiration. La date d’expiration, fixée par règlement, ne pourrait pas être moins de deux ans après l’entrée en vigueur de la loi, ou postérieure à l’élimination du déficit provincial.

La LRNCSP confèrerait au gouvernement le pouvoir de publier des « instructions » relativement à une convention collective par l’entremise du Conseil de gestion du gouvernement (« mandate »). Ces instructions seraient contraignantes pour les employeurs visés par cette disposition. Ces instructions ont été établies dans le but explicite d’éliminer le déficit et pourraient être publiées en fonction du secteur, de l’employeur, de la catégorie d’employeur ou de la catégorie d’employé. Les instructions seraient assorties de critères se rapportant à la rémunération et à la prestation de services.

Les employeurs du secteur parapublic seraient tenus de négocier des conventions collectives dans les limites des critères établis par l’instruction applicable. Advenant que l’employeur signe une nouvelle convention collective, cette convention serait transmise au ministre pour examen. Celui?ci déterminerait alors si la convention collective est conforme à l’instruction ou encore à l’objectif visant la réduction du déficit. Dans la négative, le ministre pourrait demander aux parties de modifier la convention collective, et, en cas d’échec, il pourrait imposer une nouvelle convention collective aux parties. Le ministre serait également investi du pouvoir d’imposer une convention collective s’il jugeait que les parties ne sont pas en mesure d’atteindre une entente conforme à l’objectif de la province visant à éliminer le déficit.

Avant d’imposer une convention collective, la LRNCSP prévoit que le ministre donnerait aux parties la possibilité de participer à une consultation écrite visant à établir si une convention collective doit être imposée, et les modalités proposées pour ladite convention collective.

ANTI-ÉVITEMENT

De façon comparable à la LRRSP, la LRNCSP prévoit un certain nombre de dispositions pour garantir le respect des mesures de restriction. En vertu de l’article 16, l’employeur ne doit pas, avant, pendant ou après la durée de la convention collective, accorder de rémunération à un employé au titre de la rémunération qu’il n’a pas reçue en raison de la loi. Avant confirmation ou imposition d’une convention collective en vertu de la loi, les parties à ladite convention collective n’ont pas le droit de mettre en œuvre des modalités qui ne respectent pas l’instruction applicable.

Une fois qu’une convention collective est confirmée ou imposée en vertu de la LRNCSP, les parties n’auraient pas le droit de modifier la convention de sorte à la rendre contraire à l’instruction applicable ou à l’objectif du gouvernement visant à éliminer le déficit. Afin de rendre exécutoire cette restriction, le ministre s’est vu conférer le pouvoir d’obtenir des renseignements au sujet des modifications apportées par les parties. Advenant que le ministre décide que les modifications proposées sont conflictuelles avec l’objectif du gouvernement visant à réduire le déficit, il peut déclarer les modifications inopérantes, renvoyer les modifications aux parties en vue d’un examen plus poussé, et même imposer des modifications à la convention collective.

CHANGEMENTS AU PROCESSUS D’ARBITRAGE DE DIFFÉRENDS

La LRNCSP confèrerait en outre au ministre le pouvoir d’examiner les conventions collectives établies dans le cadre d’un processus d’arbitrage de différends afin de déterminer si cette convention est conforme à l’instruction applicable. S’il établit que la convention collective n’est pas conforme à l’instruction, le ministre est habilité à déclarer que la décision d’arbitrage n’est pas contraignante et peut exiger que les parties reviennent à la table des négociations.

Pour certains secteurs municipaux et associés, les annexes 3 à 8 de la loi prévoient des modifications aux processus d’arbitrage de différends établis dans les lois suivantes :

  • Loi de 2001 sur la négociation collective dans les services d’ambulance (annexe 3);
  • Loi de 1997 sur la prévention et la protection contre l’incendie (annexe 4);
  • Loi sur l’arbitrage des conflits de travail dans les hôpitaux (annexe 5);
  • Loi sur les services policiers (annexe 6);
  • Loi de 2011 sur le règlement des conflits de travail à la Commission de transport de Toronto (annexe 7);
  • Loi de 2006 sur la négociation collective relative à la Police provinciale de l’Ontario (annexe 8).

Certains des changements les plus notables sont les suivants :

  • un arbitre ou un conseil d’arbitrage ne peut pas se prononcer sur la constitutionnalité d’une disposition de la loi;
  • l’arbitre doit rendre sa décision au plus tard 16 mois après la date de renvoi (c’est?à-dire la date à laquelle les parties déclarent que la conciliation a échoué);
  • si l’arbitre ne respecte pas le délai de 16 mois, le différend est automatiquement renvoyé devant la Commission des relations de travail de l’Ontario pour règlement, à moins qu’il y ait une demande à la CRTO visant une prorogation.

À notre avis

Le régime proposé dans la LRNCSP constituerait une innovation intéressante par rapport à l’approche gouvernementale antérieure concernant la restriction des rémunérations pour les employés syndiqués dans le secteur public. Par le passé, le gouvernement se contentait promulguer une loi déclarant que les niveaux de rémunération étaient gelés pour une période précise. Cette loi prévoyait en substance la nature particulière du gel de la rémunération et couvrait les questions de progression dans l’échelle salariale, de rémunération au rendement et d’ajustements visant à refléter de nouvelles fonctions. Cette approche toutefois, peut souvent faire l’objet de contestations constitutionnelles fondées sur le fait que la loi nuit au processus de négociation collective. Le régime proposé d’instructions précises, contrairement à une interdiction uniforme, allié à un processus de négociation et de consultation avant l’imposition d’une convention collective, constitue une tentative manifeste d’atténuer le risque de contestation constitutionnelle tout en s’efforçant d’atteindre les objectifs de restriction de la rémunération.

Si la loi devait être adoptée, et faire l’objet d’une contestation constitutionnelle, le gouvernement adopterait vraisemblablement la position selon laquelle les employeurs peuvent toujours négocier des conventions collectives, en demeurant toutefois dans les limites des paramètres établis dans une instruction particulière, et ainsi préserver le processus de négociation collective. Le gouvernement ferait valoir en outre que les parties conservent la possibilité de se consulter sur les modalités de la convention collective devant être imposée, conformément à la jurisprudence constitutionnelle récente. Le succès d’un tel argument dépendrait de l’ampleur de chaque instruction et des mesures de restriction en question. Il dépendrait en outre de la façon dont le processus de consultation est géré dans la pratique. Une consultation véritable et importante aura plus de chance d’être suivie qu’une consultation qui ressemble davantage à une simple formalité. L’acceptation par un tribunal de la supervision du processus de négociation collective sous ce régime en cas de contestation constitutionnelle, reste à voir.

Pour en savoir davantage, veuillez communiquer avec André Champagne au 613?940?2735.

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