Décision de l’arbitre sur le droit des infirmières à la prime pour fins de semaine de travail consécutives

Le 29 octobre 2012, l’arbitre Parmar a rendu sa décision dans l’affaire du Centre de santé régional de Peterborough et de l’Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario. L’arbitrage portait sur un grief présenté en vertu de la convention collective au sujet du droit des infirmières à la prime pour avoir travaillé au cours de fins de semaine consécutives. C’est la plus récente des décisions toujours plus nombreuses traitant de l’interprétation des dispositions de conventions collectives qui imposent aux employeurs des restrictions quant à l’établissement des horaires de travail et prévoient ensuite des primes pour les employés qui effectuent des quarts de travail au-delà des restrictions en cause. L’arbitre a appliqué les règles d’interprétation des conventions collectives et soutenu que les infirmières n’avaient pas droit à la prime dans les circonstances. Me Lynn Harnden, de notre cabinet, a représenté avec succès le Centre de santé dans cette affaire qui offre d’excellentes observations sur l’interprétation des conventions collectives.

LES GRIEFS

Le différend a surgi en février 2012 lorsque le Centre de santé a modifié sa pratique consistant à verser une prime aux infirmières qui effectuaient volontairement des quarts de travail pendant deux fins de semaine consécutives ou plus. Auparavant, si un quart de travail supplémentaire non prévu à l’horaire était offert à une infirmière qui, par conséquent, travaillait deux fins de semaine consécutives ou plus, le Centre de santé rémunérait l’infirmière au taux normal majoré de moitié pour la deuxième fin de semaine et chaque fin de semaine consécutive de travail.

Le syndicat a présenté un grief au sujet du changement de pratique du Centre de santé en affirmant que les infirmières avaient droit à la prime conformément à la convention collective. Le syndicat s’est appuyé sur le sous-alinéa D?3c) (iii) de la convention collective qui prévoit que :

D?3     Pour tous les employés
c)       Horaires de travail en fin de semaine (temps plein et temps partiel)
          i)   Le Centre de santé prévoit à l’horaire une fin de semaine de congé sur deux.
          ii)   …
          iii) S’il est prévu à l’horaire de travail par le Centre de santé qu’un employé
              travaillera deux (2) fins de semaine consécutives ou plus, l’employé sera
              rémunéré conformément à l’article 14.03 pour les heures travaillées au
              cours de la deuxième [2e] fin de semaine et de toute fin de semaine
              subséquente consécutive jusqu’à ce que l’employé ait une fin de
              semaine de congé. La disposition qui précède ne s’applique pas lorsque l’employé :
              A) a travaillé au cours de la fin de semaine en question pour compenser des
                  jours de congé précis demandés par lui;
              B) a demandé par écrit à travailler en fin de semaine seulement, demande qui
                  sera renouvelée une fois par trimestre;
              C) a travaillé au cours de la fin de semaine en question après avoir
                  échangé des quarts de travail avec un autre employé. [nos soulignements]

L’article 14.03 mentionné ci?dessus prévoit que la prime est payée au « taux majoré de moitié ».

De l’avis du syndicat, l’expression « prévu à l’horaire par le Centre de santé » inclut tout quart de travail effectué par une infirmière à la demande de l’employeur, ce qui inclut à la fois les quarts prévus à l’horaire et les quarts supplémentaires travaillés après qu’une infirmière a accepté d’effectuer un quart supplémentaire de travail offert par le Centre de santé.

Le Centre de santé a convenu que s’il était prévu à l’horaire qu’une infirmière travaillerait pendant des fins de semaine consécutives, celle?ci avait droit à la prime. Dans les circonstances à l’origine des griefs, l’employeur a toutefois offert des quarts de travail supplémentaires en fin de semaine non prévus à l’horaire, que les infirmières étaient libres d’accepter ou de refuser. De l’avis du Centre de santé, l’obligation prévue à la convention collective de verser la prime pour fins de semaine de travail consécutives s’applique seulement lorsqu’il était « prévu à l’horaire » qu’une infirmière travaillerait pendant des fins de semaine consécutives.

INTERPRÉTATION DE LA CONVENTION COLLECTIVE

Comme l’a résumé l’arbitre Parmar, le grief soulevait la question de savoir si un employé qui travaille après avoir accepté de faire un quart de travail supplémentaire offert par l’employeur est un employé dont l’affectation est prévue à l’horaire par le Centre de santé. L’arbitre a commencé son analyse en mentionnant le principe fondamental de l’interprétation des conventions collectives : afin de rendre exécutoire l’entente conclue entre les parties, il faut donner aux mots leur sens simple et ordinaire lorsqu’ils sont lus dans le contexte de la disposition en particulier, et de la convention collective dans son ensemble.

L’arbitre Parmar a signalé que l’interprétation que le syndicat fait de l’alinéa (iii) lui donne le même sens que si la disposition se lisait ainsi : « si un employé travaille… des fins de semaine consécutives ». À son avis, si c’était le sens désiré par les parties, elles auraient utilisé cette formulation. Elles ont plutôt choisi la formulation plus restrictive « prévu à l’horaire par le Centre de santé ». Ce choix de mots indique que les parties souhaitaient que la prime s’applique lorsque l’employeur prenait certaines mesures et non l’employé. L’arbitre a aussi commenté le fait que l’interprétation du syndicat donnait à l’expression « prévu à l’horaire » une définition différente de la façon dont elle est utilisée ailleurs dans la convention collective. Dans ces autres cas, le syndicat ne laissait pas entendre que les mots « prévu à l’horaire » ou « horaire » signifiaient quoi que soit d’autre que l’établissement de l’horaire de travail dans le cours normal des choses.

L’arbitre a ensuite cité la décision rendue dans l’affaire Guelph General Hospital et AIIO (2010), qui portait directement sur l’interprétation de l’expression « prévu à l’horaire ». Dans ce cas, l’arbitre Herman devait déterminer l’applicabilité de deux dispositions différentes, dont une utilisait l’expression « a dû travailler » et l’autre, l’expression « prévu à l’horaire ». Après avoir analysé attentivement la jurisprudence, l’arbitre Herman a déclaré que les mots « a dû travailler » s’appliquaient en général aux quarts de travail qui sont offerts aux infirmières et que celles?ci acceptent de faire. L’expression « prévu à l’horaire » indique par ailleurs les quarts prévus à l’horaire dans le contexte de l’établissement normal de l’horaire de travail.
En se fondant sur la décision Guelph General Hospital, l’arbitre Parmar a conclu que la bonne façon d’interpréter l’expression « prévu à l’horaire » excluait les quarts travaillés après qu’ils aient été offerts à une infirmière, et acceptés. Le Centre de santé a appuyé encore davantage cette conclusion en soulignant que la convention collective établissait une distinction claire entre les heures prévues à l’horaire de travail affiché et les « heures non prévues à l’horaire ». La convention collective considère les « heures non prévues à l’horaire » comme des heures qui deviennent disponibles après l’affichage de l’horaire. Elles sont ensuite offertes aux employés. De l’avis de l’arbitre, cela démontre clairement que les parties comprenaient qu’il y avait deux catégories d’heures de travail, soit les heures prévues à l’horaire et les heures non prévues. Le choix des parties d’utiliser l’expression « prévu à l’horaire » à l’alinéa (iii) peut seulement signifier qu’elles ne faisaient pas allusion aux « heures non prévues à l’horaire » offertes après l’affichage de l’horaire de travail.

L’arbitre Parmar a conclu son analyse en donnant à l’expression « prévue à l’horaire » sa signification simple et ordinaire et a rejeté l’argument du syndicat qui soutenait que l’expression « prévu à l’horaire » incluait tout quart de travail effectué par une infirmière. Ellel a constaté que la pratique antérieure du Centre de santé qui consistait à payer la prime n’était pas déterminante compte tenu de la signification simple et ordinaire du libellé de la convention collective. Elle a soutenu qu’une infirmière qui travaille uniquement après avoir accepté l’offre que lui a faite le Centre de santé d’effectuer un quart de fin de semaine disponible n’a pas droit à la prime en vertu de la convention collective.

À notre avis

L’issue de l’affaire Lakeridge Health Corporation et Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario (25 octobre 2012) étaye la décision de l’arbitre Parmar. Publiée quelques jours avant celle de l’arbitre Parmar, la décision Lakeridge mettait aussi en cause une détermination du droit des infirmières à la prime après avoir travaillé des fins de semaine consécutives. La formulation de la convention collective en cause dans l’affaire Lakeridge était la suivante : « Si une infirmière travaille une deuxième (2e) fin de semaine consécutive et des fins de semaine subséquentes, elle touchera une prime… » En comparant ce libellé à celui en cause dans l’affaire du Centre de santé régional de Peterborough, on remarque immédiatement l’utilisation, dans la convention collective de Lakeridge, du mot « travaille » plutôt que de l’expression « Prévu à l’horaire » utilisée dans la convention collective de Peterborough. L’employeur dans l’affaire Lakeridge a soutenu que le mot « travaille » s’entend d’un quart de travail prévu à l’horaire et non d’un quart de travail effectué après qu’une infirmière a accepté une offre de travail supplémentaire faite par l’employeur. Dans de telles circonstances, de l’avis de l’employeur, l’infirmière n’a pas droit à la prime pour fins de semaine consécutives. L’arbitre dans l’affaire Lakeridge a appliqué les mêmes techniques d’interprétation des conventions collectives que celles qui ont servi dans l’affaire Peterborough. Il a rejeté l’interprétation de l’employeur et soutenu que, sous réserve des exceptions précises prévues dans la convention collective, une infirmière est seulement tenue de travailler un quart de travail consécutif pour avoir droit à la prime, sans égard à l’horaire de travail établi par l’employeur.

Les issues différentes de ces affaires mettent en évidence l’importance de la formulation particulière que les parties aux conventions collectives choisissent d’intégrer dans leurs documents. Les arbitres attribueront en général aux mots leur sens simple et ordinaire dans le contexte de la disposition en particulier et de la convention collective dans son ensemble. Des formulations légèrement différentes peuvent entraîner d’importantes différences dans les obligations et des droits des parties en vertu des conventions collectives.

Pour en savoir davantage, veuillez communiquer avec André Champagne au (613) 940?2735.

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