Les obligations liées à la garde des enfants font partie du concept de « situation de famille » prévu par la Loi canadienne sur les droits de la personne

 

Dans le plus récent, et peut-etre dernier, chapitre de deux affaires fédérales en droits de la personne portant sur les obligations liées a la garde des enfants, soit Procureur général c. Fiona Ann Johnstone et Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Denise Seeley (2 mai 2014), la Cour d’appel fédérale a statué que les obligations d’une personne liées a la garde d’un enfant relevent du motif protégé de la « situation de famille » en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. La Cour a aussi précisé la portée de la protection et le type d’obligations liées a la garde des enfants qu’englobe la « situation de famille ».

Les lecteurs d’Au point se souviendront des décisions initiales rendues par le Tribunal canadien des droits de la personne et des décisions subséquentes en contrôle judiciaire rendues par la Cour fédérale (voir « La Cour fédérale confirme des décisions du Tribunal – Les obligations liées a la garde des enfants font partie du concept de « situation de famille » prévu par la Loi canadienne sur les droits de la personne »). Dans les deux affaires, Johnstone et Seeley étaient les parents de jeunes enfants et ne pouvaient pas trouver de services de garde adéquats pour répondre aux exigences professionnelles de leurs employeurs. Dans le cas de Johnstone, son mari et elle travaillaient pour l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et devaient etre disponibles pour des quarts de travail rotatifs 24 heures sur 24, de sorte qu’il leur était presque impossible de trouver des services de garde réguliers. Dans le cas de Seeley, l’employeur, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), a exigé qu’elle déménage de Jasper a Vancouver pour combler une pénurie de main-d’ouvre. Le déménagement aurait causé une contrainte excessive a Seeley en raison de ses obligations parentales a l’égard de ses jeunes enfants.

Johnstone et Seeley ont toutes deux sollicité en vain des accommodements aupres de leurs employeurs avant de déposer des plaintes en droits de la personne aupres du Tribunal. Dans deux décisions distinctes, le Tribunal a conclu que les obligations d’un parent liées a la garde des enfants relevent du motif interdit de discrimination que constitue la « situation de famille » en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la « Loi ») et que l’ASFC et le CN avaient contrevenu a la Loi en refusant d’accommoder les obligations liées a la garde des enfants de Johnstone et Seeley. En contrôle judiciaire, la Cour fédérale a confirmé ces décisions. Les deux employeurs ont interjeté appel aupres de la Cour d’appel fédérale.

Confirmant les décisions rendues par la Cour fédérale et le Tribunal, la Cour d’appel fédérale a déclaré unanimement que le motif interdit de discrimination que constitue la « situation de famille » englobe les obligations d’une personne liées a la garde des enfants. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a fait d’importants efforts pour définir la portée des obligations liées a la garde des enfants qui méritent protection en vertu de la Loi. Selon la Cour, les types d’obligations liées a la garde des enfants qui sont protégées sont celles qu’un parent ne peut négliger sans engager sa responsabilité légale. La protection se limite donc a ce qui a été qualifié de caractéristiques immuables ou présumées immuables, par opposition aux choix familiaux personnels, comme la participation a des activités parascolaires et a des activités familiales facultatives similaires. La Cour a souligné que cette méthode évite que l’on minimise les droits de la personne, ce qui serait le cas si on accordait une protection fondée sur les droits de la personne aux choix personnels.

La Cour d’appel fédérale a aussi indiqué clairement que dans les affaires portant sur des allégations de discrimination fondée sur la situation de famille, il faut, pour déterminer s’il y a eu discrimination, tenir compte des efforts que l’employé a faits pour obtenir d’autres modalités raisonnables de garde d’enfants. C’est seulement lorsque l’employé fait des efforts raisonnables, mais en vain, que la discrimination a premiere vue est établie.

La Cour d’appel fédérale a ensuite exposé les éléments que doit démontrer la personne qui allegue la discrimination fondée sur la situation de famille en raison des obligations liées a la garde des enfants :

  1. un enfant est sous sa garde et sa supervision;
  2. les obligations liées a sa garde engagent la responsabilité légale de la personne pour cet enfant, par opposition a un choix personnel;
  3. elle a fait des efforts raisonnables pour satisfaire a ces obligations au moyen d’autres solutions raisonnables et ces autres solutions ne sont pas raisonnablement applicables;
  4. la regle contestée du milieu de travail nuit d’une maniere non mineure et non insignifiante a la réalisation de ces obligations

A notre avis

Les décisions rendues par la Cour d’appel fédérale offrent davantage de certitude et de clarté en ce qui concerne la protection conférée a la situation de famille en vertu de la législation en droits de la personne. Les employeurs peuvent etre rassurés par l’aspect des décisions qui confirme que les types d’obligations liées a la garde des enfants qu’il faut accommoder sont celles qui sont essentielles et qui engagent la responsabilité légale de la personne. La protection ne s’applique pas aux obligations mineures suscitées par des choix familiaux personnels. De meme, les décisions indiquent clairement que l’employé doit faire des tentatives raisonnables pour accommoder ses obligations liées a la garde des enfants. Dans Johnstone, la Cour a expressément fait remarquer ce qui suit :

[traduction]
Un plaignant doit donc démontrer que ni lui ni son conjoint ne peuvent satisfaire a leurs obligations exécutoires liées a la garde des enfants tout en continuant de travailler et qu’ils n’ont pas raisonnablement acces a un service de garderie disponible ou a des solutions de rechange leur permettant de respecter leurs obligations professionnelles. Essentiellement, un plaignant doit démontrer qu’il fait face a un véritable probleme pour la garde de ses enfants. Cela dépend en tres grande partie des faits de chaque affaire, laquelle doit etre examinée individuellement a la lumiere de toutes les circonstances.

Ces facteurs devraient limiter le nombre d’allégations de discrimination visant les employeurs, mais les employeurs doivent veiller a analyser les demandes d’accommodement des employés relativement a leurs obligations liées a la garde des enfants. Les employeurs doivent examiner chaque demande au cas par cas et tenir compte des besoins particuliers de l’employé ainsi que des efforts qu’il a déployé pour accommoder ses obligations. Des politiques qui énoncent la méthode appliquée a de telles demandes et qui prévoient des évaluations personnalisées aideront les employeurs a respecter leurs obligations légales.

Si vous voulez davantage d’information, veuillez communiquer avec Sébastien Huard au (613) 940-2744.

 

Related Articles

La CSPAAT impose désormais un délai de 3 jours ouvrables pour la déclaration initiale d’un accident par les employeurs

Le 29 septembre 2023, la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (« CSPAAT ») a…

Le gouvernement de l’Ontario propose d’importantes modifications à diverses lois dans le secteur de l’éducation

En avril, le gouvernement de l’Ontario a déposé le projet de loi 98, Loi de 2023 sur l’amélioration des écoles et…

La Cour supérieure de justice de l’Ontario déclare la Loi 124 nulle et sans effet

Le 29 novembre 2022, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a publié une décision très attendue sur dix demandes…