Le projet de loi sur la modernisation de la fonction publique en première lecture

Le gouvernement a déposé au Parlement le 6 février 2003 le projet de loi C-25, Loi sur la modernisation de la fonction publique. Si elle est adoptée, cette loi établirait une nouvelle Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) et une nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) et modifierait la Loi sur le Centre canadien de gestion (LCCG) ainsi que les dispositions portant sur les ressources humaines de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP). D’apres le gouvernement, la loi permet d’atteindre les objectifs suivants :

  • assouplir les mesures de dotation et de gestion des ressources humaines et renforcer les garanties pour s’assurer que la fonction publique demeure non partisane et fondée sur le mérite;
  • instaurer des relations patronales-syndicales plus constructives, fondées sur la collaboration, afin d’assurer un milieu de travail sain et productif;
  • se doter d’un cadre de formation et d’apprentissage cohérent pour aider les employés a se perfectionner et a répondre aux besoins de la fonction publique;
  • clarifier les rôles et renforcer les mécanismes de responsabilisation des institutions et des responsables de la gestion de la fonction publique.

Le gouvernement a déclaré son intention d’adopter le projet de loi d’ici l’été, et propose l’entrée en vigueur graduelle de la loi au cours des trois a quatre prochaines années. Le présent article ne porte que sur quelques aspects de la loi proposée.

LOI SUR L’EMPLOI DANS LA FONCTION PUBLIQUE

Un des themes importants de la loi est d’assurer la flexibilité en matiere de dotation. A cette fin, le préambule énonce que « le pouvoir de dotation [de la Commission de la fonction publique] devrait etre délégué a l’échelon le plus bas possible dans la fonction publique pour que les gestionnaires disposent de la marge de manoeuvre dont ils ont besoin pour effectuer la dotation, et pour gérer et diriger leur personnel… ».

Mérite

La LEFP maintiendrait la Commission de la fonction publique dans son rôle en tant qu’organisme indépendant chargé de nommer les fonctionnaires a leurs postes, relevant du Parlement, afin de protéger le systeme d’embauche de la fonction publique fondé sur le mérite. A cet égard, la LEFP modifierait le sens du terme « mérite » de façon a prévoir qu’une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

  • selon la Commission, la personne nommée possede les qualifications essentielles – notamment la compétence dans les langues officielles – établies par l’administrateur général (dans le cas d’un ministere, le sous-ministre) pour le travail a accomplir;
  • la Commission prend en compte :
    • toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considere comme un atout pour le travail a accomplir ou pour l’administration, pour le présent ou l’avenir,
    • toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général,
    • tout besoin actuel ou futur de l’administration précisé par l’administrateur général.

En vertu de la Loi, on abolit le concept de mérite relatif, selon lequel les personnes sont évaluées les unes par rapport aux autres et peuvent en appeler du rang qu’on leur attribue. Si deux ou plusieurs personnes possedent les qualités essentielles du poste, la Commission ou son délégué peut tenir compte de qualités supplémentaires ou des besoins ou exigences opérationnelles de l’organisation, tel qu’indiqué ci-dessus.

Recours

La LEFP remplacerait les tribunaux d’appel de la Commission par un nouveau tribunal indépendant, le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Les personnes lésées par une nomination interne pourraient s’adresser au Tribunal, mais uniquement pour les motifs suivants :

  • abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’évaluation des qualifications des candidats ou dans la détermination des qualifications requises, des besoins ou des exigences organisationnelles de l’organisation;
  • abus de pouvoir de la part de la Commission ou de son délégué du fait qu’elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé, selon le cas;
  • omission de la part de la Commission d’évaluer le plaignant dans la langue officielle de son choix.

Lorsqu’il entend des plaintes sur les nominations, le Tribunal aurait le pouvoir d’interpréter et d’appliquer les dispositions de la Loi canadienne sur le droits de la personne, et d’accorder des dommages-intérets pour souffrance ou douleur ainsi qu’une indemnité spéciale pour un comportement insouciant ou intentionnel. Lorsqu’on souleve une question de discrimination, le Tribunal doit en aviser la Commission canadienne des droits de la personne, qui aurait alors le droit d’intervenir. Le fait de porter plainte au Tribunal ne priverait pas le plaignant de son droit de porter plainte également a la Commission canadienne des droits de la personne.

Le Tribunal n’entendrait pas de plaintes qui alleguent la fraude ou l’influence politique dans le processus de nomination. Ce type d’allégation releve de la Commission de la fonction publique, tout comme toute plainte ayant trait aux nominations externes.

Conversion automatique, emploi occasionnel

La durée des fonctions du fonctionnaire qui est employé pour une durée déterminée deviendrait indéterminée « lorsqu’il a occupé un emploi dans les circonstances déterminées par l’employeur pendant une période cumulative fixée par celui-ci ». La conversion a une durée indéterminée ne constituerait pas une nomination ni une mutation et ne permettrait pas de porter plainte au Tribunal.

Il serait possible de nommer des travailleurs occasionnels, mais la Loi limiterait ces nominations a une durée de quatre-vingt-dix jours ouvrables par année civile.

Activité politique

L’activité politique est définie dans la Loi comme toute activité exercée pour soutenir un parti politique ou pour s’y opposer, pour soutenir un candidat a une élection ou pour s’y opposer, ou pour etre candidat a une élection ou de tenter de le devenir. Les employés auraient le droit de participer a des activités politiques, « sauf si celles-ci portent ou semblent porter atteinte a leur capacité d’exercer leurs fonctions de façon politiquement impartiale ». Le cabinet, sur recommandation de la Commission, pourrait adopter des reglements qui précisent quelles sont les activités politiques réputées a porter atteinte a la capacité des employés d’exercer leurs fonctions de façon politiquement impartiale.

Les employés pourraient etre candidats aux élections provinciales ou fédérales, mais seulement s’ils demandent et obtiennent un congé sans solde de la Commission. L’employé élu cesserait d’etre fonctionnaire. L’employé ne pourrait etre candidat aux élections municipales qu’avec la permission de la Commission. Les administrateurs généraux ne pourraient se livrer a aucune activité politique, a l’exception du vote dans le cadre d’une élection.

LOI SUR LES RELATIONS DE TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE

Comités de consultation

Le gouvernement déclare vouloir encourager un climat de confiance et de coopération dans les relations de travail au sein de la fonction publique fédérale. Par conséquent, la LRTFP obligerait les administrateurs généraux a mettre sur pied des comités de consultation en collaboration avec les agents de négociation afin de discuter des problemes dans le milieu de travail sous l’égide du Conseil national mixte ( organe consultatif créé par le gouvernement en 1944 pour permettre la consultation entre le gouvernement en tant qu’employeur et ses employés, représentés par leurs agents de négociation) ou d’un autre organisme choisi par les parties.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

On mettrait sur pied une nouvelle Commission des relations de travail dans la fonction publique, dont le mandat serait plus étendu que celui de la Commission actuelle. La nouvelle Commission statuerait sur les questions découlant des parties de la Loi sur les relations de travail et sur la santé et la sécurité professionnelles, et agirait comme arbitre des griefs. Elle offrirait également des services de médiation pour la négociation et la mise en oeuvre des conventions collectives et pour les griefs. En outre, elle serait chargée de recherche et d’analyse sur les questions de rémunération.

Le président de la Commission aurait d’office le pouvoir de nommer un médiateur, un enqueteur ou un facilitateur pour aider les parties a négocier une convention collective.

Dans son rôle d’arbitre des griefs, la Commission auraient les memes pouvoirs que le Tribunal de la dotation pour ce qui est d’interpréter et d’appliquer la loi fédérale sur les droits de la personne.

Exclusions

On mettrait fin a l’exclusion automatique de certaines catégories de l’unité de négociation, tels que les employés du Secrétariat du Conseil du Trésor et les avocats du ministere de la Justice. En vertu de la LRTFP, la Commission déciderait des exclusions a la demande de l’employeur.

Droits de gestion, portée de la négociation

Ces droits resteraient tels qu’ils sont actuellement, et les questions litigieuses telles que la dotation, la classification et les régimes de pensions demeureraient la prérogative de l’employeur.

Arbitrage de la convention collective

La LRTFP ajouterait « l’état de l’économie canadienne et la situation fiscale du gouvernement du Canada » aux facteurs dont le conseil d’arbitrage doit tenir compte dans sa prise de décision. Ce facteur s’ajouterait également a la liste de facteurs dont doivent tenir compte les commissions de conciliation, rebaptisées « commissions de l’intéret public », organismes mis sur pied de façon ponctuelle par le ministre responsable sur recommandation du président de la Commission.

Votes de greve

La greve ne pourrait etre déclarée qu’a la suite d’un scrutin secret tenu dans les 60 jours qui précedent la greve. Il faudrait une majorité des voix pour que la greve puisse etre déclarée.

Services essentiels

L’employeur garderait le droit exclusif de déterminer le niveau de prestation d’un service essentiel. L’employeur et le syndicat devraient alors négocier une entente sur les services essentiels, qui détaille les types et le nombre de postes nécessaires pour assurer le niveau de service établi par l’employeur.

Notre point de vue

L’Alliance de la fonction publique du Canada, le principal syndicat de la fonction publique, a manifesté sa déception a l’égard du projet de loi, en déplorant l’omission d’élargir la portée de la négociation, le manque de protection pour ceux qui dénoncent certaines situations et les limites imposées a l’activité politique. Nous tiendrons nos lecteurs au courant de l’évolution du projet de loi C-25.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Carole Piette au (613) 940-2733 et Sebastien Huard au (613) 940-2744.

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