L’obligation d’accommoder : quelques indications dans le contexte hospitalier

Dans notre série d’articles sur l’accommodement des personnes handicapées, nous avons dégagé les themes généraux de la jurisprudence, par exemple, les facteurs qui jouent dans l’évaluation de la contrainte excessive, l’ampleur des modifications que doit faire l’employeur au lieu de travail, et le niveau de rendement que l’employeur est en droit d’attendre d’un employé dont les besoins ont été accommodés (voir « L’accommodement des employés handicapés – survol des perspectives juridiques », « L’obligation d’accommoder : son application », et « L’accommodement des employés handicapés en déça de la contrainte excessive » sous la rubrique « Publications »). Une affaire récente illustre de maniere utile les mesures pratiques que l’employeur devrait envisager pour manifester sa volonté de remplir son obligation d’accommodement.

L’affaire Ottawa General Hospital v. Ontario Nurses’ Association (4 décembre 1997) concerne une infirmiere qui, a la suite de problemes lombaires, a pris un congé de maladie. Apres avoir reçu l’avis que ses prestations d’invalidité a long terme (ILT) prendraient fin apres quatre mois, elle a communiqué avec l’hôpital pour savoir s’il y avait du travail qu’elle serait en mesure d’accomplir. L’hôpital a fait faire une évaluation des capacités fonctionnelles qui a confirmé, en juin 1994, que l’infirmiere ne pouvait exécuter que des fonctions sédentaires, mais aucune des fonctions infirmieres a l’hôpital.

Les prestations ILT ont cessé en juillet 1994, et apres d’autres tests, l’infirmiere a obtenu en janvier 1995 un poste a temps partiel, comme commis de bureau, pour lequel elle recevait son taux horaire d’infirmiere et les avantages sociaux d’un poste a temps complet. Elle a demandé plus d’heures de travail et, en octobre 1996, est retournée a un poste d’infirmiere a temps complet. Elle a déposé un grief, pour demander une indemnisation pour la période entre juillet 1994 et janvier 1995, et pour la perte de revenus due aux délais pendant cette période pour sa réadaptation et son retour, finalement, a un emploi a temps plein. Son syndicat a soutenu que l’hôpital aurait du placer la plaignante des juillet 1994 dans un poste aux tâches modifiées et aurait du utiliser les fonds de ‘NMETI’ de la Commission des accidents du travail pour aider a sa réadaptation, meme si elle n’avait pas été blessée au travail.

Le conseil d’arbitrage, sous la présidence de Michel Picher, a rejeté le grief, et jugé que la solution proposée par le syndicat aurait constitué une contrainte excessive pour l’hôpital.

MESURES PRISES PAR L’HÔPITAL

Dans sa décision a l’encontre de la plaignante, le conseil d’arbitrage a tenu compte de la preuve quant aux mesures prises par l’hôpital pour remplir son obligation d’accommodement, notamment les suivantes :

  • L’hôpital avait mis au point des procédures visant l’accommodement et les tâches modifiées dans le cadre de sa politique de gestion de l’assiduité.
  • Dans la période visée par la demande, l’hôpital accommodait quelque 46 infirmieres handicapées.
  • L’hôpital avait beaucoup consulté la plaignante pendant la période en question et lui avait offert plus de travail a mesure qu’il devenait disponible.
  • L’hôpital avait fait les arrangements pour l’évaluation des capacités fonctionnelles, puis administré d’autres tests pour déterminer les compétences de la plaignante afin de lui trouver d’autres tâches.
  • Il l’avait placée dans le premier poste disponible qui tenait compte de ses limitations fonctionnelles.

AUCUNE OBLIGATION DE CRÉER UN POSTE NON-PRODUCTIF

La preuve a établi qu’aucun poste de bureau n’était disponible avant janvier 1995. Le conseil d’arbitrage a souligné que si le devoir d’accommodement peut s’étendre a des modifications de tâches pour permettre leur exécution par des employés handicapés, il n’y avait rien dans la jurisprudence pour appuyer l’idée que les employeurs devaient [TRADUCTION] « créer un nouveau poste qui ne peut etre justifié du point de vue de la productivité, simplement pour accommoder un employé handicapé ».

En outre, selon le conseil d’arbitrage, il était particulierement difficile de justifier l’obligation de l’hôpital de créer un poste, alors qu’il avait mis a pied quelque 50 employés en 1995. L’obligation d’accommodement n’allait pas si loin :

[TRADUCTION] « D’obliger [l’hôpital a créer en fait un poste artificiel], surtout a une époque ou on mettait les employés a pied et ou il y avait eu peu de roulement, dépasse a notre avis le seuil de la contrainte excessive. L’obligation d’accorder un accommodement raisonnable est certes importante pour l’employée handicapée, mais elle ne peut etre comprise comme une garantie absolue d’emploi, surtout lorsque…la preuve révele qu’il n’y avait tout simplement pas de tâches a remplir pour l’employée incapacitée ».

AUCUNE OBLIGATION D’UTILISER LES FONDS ‘NMETI’ A DES FINS NON PRÉVUES

Le conseil d’arbitrage a accepté l’argument de l’hôpital voulant qu’il ne devait pas etre obligé d’utiliser des fonds NMETI pour créer du travail pour la plaignante. L’utilisation de fonds NMETI pour réintégrer dans des postes a tâches modifiées des employés blessés au travail permet aux employeurs de réaliser des gains financiers en réduisant au minimum le nombre de journées perdues a cause de blessures indemnisables. Il est donc clairement a l’avantage a la fois de l’hôpital et des employés accidentés au travail de permettre a l’employeur de restreindre les fonds NMETI a leur utilisation prévue. Obliger l’hôpital a agir autrement l’amenerait a grever un actif important, a des fins qui ne sont pas celles visées par le fonds.

Notre point de vue

Les employeurs seraient bien avisés d’étudier les mesures prises par l’hôpital dans ce cas. Il est important pour l’employeur de pouvoir établir, en cas de différend, sa diligence a se conformer a l’obligation légale d’accommoder les employés handicapés. Et, comme nous l’avons noté dans notre série sur l’accommodement des personnes handicapées, si les employeurs n’ont pas a créer des postes artificiels pour la réalisation de tâches plus ou moins utiles, le résultat est moins assuré lorsque le plaignant arrive a montrer qu’un poste utile pourrait etre créé par la réaffectation de tâches existantes. (Voir aussi « L’arbitre n’accorde pas l’accommodement « idéal » au technicien phobique » sous la rubrique « Publications ».)

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Carole Piette, qui représentait l’hôpital Général dans cette affaire : (613) 563-7660, poste 227.

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