Cadre et employé condamnés à des dommages-intérêts pour utilisation « déloyale » de renseignements confidentiels

Un tribunal a ordonné à deux employés qui s’étaient engagés chez un concurrent, ainsi qu’à celui-ci, de verser 450 000$ en dommages-intérêts à l’ancien employeur pour pertes subies à la suite de leur départ. La Cour suprême de la Colombie-Britannique a rendu une décision en faveur des plaignants dans l’affaire Clayburn Industries Ltd. v. Piper (3 décembre 1998), jugeant que les deux employés avaient enfreint leurs obligations fiduciaires à l’égard de leur employeur en utilisant de façon déloyale des renseignements commerciaux confidentiels.

La compagnie Clayburn se chargeait de l’installation et de l’entretien de matériaux réfractaires dans des industries qui utilisaient des procédés à température élevée. Les employés, MM. Schoen et Piper, ont quitté leur emploi chez Clayburn pour accepter de nouveaux postes chez Recor Services, qui s’est alors mise à faire concurrence à la compagnie Clayburn. Cette dernière a rapidement perdu la plupart de ses contrats, dont une bonne partie ont été repris par la compagnie Recor. La compagnie Clayburn a poursuivi M. Schoen, M. Piper et la compagnie Recor, alléguant que ses anciens employés avaient conclu une entente avec Recor avant de démissionner de Clayburn, et qu’ils avaient donné un avantage concurrentiel à Recor en utilisant des renseignements confidentiels au sujet de soumissions qu’ils avaient préparées pour Clayburn.

ACCÈS AUX RENSEIGNEMENTS CONFIDENTIELS

Le tribunal a considéré la nature des renseignements auxquels MM. Schoen et Piper avaient accès lorsqu’ils travaillaient pour la compagnie Clayburn. L’information comprenait notamment des renseignements clés sur les clients, par exemple, l’identité de leurs décideurs réels, leur opinion sur des produits déjà installés, leur budget de réparation et de construction pour l’année suivante, et leurs préférences parmi les travailleurs de la construction.

La Cour a jugé que ces renseignements étaient d’ordre confidentiel et ne pouvaient être utilisés par les défendeurs. La Cour s’est appuyée sur une autre décision où l’on avait jugé que certains types de renseignements sur les clients étaient confidentiels :

[TRADUCTION] « Le raisonnement dans les décisions sur cette question est le suivant : les renseignements sur les clients susceptibles de revenir, réunis au cours des années aux frais de l’employeur, constituent des renseignements confidentiels et font partie du fonds commercial de la compagnie. L’accès à ces renseignements place l’employé en position de sérieusement nuire à son employeur, puisqu’il donne à l’employé le tremplin idéal pour des activités néfastes à l’employeur. »

La Cour a également jugé que d’autres renseignements connus des défendeurs, tels que la nécessité ou non de faire une soumission pour différents projets, le coût des produits pour la compagnie Clayburn, l’information technique sur les produits et la tarification de la main d’oeuvre et du matériel étaient aussi des renseignements confidentiels qui ne pouvaient par conséquent pas être utilisés par MM. Schoen et Piper une fois qu’ils commençaient à travailler pour la compagnie Recor.

La Cour a signalé qu’il n’était pas nécessaire de prendre des objets physiques, tels des listes de clients ou autres documents, pour conclure à la violation de la confidentialité. On pouvait se les approprier en les mémorisant.

VIOLATION D’UNE OBLIGATION

Après avoir déterminé que les renseignements en question étaient de nature confidentielle, la Cour a jugé que l’utilisation qu’avait faite MM. Schoen et Piper de ces renseignements une fois embauchés chez Recor constituait une violation de leur obligation à l’endroit de la compagnie Clayburn, surtout vu le petit nombre de clients potentiels :

[TRADUCTION] « MM. Schoen et Piper ont tous deux admis que tous les renseignements qu’ils avaient obtenu sur des clients éventuels venaient de leur emploi chez les plaignants. À tous égards leur utilisation de ces renseignements une fois à l’embauche de Recor était « déloyale ». … Dans un marché restreint, ils avaient un accès privilégié au nombre limité de clients intéressés par les produits réfractaires. …

L’utilisation faite [par M. Schoen] de ses connaissances particulières de la tarification, des marges bénéficiaires des plaignants et des clients des plaignants a violé ses obligations fiduciaires à l’endroit des plaignants lorsque ces connaissances ont servi à soumissionner à plus faible prix pour des contrats qui ont été attribués à la compagnie Recor plutôt qu’aux plaignants. »

« CADRE DE DIRECTION » OU « SIMPLE EMPLOYÉ »

Autre aspect intéressant de la décision, les commentaires du juge sur la nature des obligations de MM. Schoen et Piper à l’endroit de la compagnie Clayburn. M. Schoen avait été directeur régional pour la Colombie-britannique et, d’après sa description de tâches au procès, la Cour a jugé qu’il était « cadre de direction », malgré le fait qu’il n’était pas actionnaire et qu’il n’était pas membre du comité d’administration de la compagnie.

M. Piper avait été gestionnaire de la construction. La Cour a conclu qu’il devrait être classifié « simple employé », bien qu’important en raison de ses relations étroites avec les clients. La distinction est importante, parce que des décisions judiciaires antérieures ont jugé que les cadres supérieurs ont une obligation fiduciaire à l’endroit de leur employeur, tandis que les simples employés ont une obligation semblable, mais moins onéreuse.

Toutefois, a observé la Cour, M. Piper avait contribué avec M. Schoen au succès de la compagnie Recor, aux dépens de la compagnie Clayburn. Par conséquent, puisque M. Schoen avait violé son obligation fiduciaire à l’endroit de la compagnie Clayburn, M. Piper [TRADUCTION] « se voyait attribuer la même obligation fiduciaire ». La compagnie Recor a été tenue responsable du fait d’autrui pour les activités de MM. Schoen et Piper : la direction était au courant de ces activités et plus important encore, en avait tiré des bénéfices. (Pour un compte rendu de l’évolution récente de cette affaire, voir « L’employé qui fait un usage déloyal de renseignements confidentiels doit payer sa part de dommages-intérêts » sous la rubrique « Publications ».)

Notre point de vue

Comme l’indique notre article sur les contrats de travail et les clauses restrictives (voir « Le contrat de travail modèle » sous la rubrique « Publications »), pour déterminer si des renseignements peuvent être considérés comme confidentiels, il est important de faire la distinction entre connaissances et compétences, d’une part, et renseignements spécifiques à l’employeur, d’autre part. Dans la mesure où les renseignements peuvent être vus comme particuliers à l’employeur, plutôt que du domaine public, le tribunal est plus susceptible de conclure à leur caractère confidentiel. Cependant, cette distinction n’est pas toujours facile à faire, et chaque cas dépendra des faits en cause.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Andrew Tremayne au (613) 563-7660, poste 236 ou avec André Champagne au (613) 563-7660, poste 229.

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