Le contrat de travail modèle

L’employeur entretient une relation contractuelle avec ses employés. La question est de savoir si cette relation doit etre formalisée par un écrit, ou si les conditions et modalités sont implicites dans la common law élaborée par la jurisprudence. S’il existe de clairs avantages d’avoir un contrat écrit, il n’en demeure pas moins que meme un contrat écrit doit etre exécuté, et que le caractere exécutoire est du ressort, finalement, des tribunaux.

Par ailleurs, les tribunaux ont souvent été réticents a ordonner l’exécution forcée des contrats de travail, vu le soupçon que ces derniers ont été conclus dans des situations ou l’équité était absente et le pouvoir de négociation, inégalement partagé. En manifestant cette réticence, les tribunaux ne font que traduire en termes judiciaires une vision sociale que des juristes ont décrit dans les termes suivants :

[TRADUCTION] « Il existe a l’heure actuelle un fort mouvement au sein de notre société visant a assurer que ceux qui détiennent plus de pouvoir, dans tous les secteurs et pas seulement le domaine de l’emploi, exercent leur pouvoir de façon a respecter la dignité et l’autonomie de leurs subordonnés. Dans le domaine de l’emploi, le risque d’abus de la part des employeurs est particulierement grave, vu que leur pouvoir de négociation est supérieur a celui de la plupart des travailleurs aux échelons inférieurs et moyens. »

Qu’elle soit ou non justifiée, la sévérité accrue du contrôle judiciaire est une réalité avec laquelle les employeurs doivent composer, vu la particularité du contrat entre employeur et employé. (Voir « Un contrat a durée déterminée ne signifie pas nécessairement un employé temporaire » sous la rubrique « Publications ».) Cependant, en dépit de ces préoccupations, les tribunaux jugeront valides les conditions d’un contrat de travail soigneusement rédigé, surtout lorsque le contrat est conclu avec un cadre supérieur, ce dernier ayant plus de pouvoir de négociation et plus facilement acces a des conseils juridiques. Nous examinons ici les principaux points qui entrent en ligne de compte lorsqu’on envisage l’utilisation d’un contrat de travail écrit.

LES AVANTAGES

Le contrat offre aux parties une mesure de certitude quant a certains aspects clés de la relation. Ainsi, le contrat précise si la durée de l’emploi est déterminée ou indéterminée. Il établit ce que les parties considerent comme une période raisonnable de préavis en cas de cessation d’emploi sans motif de congédiement. Il donne a l’employeur une certaine flexibilité pour modifier les conditions de travail en fonction de la réalité commerciale, sans crainte d’une poursuite pour congédiement implicite. Le contrat peut etre utile si l’employeur veut se prémunir contre une concurrence néfaste et déloyale de la part d’anciens employés.

Voila le genre de questions qu’il faut considérer pour déterminer l’utilité de recourir a un contrat de travail. Regle générale, plus le poste que postule le candidat est élevé, plus celui-ci a de responsabilités et a acces a des renseignements de propriété exclusive, plus sa rémunération est complexe, et plus le contrat officiel devient intéressant pour l’employeur.

CONTRAT VALIDE ET EXÉCUTOIRE

Un contrat valide comprend nécessairement une contrepartie, c’est-a-dire que chaque partie s’engage a verser une valeur a l’autre. Dans le contrat de travail, la contrepartie de l’employeur est la promesse d’embauche, tandis que l’employé s’engage a fournir des services. Cela signifie que le contrat conclu apres l’entrée en fonction de l’employé peut ne pas etre exécutoire, parce qu’un tribunal pourrait juger que la promesse de l’employeur de continuer l’emploi d’une personne déja en fonction n’est pas une contrepartie juridiquement valide. En outre, le fait de demander a un employé déja en poste de signer un contrat officiel pourrait éveiller ses soupçons et justifier une réclamation pour congédiement implicite. Par conséquent, si un employeur veut conclure un contrat par écrit avec un employé actuel, il vaut mieux choisir un moment ou il offre une contrepartie additionnelle, par exemple, une promotion ou une augmentation salariale considérable.

Les dispositions contractuelles qui violent les normes minimales prévues par la Loi sur les normes de travail sont illégales et seront jugées invalides par un tribunal. Par ailleurs, meme une disposition conforme aux normes minimales pourrait ne pas etre épargnée si un tribunal l’estime déraisonnable. Il est donc important de montrer que le contrat a été librement négocié par l’employé et non dicté par l’employeur. A cette fin, on devrait encourager l’employé a obtenir des conseils juridiques d’un avocat indépendant. Si le différend aboutit devant un tribunal, il appartiendra a l’employeur de démontrer qu’une modalité apparemment peu avantageuse pour l’employé a été négociée avec celui-ci de façon juste et équitable.

CLAUSE SUR LA CESSATION D’EMPLOI

La violation, dans le contexte de l’emploi, des normes minimales prévues par la Loi se produit le plus souvent relativement aux dispositions sur le préavis raisonnable a donner en cas de cessation d’emploi. Les tribunaux ont été séveres la-dessus et ont jugé que lorsque le préavis est en-deça du minimum statutaire, la réparation doit etre non pas le préavis prévu par la loi mais bien un préavis raisonnable en vertu de la common law, ce qui représente un gain important pour l’employé. En d’autres mots, la réparation pour une clause illégale est de la rendre inopérante, plutôt que de s’en inspirer pour déterminer l’intention des parties.

En outre, une disposition raisonnable au moment de l’embauche peut cesser de l’etre. Comme l’a dit un juriste, [TRADUCTION] « le tribunal n’acceptera pas que la période de préavis de deux semaines convenue il y a quinze ans par le vice-président, lorsqu’il a été embauché comme vendeur, demeure valable ». Si les changements ne sont pas anticipés dans le document original, il faut en tenir compte plus tard, s’il y a lieu, au moyen d’un nouveau contrat.

CLAUSES RESTRICTIVES

Une des fonctions importantes du contrat de travail est de restreindre la conduite néfaste ou déloyale d’un employé qui quitte la compagnie. Cela se fait par l’utilisation de clauses restrictives, dispositions qui limitent le droit d’anciens employés de faire concurrence a l’employeur, de solliciter ses clients ou ses employés ou de divulguer des renseignements confidentiels. Encore une fois, il est essentiel de rédiger ces dispositions en gardant a l’esprit l’effet que le tribunal leur donnera, car les interdictions abusives et globales seront jugées invalides, et le tribunal aura recours a la common law pour évaluer la nature des obligations de l’employé.

L’évaluation du caractere raisonnable des clauses restrictives revient essentiellement a mettre dans la balance le droit de l’employeur de protéger ses intérets commerciaux et le droit des anciens employés de gagner leur vie selon leurs compétences. Les clauses restrictives ne peuvent simplement servir a éliminer la concurrence indésirable. Par conséquent, les employeurs devront établir qu’il y a un danger réel a contrer, et que la clause ne fait que le nécessaire pour protéger les intérets en jeu. Évidemment, le libellé dépendra du type d’entreprise et des faits spécifiques.

L’employeur doit d’abord établir qu’il y a un intéret commercial légitime a protéger. Concernant les clauses qui limitent la sollicitation aupres des autres employés, par exemple, il faut démontrer que ce genre de protection est réellement nécessaire, et qu’elle n’est pas utilisée pour empecher le départ volontaire des employés. S’il s’agit de renseignements, ceux-ci doivent etre « particuliers » a l’employeur, tels les listes de clients, les secrets commerciaux, la tarification ou les stratégies de commercialisation, pour justifier la protection. Les compétences et les connaissances générales acquises au travail ou les renseignements du domaine public sont moins susceptibles d’etre vus comme renseignements confidentiels. (Voir aussi « Les connaissances générales acquises au cours de l’emploi ne constituent pas des « renseignements confidentiels », d’apres la Cour d’appel de l’Alberta » et « Cadre et employé condamnés a des dommages-intérets pour utilisation « déloyale » de renseignements confidentiels » sous la rubrique « Publications ».)

La délimitation géographique et la durée de la restriction doivent également etre raisonnables. La restriction géographique de la concurrence ne doit pas dépasser celle nécessaire a la protection de l’intéret de l’employeur, et ne dépasse sans doute pas la zone d’opération de l’ancien employé. Pour ce qui est de la durée de la restriction, les tribunaux considerent des facteurs tels que le temps qu’il faut pour former un nouvel employé qui remplacera l’ancien, ou le temps que l’on peut s’attendre a ce que dure l’influence de l’ancien employé sur les clients de l’employeur apres le départ de l’employé. Le fait de ne limiter ni la durée ni la portée géographique pourrait entraîner la supposition que la restriction est illimitée, et par conséquent l’annulation de l’ensemble de la clause restrictive.

Une clause restrictive bien rédigée peut éliminer l’incertitude quant a la nature de l’intéret a protéger et quant a la portée de la protection requise. Il devient alors moins nécessaire d’avoir recours a des procédures judiciaires couteuses pour régler ces questions. Il faut faire bien attention, toutefois, dans la rédaction des clauses restrictives, de ne pas aller plus loin qu’il faut pour prévenir des activités néfastes de la part d’anciens employés. (Voir aussi « Un tribunal ontarien ordonne a un consultant de payer des dommages-intérets a un bureau de placement pour divulgation de renseignements confidentiels » sous la rubrique « Nouveautés » et « Cour d’appel de l’Ontario : la clause restrictive est non exécutoire » sous la rubrique « Publications ».)

Notre point de vue

Meme sans les dispositions contractuelles de protection décrites dans le présent article, les employés ont a l’égard de leurs employeurs, en vertu de la common law, une obligation de confidentialité, de loyauté et de bonne foi qui, dans le cas d’employés cadres, équivaut a une obligation fiduciaire. Ces obligations vont de pair avec toute obligation contractuelle de l’employé, et peuvent etre affirmées si les modalités du contrat s’averent non exécutoires. Toutefois, si ces obligations en vertu de la common law peuvent donner a l’employeur la protection dont il a besoin, tel n’est pas toujours le cas.

Ainsi, certains renseignements confidentiels dont la divulgation peut etre restreinte en vertu d’une clause restrictive peuvent etre divulgués par l’employé impunément en vertu de la common law apres son départ. Pareillement, la concurrence qui peut ne pas etre sujette a une obligation de loyauté en vertu de la common law apres le départ de l’employé, pourrait etre raisonnablement limitée par une clause de non-concurrence bien rédigée.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec André Champagne au (613) 563-7660, poste 229.

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