La Cour d’appel de l’Ontario confirme les cas où une demande relative au droit à des prestations peut faire l’objet d’un arbitrage

Dans sa décision récente (le 27 février 2017) dans Barber c. The Manufacturers Life Insurance Company (Manulife Financial), la Cour d’appel de l’Ontario a confirmé le rejet d’une demande par une employée de prestations d’invalidité de longue durée (ILD), concluant que la demande relevait de la compétence exclusive d’un arbitre du travail.

Adrian Barber était policière dans la ville de Port Hope. La convention collective conclue entre la Commission des services policiers de Port Hope et l’Association des policiers de Port Hope, qui régissait l’emploi de Mme Barber, obligeait la Commission à offrir une assurance invalidité aux membres de l’Association. Lorsque Mme Barber a cessé de pouvoir exercer ses fonctions en 2009 pour cause d’invalidité, elle a sollicité des prestations d’ILD. Manuvie, le fournisseur d’assurance collective, a évalué la demande de Mme Barber et lui a versé des prestations pendant environ trois ans et demi, moment auquel elle a cessé de les lui verser.

Mme Barber a intenté une action contre Manuvie devant la Cour supérieure, alléguant que ses prestations auraient dû être maintenues. Manuvie a présenté avec succès une motion pour rejet de la demande au motif que la Cour n’avait pas compétence sur l’objet de l’action ; au contraire, comme le juge chargé de la motion l’a conclu, la question pouvait faire l’objet d’un arbitrage en vertu de la convention collective.

En appel, la Cour d’appel a confirmé la décision du juge chargé de la motion, concluant que le juge avait estimé à juste titre que la Cour n’avait pas compétence sur l’objet.

Dans ses motifs, la Cour d’appel a confirmé que le critère applicable pour déterminer si un tribunal a compétence sur un différend concernant des prestations d’ILD est le suivant : si l’essence de la demande prend naissance dans l’interprétation, l’application, l’administration ou la violation d’une convention collective. Dans l’affirmative, c’est un arbitre, et non pas la cour, qui a compétence exclusive pour trancher l’affaire. En appliquant ce critère, le juge chargé de la motion et la Cour d’appel ont approuvé l’application des quatre « catégories de Brown et Beatty » suivantes :

1. lorsque la convention collective n’énonce pas la prestation dont on veut l’exécution, la demande ne peut pas faire l’objet d’un arbitrage ; 

2. lorsque la convention collective stipule que l’employeur est tenu de fournir certains avantages médicaux ou congés de maladie, mais n’intègre pas le régime dans la convention ni n’en fait explicitement mention, la demande peut faire l’objet d’un arbitrage ;                                                        

3. lorsque la convention collective oblige seulement l’employeur à verser les primes liées à un régime d’assurance, la demande ne peut pas faire l’objet d’un arbitrage ;

4. lorsque la police d’assurance est intégrée dans la convention collective, la demande peut faire l’objet d’un arbitrage.

Le juge chargé de la motion a conclu que la cause de Mme Barber pouvait faire l’objet d’un arbitrage, car elle relevait de la catégorie 2 ou peut-être de la catégorie 4. En appel, Mme Barber a soutenu que la cause relevait plutôt de la catégorie 3.

En écartant l’argument de Mme Barber et en confirmant la conclusion tirée par le juge chargé de la motion, la Cour d’appel de l’Ontario a examiné en détail la convention collective en cause, adoptant le raisonnement suivant :

[TRADUCTION]

[14]        L’article 18 [de la convention collective ; « CC »] établit le droit de Mme Barber à des prestations d’ILD. Il fait davantage que simplement obliger l’employeur à verser les primes d’assurance – il couvre les conditions, le montant des prestations d’invalidité et même la définition d’invalidité totale, et il mentionne explicitement la police. L’employeur peut changer d’assureur dans la mesure où les prestations définies dans la CC sont maintenues.

 [15]        Le fait que les prestations d’ILD soient payées en vertu de la police ne change rien au fait que le droit de Mme Barber aux prestations d’ILD soit prévu par la CC. D’ailleurs, le niveau de détails que l’article 18 fournit quant aux conditions du régime d’assurance pertinent appuie la justesse de la décision rendue par le juge chargé de la motion.

 

À notre avis

Cette décision de la Cour d’appel fait ressortir le fait que même lorsqu’une convention collective n’intègre pas expressément une police d’assurance, un désaccord concernant les prestations d’ILD peut néanmoins faire l’objet d’un arbitrage entre le syndicat et l’employeur, particulièrement si la convention collective renferme une obligation détaillée pour l’employeur de fournir certains avantages sociaux. Les employeurs dont l’effectif est syndiqué seraient bien avisés d’examiner leurs conventions collectives afin de déterminer si les différends liés aux avantages sociaux peuvent ou non faire l’objet d’un arbitrage.

Si vous voulez davantage d’information, veuillez communiquer avec André Champagne au 613‑940‑2735.

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