Les tribunaux ontariens continuent d’accorder des dommages-intéréts pour atteinte aux droits de la personne dans le cadre des actions civiles pour congédiement injustifié

Dans la plus récente affaire comportant une demande fondée sur la discrimination jointe à une action civile pour congédiement injustifié, soit l’affaire Silvera c. Olympia Jewellery Corporation (juin 2015), la cour a condamné un employeur à payer 30 000 $ pour contraventions au Code des droits de la personne de l’Ontario (Code). Cette somme s’ajoutait à l’indemnité de congédiement injustifié, aux dommages-intérêts généraux, majorés et punitifs ainsi qu’aux dommages-intérêts pour perte de revenu futur, coût de thérapie future et dommages à la fille de la demanderesse pour « perte de conseils, de soins et de compagnie » en vertu de la Loi sur le droit de la famille. Le montant total des dommages-intérêts s’établissait à plus de 300 000 $, indiquant la conduite totalement inacceptable qu’a subie l’employée de même que l’effet dévastateur que cette conduite a eu sur elle. La décision rendue dans Silvera rappelle de façon nette aux employeurs de mettre en œuvre des pratiques et politiques appropriées en matière de droits de la personne et de veiller à la surveillance adéquate des superviseurs et des gestionnaires.

Pendant la durée de l’emploi de Mme Silvera à Olympia Jewellery, son superviseur immédiat s’est livré de façon continue à une conduite comportant des agressions sexuelles, du harcèlement et de la discrimination raciale. Mme Silvera, mère célibataire, dépendait financièrement de l’emploi et se sentait prisonnière de son milieu de travail. Elle n’était au courant d’aucune politique sur le harcèlement au travail dont elle pouvait se prévaloir et l’auteur des agressions était généralement la seule personne en situation d’autorité accessible. Suivant la première agression sexuelle, Mme Silvera a commencé à souffrir de plusieurs troubles graves de santé mentale, qui ont empiré après chaque incident pendant la durée de son emploi. Elle a finalement été congédiée en mars 2010 après avoir manqué quelques semaines de travail à la suite d’une chirurgie dentaire.

Mme Silvera a intenté une action pour congédiement injustifié et a sollicité des dommages-intérêts relativement aux agressions sexuelles et au harcèlement racial qu’elle avait subis aux mains de son superviseur, notamment des dommages-intérêts en vertu du Code. Les lecteurs d’Au Point se souviendront des modifications apportées au Code en 2008 qui permettent à un tribunal civil d’accorder à un employé des dommages-intérêts pour atteinte aux droits de la personne dans une instance civile (voir Un tribunal ontarien accorde des dommages-intérêts pour atteinte aux droits de la personne dans le cadre d’une action pour congédiement injustifié). Étant donné que les défenderesses n’ont pas comparu au procès, le juge de première instance a tiré des conclusions de faits en fonction des allégations contenues dans la déclaration de la demanderesse. En plus de conclure que Mme Silvera avait été congédiée de façon injustifiée, la cour a estimé que la conduite du superviseur avait porté atteinte au droit de Mme Silvera d’être traitée également et de ne pas subir de harcèlement en raison de sa race et de son sexe en vertu du Code. D’après la cour, Olympia, à titre d’employeur, était responsable de la conduite du superviseur, car le superviseur était « l’âme dirigeante » d’Olympia.

Après avoir recensé la jurisprudence relative à l’évaluation des dommages-intérêts pour atteinte aux droits de la personne, la cour a souligné qu’il n’existe aucun plafond aux dommages-intérêts généraux en vertu du Code et que le montant des dommages-intérêts ne peut pas être fixé trop bas, car cela minimiserait autrement l’importance sociale des droits protégés. En accordant 30 000 $ à titre de dommages-intérêts pour atteinte aux droits de la personne, la cour a tenu compte de l’humiliation et de la souffrance psychologique subies par Mme Silvera de même que de la perte d’estime de soi, de dignité et de confiance qu’elle a éprouvées par suite des agressions sexuelles et du harcèlement.

Le regroupement des demandes fondées sur le congédiement injustifié et des demandes en dommages-intérêts pour atteinte aux droits de la personne constitue une tendance croissante en droit de l’emploi. Bien que les modifications pertinentes au Code aient été promulguées en 2008, il a fallu attendre jusqu’à la décision rendue en 2013 dans Wilson c. Solis Mexican Foods Inc. pour qu’un tribunal civil exerce son pouvoir d’accorder de tels dommages-intérêts. Depuis, plusieurs actions civiles comportant des demandes sous les deux chefs de dommages ont été intentées en Ontario. Par exemple, plus tôt cette année, une juge a accordé 20 000 $ à titre de dommages-intérêts pour atteinte aux droits de la personne à une employée qui avait été victime de discrimination pour cause d’état familial. Dans Partridge c. Botony Dental Corporation (janvier 2015), l’employeur a unilatéralement rétrogradé Mme Partridge et a modifié son horaire de travail à la suite de son retour au travail après un congé parental. Le nouvel horaire était incompatible avec ses obligations en matière de soins d’enfant, mais lorsque Mme Partridge a insisté pour qu’on lui redonne ses anciens poste et horaire, l’employeur l’a congédiée, alléguant l’existence d’une justification. Mme Partridge a intenté une action civile pour congédiement injustifié dans laquelle elle a aussi réclamé des dommages-intérêts pour cause de discrimination. La cour a déclaré que l’octroi de 20 000 $ à titre de dommages-intérêts pour atteinte aux droits de la personne servait le double objectif d’indemniser Mme Partridge pour atteinte à sa dignité, à ses sentiments et à son estime de soi et de servir de dissuasion pour les employeurs qui refusent de trouver des accommodements pour les modalités de garde d’enfant.

Une autre décision portant sur une demande fondée sur le congédiement injustifié jointe à une demande fondée sur la discrimination a récemment été rendue dans Bray c. Canadian College of Massage and Hydrotherapy (janvier 2015). Dans Bray, l’employeur a rétrogradé l’employée et a modifié son horaire de travail à la suite de son retour d’un congé parental. L’employée a intenté une action pour congédiement injustifié et a allégué avoir fait l’objet de discrimination pour cause d’état familial contrairement au Code. La cour a conclu que l’employée avait été victime d’un traitement défavorable notamment en raison de son état familial. En plus des dommages-intérêts pour congédiement injustifié, la cour lui a accordé la somme de 20 000 $ à titre de dommages-intérêts en vertu du Code pour atteinte à sa dignité, à ses sentiments et à son estime de soi.

La possibilité de réclamer des dommages-intérêts pour des contraventions au Code dans le cadre d’actions civiles pour congédiement injustifié augmente la portée et le montant des demandes de dommages-intérêts auxquelles les employeurs peuvent faire face une fois que le congédiement injustifié est établi. Il est donc d’autant plus important que les employeurs sensibilisent leurs employés aux droits de la personne au travail et veillent à ce que le milieu de travail soit exempt de toute forme de discrimination et de harcèlement. Les employeurs devraient veiller à avoir en place des politiques en matière de droits de la personne qui permettent à la direction de répondre rapidement et efficacement aux problèmes et aux plaintes en droits de la personne. Les employeurs pourraient aussi juger utile de donner périodiquement des séances d’information et de formation en droits de la personne à tous les employés, notamment les cadres. Comme le démontre la décision rendue dans Silvera, les employeurs peuvent être tenus responsables des actes d’un employé lorsque celui-ci est une âme dirigeante de la société. Pourraient être considérées comme un facteur atténuant les mesures proactives de promotion d’un milieu de travail exempt de harcèlement et de discrimination lorsqu’un employeur est jugé responsable des actes de tels employés.

Si vous voulez davantage d’information, veuillez communiquer avec André Champagne au 613-940-2735.

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