La Cour suprême conclut que la fermeture d’une entreprise après l’accréditation syndicale contrevient au Code du travail

Le 27 juin 2014, la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 503 c. Compagnie Wal-Mart du Canada et a conclu que Wal-Mart avait contrevenu à l’article 59 du Code du travail du Québec (le « Code ») lorsqu’elle avait fermé son magasin de Jonquière, au Québec, après l’accréditation syndicale des employés de cet établissement.

Voici le contexte. En 2004, le syndicat Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 503 (le « syndicat ») a été accrédité à titre d’agent négociateur pour les employés de Wal-Mart à l’établissement de Jonquière. Bien que Wal-Mart et le syndicat se soient rencontrés à plusieurs reprises au cours des mois suivants, ils n’ont pas été en mesure de négocier une première convention collective. En 2005, le syndicat a demandé au ministre du Travail de nommer un arbitre chargé de fixer les modalités de la convention; toutefois, Wal-Mart a unilatéralement fermé l’établissement de Jonquière. Le syndicat a entamé une série de recours contre Wal-Mart, alléguant que la fermeture était fondée sur un animus antisyndical. L’un de ces recours était un grief fondé sur l’allégation que Wal-Mart n’avait pas respecté la période de « gel » des conditions de travail prévue à l’article 59 du Code. L’article 59 du Code se lit comme suit :

À compter du dépôt d’une requête en accréditation et tant que le droit au lock-out ou à la grève n’est pas exercé ou qu’une sentence arbitrale n’est pas intervenue, un employeur ne doit pas modifier les conditions de travail de ses salariés sans le consentement écrit de chaque association requérante et, le cas échéant, de l’association accréditée.

En 2009, un arbitre a accueilli le grief du syndicat, estimant que le congédiement des employés par Wal‑Mart constituait une modification unilatérale des conditions de travail et contrevenait donc au Code. La Cour supérieure a confirmé cette décision, qu’a toutefois infirmée la Cour d’appel du Québec au motif qu’elle privait Wal-Mart de son pouvoir de gestion, notamment du droit de fermer son entreprise.

Dans une décision partagée, les juges majoritaires de la Cour suprême du Canada étaient en désaccord avec la Cour d’appel et ont rétabli la décision de l’arbitre. Selon les juges majoritaires, le maintien de l’emploi constituait une condition implicite du contrat de travail et, par conséquent, une condition de travail pour l’application de l’article 59. Les juges majoritaires ont déclaré que l’un des buts de l’article 59 consiste à préserver le milieu de travail afin de favoriser la négociation de bonne foi. L’employeur conserve son pouvoir de gestion et il ne lui est pas interdit de modifier les conditions de travail de ses employés pendant la période de gel, mais une modification, y compris la fermeture d’une entreprise, doit être raisonnable et conforme aux pratiques habituelles de gestion de l’employeur. Puisque la preuve indiquait que l’établissement de Jonquière évoluait très bien et atteignait ses objectifs, la décision de Wal-Mart n’était ni justifiée ni raisonnable. La Cour suprême a confirmé la décision de l’arbitre et lui a renvoyé l’affaire pour qu’il détermine la réparation appropriée.

À notre avis

Même si la question dont était saisie la Cour suprême concernait le Code du travail du Québec, la décision aura un effet sur l’interprétation des dispositions législatives similaires dans chaque province et au niveau fédéral.

Les employeurs doivent se rappeler de veiller à ce que, pendant la période de gel prévue par la loi, toute modification des conditions de travail soit raisonnable et justifiable au motif qu’elle se produit dans le cours normal des affaires de l’entreprise. L’employeur incapable de justifier des modifications aux conditions de travail peut être jugé coupable de pratiques déloyales de travail et être passible d’un éventail de sanctions réparatrices imposées par une commission des relations de travail.

Si vous voulez davantage d’information, veuillez communiquer avec Sébastien Huard au
613-940-2744.

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