L’employeur est tenu responsable de ne pas avoir divulgué les conséquences du choix d’indemnité de départ sur les prestations de retraite

Un important employeur canadien a été tenu responsable de ne pas avoir donné a un employé des renseignements substantiels quant aux conséquences de choisir une forme d’indemnité de départ plutôt qu’une autre. La Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a rendu cette décision malgré le fait qu’on avait conseillé a l’employé d’obtenir un avis indépendant avant de faire son choix et que l’employé avait signé une quittance a l’employeur.

Dans l’affaire Allison c. Noranda Inc. (22 juin 2001), M. Allison, un employé âgé de 53 ans, était licencié sans motif valable en 1990. On lui avait donné l’option de recevoir son indemnité de départ sous forme de montant forfaitaire ou de seize versements mensuels. Bien que le montant de l’indemnité était le meme dans les deux cas, les conséquences pour le régime de retraite étaient fort différentes.

En choisissant l’option des versements mensuels, M. Allison aurait gardé son statut d’employé (sans obligation de travailler) jusqu’a l’âge de 55 ans. A ce moment-la, il devenait admissible a la retraite anticipée et a une prestation de retraite de 887 $ par mois. En prenant le montant forfaitaire, son emploi se terminait alors qu’il avait 53 ans, ce qui lui donnait droit a une prestation de 302 $ par mois.

Toutefois, dans la lettre qui lui expliquait ses options, on n’a pas signalé a M. Allison cette différence cruciale. Bien qu’on lui ait indiqué qu’il serait admissible a la retraite anticipée a la fin de la période de 16 mois, on ne lui a pas dit en termes précis que la retraite anticipée n’était possible qu’avec les versements mensuels de l’indemnité, ni que le montant des prestations de retraite serait sérieusement diminué s’il retenait l’option du montant forfaitaire.

La compagnie l’ayant averti qu’il était préférable d’obtenir un avis indépendant, M. Allison s’est adressé a un représentant d’une compagnie d’assurance-vie, qui était également vendeur de fonds mutuels. Celui-ci lui a indiqué qu’il n’y avait pas vraiment de différence entre les deux options, et qu’il aurait sans doute intéret a accepter le montant forfaitaire pour l’investir dans des fonds mutuels. M. Allison a suivi ce conseil et a signé la quittance. Lorsqu’il a découvert les conséquences de sa décision pour son régime de retraite, M. Allison a intenté une poursuite contre Noranda pour déclaration inexacte faite avec négligence, pour ne pas avoir dévoilé ces renseignements essentiels.

JUGE DE PREMIERE INSTANCE : ABSENCE DE DÉCLARATION INEXACTE

M. Allison a perdu en premiere instance. Le juge a conclu que la lettre envoyée par Noranda a M. Allison donnait un portrait fidele des deux options possible, et qu’elle n’omettait pas de renseignements importants. Le juge a signalé qu’on avait conseillé a M. Allison d’obtenir un avis indépendant, et qu’il avait signé la quittance. Par conséquent, le juge a rejeté la demande pour déclaration inexacte faite avec négligence.

COUR D’APPEL : NORANDA AVAIT UNE OBLIGATION DE DILIGENCE DE RÉVÉLER LES FAITS SUBSTANTIELS

La Cour d’appel a adopté une position différente, et a tenu Noranda responsable d’avoir présenté les options a M. Allison de façon inexacte et négligente. Tout en notant qu’il n’y a pas d’obligation générale et impérative pour l’employeur de faire une pleine divulgation, la Cour a déclaré que la question en l’espece était de savoir si Noranda, en tant qu’employeur et administrateur du régime de retraite, avait une obligation légale de diligence de fournir des renseignements importants ayant trait non seulement aux options d’indemnité de départ mais aux conséquences de ce choix sur les prestations de retraite.

Selon la Cour d’appel, Noranda avait effectivement ce devoir de diligence, et la lettre adressée a M. Allison ne suffisait pas pour remplir l’obligation. La lettre, d’apres la Cour, était ambiguë et risquait d’induire en erreur, vu les renseignements manquants. La Cour a jugé que M. Allison aurait du etre informé de l’effet de sa décision sur ses prestations de retraite :

    « [TRADUCTION NON OFFICIELLE](1) Un employeur est surement tenu de fournir des renseignements suffisants pour permettre a l’employé de prendre une décision éclairée lorsque l’employeur demande a l’employé de faire un choix sur le paiement de l’indemnité de départ qui aura une incidence importante sur les prestations de retraite. Je suis de cet avis parce les renseignements sur les prestations de retraite sont de nature spécialisée et qu’ils relevaient de Noranda, en tant qu’administrateur du régime de retraite. … En outre, les renseignements sur le régime de retraite n’étaient pas de nature spéculative, ni sujets a diverses interprétations divergentes. Enfin, Noranda doit etre réputée avoir eu connaissance du fait que ces renseignements seraient d’une importance primordiale pour M. Allison alors qu’il devait faire un choix dans le contexte du reglement de sa cause contre Noranda pour congédiement sans motif valable. »

L’AVERTISSEMENT ET LA QUITTANCE NE PROTEGENT PAS NORANDA

Pour ce qui est de l’avertissement d’obtenir un avis indépendant, la Cour a déclaré que puisque Noranda était celle qui détenait les renseignements nécessaires pour prendre une décision éclairée, elle ne pouvait invoquer l’avertissement pour nier son obligation de divulguer ces renseignements.

Quant a la quittance signée par M. Allison, la Cour a souligné que lorsqu’on détermine si un contrat limite le droit de poursuivre pour le délit de déclaration inexacte faite avec négligence, la question est de savoir si la déclaration inexacte devient une condition expresse du contrat. En l’espece, la quittance ne faisait nullement mention de la retraite. La quittance ne servait qu’a limiter le droit de M. Allison de poursuivre pour congédiement injustifié, mais elle n’empechait pas sa poursuite pour déclaration inexacte faite avec négligence.

Notre point de vue

Un des préalables pour conclure au délit de déclaration inexacte faite avec négligence est qu’il existe une « relation spéciale » entre la personne qui fait la déclaration et la personne a qui elle est faite. Les tribunaux ont jugé que cette relation spéciale existe entre employeurs et employés. Cela signifie que l’employeur qui détient des renseignements nécessaires pour que l’employé puisse prendre une décision éclairée au sujet de son indemnité de départ pourrait effectivement avoir l’obligation de divulguer clairement ces renseignements, malgré le fait que la Cour indique ici qu’il n’y a pas d’obligation générale pour un employeur de faire une pleine divulgation.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec André Champagne au (613) 563-7660, poste 229.

1. Les décisions de la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick sont publiées dans les deux langues officielles. Malheureusement, la traduction officielle n’était pas encore disponible au moment de la publication du présent article.

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