Idées reçues et stéréotypes : une employée en dépression a gain de cause devant une commission d’enquête

La décision récente d’une commission d’enquete nommée en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario fait ressortir les risques liés aux idées reçues a propos des capacités d’employés handicapés, risques d’autant plus grands lorsque le handicap a trait a la santé mentale, et non physique, de l’employé.

Il s’agissait, dans l’affaire Metsala v. Falconbridge Ltd. (8 février 2001), d’une commis a la paie qui avait été embauchée en 1972. Son emploi était stressant, notamment parce qu’il comportait des échéances rigides et qu’il entraînait beaucoup d’heures supplémentaires. En 1989, elle a demandé une mutation, mais on lui a répondu qu’elle devait attendre qu’un poste devienne vacant. Aucun poste ne s’est ouvert, et elle a pris un congé d’invalidité; elle n’est revenue a temps plein qu’en 1993. Pendant le temps qu’elle était en congé d’invalidité, on a diagnostiqué chez elle une dépression réactive et le syndrome de fatigue chronique.

Le régime a cessé de verser des prestations d’invalidité a Mme Metsala en juin 1992. Son médecin a rempli, a ce moment-la, un certificat d’aptitude au travail qui indiquait que Mme Metsala était apte a occuper a mi-temps un emploi de bureau sans exigences intenses, mais qui ne précisait pas combien de temps cette restriction devait s’appliquer. Bien que Mme Metsala ait communiqué avec la compagnie pour organiser un retour au travail avec les limites prévues au certificat, la compagnie n’a jamais communiqué ni avec elle ni avec son médecin pour discuter de la question.

A l’automne de 1993, Mme Metsala a posé sa candidature pour le premier emploi de bureau a etre affiché depuis juin 1992. Meme si elle n’était pas la candidate préférée, elle a obtenu le poste. La compagnie envisageait le fait de lui accorder le poste comme un moyen de remplir son obligation d’accommoder Mme Metsala, mais celle-ci a témoigné que personne n’a discuté avec elle de la forme que devait prendre l’accommodement dans le nouvel emploi.

La preuve présentée a l’audience montre que de juin 1992 a décembre 1993, Falconbridge a comblé cinq postes de bureau sur une base contractuelle et qu’a de nombreuses reprises, on avait offert des emplois de bureau a des mineurs recevant des prestations d’invalidité a court terme, meme s’ils n’avaient ni l’expérience ni les compétences requises.

Mme Metsala a déposé une plainte aupres de la Commission des droits de la personne de l’Ontario, dans laquelle elle alléguait que Falconbridge avait exercé a son endroit de la discrimination fondée sur une déficience, en ne prévoyant pas un accommodement suffisant lors de son retour au travail.

L’ALLÉGATION DE DISCRIMINATION EST PROUVÉE

La commission d’enquete a donné raison a Mme Metsala, et lui a accordé des dommages-intérets pour la perte de salaire ainsi que 10 000 $ en dommages-intérets généraux pour la conduite « [TRADUCTION] répréhensible » de Falconbridge qui n’avait fait aucun effort pour l’aider a revenir au travail. La commission a conclu que la dépression réactive et le syndrome de fatigue chronique constituent un handicap au sens du Code des droits de la personne, et a jugé que la plaignante avait fait l’objet de discrimination puisqu’elle avait été traitée différemment par rapport aux employés souffrant d’un handicap physique, et cela en bonne partie a cause des « [TRADUCTION] idées reçues et stéréotypes » de l’employeur :

    « [TRADUCTION] Mme Metsala a été traitée de façon inégale par rapport aux autres employés lorsqu’on ne lui a pas offert de travail a contrat ou de tâches de bureau de juin 1992 a décembre 1993, et qu’elle a du s’inscrire a un concours pour le poste de commis a la production en décembre 1993. De l’avis de la commission, elle a été traitée de façon différente par comparaison avec d’autres employés ayant des limitations médicales en raison des idées que Falconbridge se faisait au sujet des effets de son handicap particulier, un trouble mental, et en raison de leur inaction a faire enquete pour obtenir des renseignements justes. »

AUCUNE DÉFENSE, AUCUN ACCOMMODEMENT

La prochaine étape consistait a déterminer si Falconbridge pouvait établir soit que Mme Metsala était incapable de remplir les tâches des postes a contrat ou les fonctions de bureau, soit que le fait de l’affecter a ces postes aurait fait subir a l’employeur un préjudice injustifié. La commission n’a eu aucune difficulté a décider que Falconbridge n’avait pu établir ni l’une ni l’autre de ces défenses. Puisque la compagnie n’avait meme pas envisagé accorder a Mme Metsala un des postes disponibles, elle ne pouvait prouver que Mme Metsala aurait été incapable de satisfaire aux exigences de ces postes :

    « [TRADUCTION] N’ayant pas su dépasser le certificat d’aptitude au travail, qui indiquait clairement que Mme Metsala pouvait etre réintégrée avec quelques limitations, et plus important encore, qui n’indiquait pas précisément qu’elle n’était pas apte a remplir ces postes, Falconbridge n’a pas réussi a établir qu’elle avait un motif objectif pour conclure que Mme Metsala était incapable de remplir les fonctions du poste en juin 1992 et qu’elle était demeurée incapable jusqu’en décembre 1993. »

Falconbridge n’avait pas non plus présenté de preuve convaincante que la réintégration de Mme Metsala lui aurait fait subir un préjudice injustifié. Falconbridge a soutenu que le devoir d’accommodement ne l’obligeait pas a créer un poste pour Mme Metsala. Cependant, soulignant que Falconbridge avait offert des emplois de bureau a d’autres employés handicapés, la commission a rejeté cet argument :

    « [TRADUCTION] Meme si le Code n’oblige pas l’employeur a « créer » des postes … le fait de le faire dans certains cas l’expose a un examen de sa décision de ne pas le faire dans d’autres cas. La norme a appliquer consiste a savoir si l’application de cette pratique a l’employée en question aurait fait subir a l’employeur un préjudice injustifié. »

Falconbridge ne pouvait pas non plus prétendre que le fait d’accorder a Mme Metsala le poste en décembre 1993, alors qu’elle n’était pas la candidate préférée, constituait de l’accommodement. Son obligation d’accommoder Mme Metsala avait pris naissance en juin 1992, des qu’elle avait présenté son certificat d’aptitude au travail.

Notre point de vue

Le probleme de Falconbridge a l’audience était double: non seulement la compagnie n’avait-elle fait aucun effort pour trouver des tâches modifiées pour Mme Metsala, mais elle l’avait justement fait pour d’autres. La commission a jugé que cette divergence de traitement constituait a la fois une preuve d’une discrimination directe exercée contre Mme Metsala comparativement au traitement de travailleurs physiquement handicapés et la négation de la prétention de la compagnie que d’offrir un poste a Mme Metsala lui aurait fait subir un préjudice injustifié.

Comme nous l’avons déja souligné dans d’autres numéros d’AU POINT, un employeur doit etre pret a montrer qu’il a fait de sérieux efforts pour trouver pour l’employé handicapé un emploi valable et productif dans les limites de ses capacités. Si la démarche ne réussit pas, l’employeur doit alors montrer soit que l’employé ne voulait pas collaborer a l’accommodement, soit que l’accommodement n’était pas possible sans faire subir a l’employeur un préjudice injustifié.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Carole Piette au (613) 940-2733.

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