La Cour d’appel de l’Ontario considère que les employées ont répudié leur contrat de travail

Si un employé par ailleurs exemplaire refuse d’obéir aux instructions de son employeur parce qu’il croit honnêtement, mais à tort, que les instructions sont illégales, ce refus constitue-t-il un motif valable de congédiement? Si l’employeur congédie un employé sans donner de motif, et verse une indemnité de préavis, l’employeur est-il empêché d’alléguer un motif valable au procès? Voilà deux des questions considérées par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Roden v. The Toronto Humane Society (22 septembre 2005).

L’affaire portait sur le congédiement d’une directrice de refuge et d’une superviseure de refuge qui travaillait sous sa direction. Les deux employées ont été congédiées après avoir refusé de mettre en œuvre la décision de l’employeur d’accueillir les animaux errants trouvés dans la ville de Toronto. L’employeur avait accueilli les animaux errants en vertu d’un contrat avec la ville qui s’était terminé au moment du fusionnement du Toronto métropolitain en 2001. Toutefois, en 2002, l’employeur a décidé de recommencer à accueillir les animaux errants. Les deux employées étaient d’avis que la nouvelle directive était illégale et ont refusé d’obéir aux instructions de l’employeur. Lorsqu’elles ont persisté dans leur refus, l’employeur les a congédiées, en leur versant deux semaines de salaire et d’avantages sociaux comme indemnité de départ. Les employées ont intenté une poursuite pour congédiement abusif.

PREMIÈRE INSTANCE : CONGÉDIEMENT POUR MOTIF VALABLE

En première instance, le juge a rejeté l’action des employées. Il a jugé qu’elles avaient été congédiées pour motif valable, car leur refus d’obéir aux instructions de la haute direction constituait une inconduite grave et délibérée. Il a également jugé que s’il n’y avait pas de motif valable, les dispositions de préavis de leur contrat de travail étaient valides et exécutoire, et qu’elles avaient été payées conformément à ces dispositions. Les employées ont interjeté appel.

Devant la Cour d’appel, les employées ont soutenu que le juge de première instance ne pouvait conclure qu’elles avaient été congédiées pour un motif valable, puisque les lettres de congédiement de l’employeur ne mentionnaient pas de motif et qu’on leur avait offert une indemnité de départ. Elles ont également soutenu qu’en tout état de cause, le juge avait fait erreur en concluant que leur refus de dire à leurs subordonnés de suivre les instructions de l’employeur relatives aux animaux errants constituait une inconduite grave et délibérée qui justifiait le congédiement.

COUR D’APPEL : RÉPUDIATION DU CONTRAT DE TRAVAIL

La Cour a rejeté les deux arguments. Elle a jugé que le fait que l’employeur avait d’abord traité les congédiements comme des congédiements sans motif valable n’était pas en soi déterminant pour le litige. Puisque le motif valable avait été soulevé comme moyen dans les actes de procédure de l’employeur, le juge de première instance avait le pouvoir et l’obligation de décider si l’employeur avait le droit de congédier les employées pour motif valable.

La Cour a en outre statué que le juge de première instance avait le droit de conclure que les employées avaient donné à l’employeur un motif valable de les congédier, mais non en raison d’une inconduite grave et délibérée. La Cour a jugé plutôt que les conclusions du juge étaient suffisantes pour étayer la conclusion que les employées avaient répudié leur contrat de travail. La répudiation se produit lorsqu’un employé refuse d’exécuter une obligation fondamentale du contrat de travail ou lorsque le refus est clairement incompatible avec les obligations de l’employé à l’égard de l’employeur. La Cour a expliqué la différence entre le congédiement pour inconduite et le licenciement pour répudiation :

    « [TRADUCTION] Il existe une distinction cruciale entre le congédiement pour inconduite et le licenciement pour répudiation. Lorsque l’employeur prétend avoir congédié l’employé pour un motif valable fondé sur une inconduite grave, l’employeur doit indiquer une conduite préalable au congédiement. Il revient ensuite au tribunal de décider si l’inconduite était suffisamment grave pour constituer un motif valable. La répudiation, par contre, se produit lorsqu’un employé refuse pour l’avenir d’exécuter une fonction essentielle de son poste. Dans une telle situation, l’employeur a le droit d’accepter la répudiation et de considérer la relation d’emploi comme étant terminée puisque les parties ne s’entendent plus sur les conditions fondamentales du contrat. »

En l’espèce, la Cour a jugé que les conclusions du juge de première instance s’accordaient avec la répudiation. Il n’avait pas conclu que les employées avaient été congédiées en raison d’inconduite antérieure. D’après la Cour, le refus sans équivoque des employées d’exécuter les tâches qui leur étaient assignées représentait une répudiation de leur contrat de travail. Par conséquent, l’employeur avait le droit d’accepter la répudiation et de traiter le contrat comme résilié. Puisque les employées avaient mis fin au contrat, elles n’avaient pas droit à des dommages-intérêts pour congédiement abusif.

Dans son dispositif, la Cour a rejeté l’appel des employées.

Notre point de vue

L’arrêt comporte plusieurs paradoxes. La Cour a jugé que bien que les employées n’aient pas été congédiées pour motif valable, elles n’avaient droit à aucun préavis. Elles avaient reçu, en fait, un certain préavis et n’avaient pas été informées qu’elles étaient congédiées pour motif valable, mais cela n’empêchait pas l’employeur de soulever le motif valable au procès.

La Cour a noté que si le refus de l’employé d’obéir à des instructions est raisonnable, le refus pourrait ne pas constituer une répudiation. En l’espèce toutefois, a souligné la Cour, l’employeur avait obtenu plusieurs avis juridiques qui confirmaient son pouvoir d’accueillir des animaux errants. Puisque les préoccupations des employées avaient été entièrement réglées par l’employeur, leur refus d’exécuter leurs fonctions était déraisonnable.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Sébastien Huard au (613) 940-2744.

Related Articles

La CSPAAT impose désormais un délai de 3 jours ouvrables pour la déclaration initiale d’un accident par les employeurs

Le 29 septembre 2023, la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (« CSPAAT ») a…

Le gouvernement de l’Ontario propose d’importantes modifications à diverses lois dans le secteur de l’éducation

En avril, le gouvernement de l’Ontario a déposé le projet de loi 98, Loi de 2023 sur l’amélioration des écoles et…

La Cour supérieure de justice de l’Ontario déclare la Loi 124 nulle et sans effet

Le 29 novembre 2022, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a publié une décision très attendue sur dix demandes…