A-t-on résolu la confusion entourant le caractère arbitrable des réclamations présentées par des employés?

L’employé syndiqué qui revendique son droit a un avantage social doit-il s’adresser a un arbitre ou a un tribunal? Les conséquences de la décision rendue le 19 novembre 1996 par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Pilon v. International Minerals & Chemical Corporation and London Life Insurance Co., présentée dans le numéro de juillet 1997 d’AU POINT (voir « La cour d’appel de l’Ontario se prononce sur le caractere arbitrable des revendications d’un employé en matiere d’avantages sociaux » sous la rubrique « Publications »), se font ressentir chez les arbitres depuis. Une décision récente de la Cour divisionnaire de l’Ontario vient peut-etre de dissiper l’incertitude, en rétablissant la regle qui avait cours avant la décision Pilon.

Selon l’approche arbitrale traditionnelle, avant la décision Pilon, le libellé de la convention collective déterminait la solution. Si, selon la convention, l’employeur avait l’intention d’assumer la responsabilité d’offrir l’avantage, l’employé pouvait exercer son droit a l’arbitrage. Si, par contre, la convention ne disait rien au sujet de l’avantage, ou si l’employeur n’était que simple cotisant au régime, l’employé devait poursuivre l’assureur.

Dans l’affaire Pilon, la Cour d’appel, négligeant la jurisprudence arbitrale, a jugé que si le droit a l’avantage découlait d’une convention collective, le différend devait etre réglé a l’arbitrage. Parce que M. Pilon n’avait pas droit a l’avantage, vu l’absence d’un régime d’assurance collective établi par la convention collective, il ne pouvait intenter de poursuite contre l’assureur.

DÉSACCORD CHEZ LES ARBITRES QUANT A L’APPROCHE

La décision a donné lieu a une diversité d’approches de la part des arbitres sur la question de la compétence en matiere de réclamations d’avantages. Dans une affaire, Re Honeywell Ltd. and C.A.W. – Canada (28 aout 1997 et 20 novembre 1997), ou la convention collective ne faisait qu’offrir un régime d’avantages aux employés qui devaient payer leurs propres cotisations, l’arbitre a déclaré qu’il fallait comprendre de la décision Pilon que le différend devait etre réglé a l’arbitrage. Le critere de compétence était maintenant simple :

[TRADUCTION] « Si ce n’étaient des prestations d’ILT négociées par le syndicat qui figurent dans la convention collective, [le plaignant] aurait-il la moindre réclamation de prestations d’ILT a faire? »

Répondant par la négative, l’arbitre a déclaré qu’il avait compétence en la matiere, et a permis au syndicat de nommer l’assureur comme « défendeur » dans l’affaire.

D’autres arbitres, toutefois, ont maintenu l’approche traditionnelle, et ont écarté la décision Pilon en en distinguant les faits. Cela n’était pas difficile, puisque la convention collective dans l’affaire Pilon incluait dans ses modalités la police d’assurance, ce qui avait toujours voulu dire qu’une réclamation était alors arbitrable. Le probleme, c’est que la Cour ne s’était pas appuyée sur cet argument pour fonder sa décision. Le critere de compétence invoqué ressemblait beaucoup plus au critere de compétence (cité précédemment) élaboré par l’arbitre dans l’affaire Honeywell.

L’AFFAIRE CBC V. NABET NE CLARIFIE RIEN

La Cour d’appel s’est de nouveau penchée sur la question dans l’affaire CBC v. NABET (16 décembre 1997), ou elle a annulé la décision de l’arbitre qui ordonnait a l’employeur de payer des prestations d’assurance-vie a la succession d’un employé. Dans sa décision, la Cour a fait référence a la jurisprudence antérieure a la décision Pilon, et a signalé que la convention collective exigeait seulement que l’employeur paie les primes d’assurance. La Cour a jugé qu’en ordonnant a l’employeur de payer les prestations que refusait de verser l’assureur, l’arbitre avait négligé la preuve sur la portée des obligations de l’employeur, et avait rendu une ordonnance manifestement déraisonnable. Dans ses motifs, la Cour n’a pas évoqué la décision Pilon, qu’aucune des parties n’avait d’ailleurs citée.

LE JUGEMENT DANS L’AFFAIRE DUBREUIL RÉTRÉCIT LA PORTÉE DE LA DÉCISION PILON

Dans l’affaire Re Dubreuil Forest Products Ltd and IWA Canada (25 septembre 1998), le cas découle de l’arbitrage d’un grief déposé en vertu d’une convention collective qui n’obligeait l’employeur qu’a verser des primes a London Life. En vertu de la jurisprudence arbitrale, cela plaçait la réclamation hors du champ de compétence d’un arbitre.

C’est du moins ce que l’employeur a prétendu, mais l’arbitre, affirmant qu’il était lié par la décision Pilon, s’est déclaré compétent. Signalant, toutefois, que la décision Pilon n’avait jamais eu pour objet de tenir les employeurs responsables du paiement des prestations dans de telles circonstances, l’arbitre a jugé qu’il avait le pouvoir de rendre une décision qui déterminerait la responsabilité de l’assureur. Il a ordonné que London Life soit avisée de cette décision.

La Cour divisionnaire a annulé la décision, et déclaré que la décision Pilon devait etre placée en perspective, et qu’elle n’était pas différente de l’approche arbitrale traditionnelle :

[TRADUCTION] « Il n’y a aucune indication dans la décision Pilon que la Cour d’appel avait l’intention de modifier de façon fondamentale le champ de compétence des arbitres. Bien que la Cour d’appel n’ait pas fait référence [a l’approche arbitrale traditionnelle], elle a jugé que la convention collective incorporait les modalités du manuel sur les avantages sociaux. … Le résultat dans cette affaire est donc compatible avec les principes établis pour déterminer la compétence des arbitres dans ce domaine. »

Notre point de vue

La Cour qui a annulé la décision Dubreuil a également, le meme jour, annulé la décision Honeywell. Elle a en outre jugé que les arbitres n’avaient pas compétence pour joindre a la procédure une tierce partie défenderesse qui n’était pas partie a la convention collective, sans le consentement de cette tierce partie.

La décision Dubreuil semble indiquer que la regle qui découle de la décision Pilon se limite aux situations ou le régime d’avantages est incorporé dans la convention collective. L’approche arbitrale traditionnelle semble avoir triomphé pour le moment. (Pour un compte rendu de l’évolution récente de cette affaire, voir « La Cour d’appel de l’Ontario se prononce a nouveau sur le caractere arbitrable des demandes de prestations » sous la rubrique « Publications ».)

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec André Champagne au (613) 563-7660, poste 229.

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