Les nouveaux problèmes posés par l’informatisation du milieu de travail

Les progres dans le domaine de l’information et des communications offrent nombre d’avantages aux organisations qui utilisent ces technologies, mais il ne faut peut-etre pas se surprendre que ces nouveaux outils puissants donnent lieu a de nouvelles formes d’inconduite chez les employés. Malheureusement, certains employés qui profitent d’un acces facile aux diverses facettes de l’Internet – Web, groupes de discussion, courrier électronique – sont tentés de consacrer une quantité considérable de leurs heures de travail a des activités qui ne sont pas, disons, essentielles a leurs fonctions. Nous examinons dans le présent article certains des comportements problemes qui voient le jour dans les milieux de travail informatisés, et les interventions auxquelles peuvent avoir recours les employeurs.

L’INCONDUITE NUMÉRIQUE

L’inconduite la moins grave consiste a utiliser les moyens de communication numérique a des fins exclusivement personnelles. La productivité peut diminuer a mesure que l’univers de distractions augmente. Plus inquiétante que le temps gaspillé est la possibilité d’utiliser l’ordinateur pour télécharger du matériel agressant et discriminatoire, telle que la pornographie, qui peut ensuite etre transmis aux autres ordinateurs d’un meme bureau par courrier électronique ou etre visionné par des groupes d’employés.

Lorsque ce genre de conduite s’affirme comme tendance dans le comportement des employés, ou les employés visionnent régulierement des sites web de nature sexuellement explicite, transmettent des farces grivoises par courrier électronique interne ou installent des écrans protecteurs a contenu sexuel, cela peut empoisonner l’atmosphere de travail. Une telle situation peut donner lieu au dépôt d’une plainte officielle de harcelement par un ou plusieurs employés et, finalement, mener a un jugement déclarant responsable de harcelement l’employeur qui a laissé cet état de choses se produire. Selon la nature du matériel en cause, l’activité peut etre de nature criminelle.

Enfin, il y a le probleme de l’abus des renseignements informatisés de l’organisation, notamment la divulgation non autorisée de renseignements confidentiels, telles que des données sur le personnel ou des stratégies d’affaires. Il existe également le risque que des virus ou d’autres formes de sabotage endommagent ou détruisent les dossiers informatisés.

CONTRÔLE ÉLECTRONIQUE

Une façon de régler le probleme de l’abus informatique en milieu de travail est de contrôler l’utilisation que font les employés des ordinateurs. Cela souleve la question du droit des employés a la vie privée et l’effet que peut avoir sur le moral des employés une politique de surveillance trop agressive. Les employeurs devraient donc faire montre de prudence a cet égard.

Les employeurs de milieux syndiqués doivent envisager d’éventuelles contestations par voie de griefs et d’arbitrage et tenir compte des précédents dans la jurisprudence arbitrale. S’il peut sembler, du moins en Ontario, que les employeurs non-syndiqués n’ont pas a se soucier d’obstacles juridiques pour ce qui est de mettre en place un programme de surveillance électronique, ces employeurs doivent tout de meme considérer le cout d’une telle action en termes d’atmosphere au travail, et devraient tenir compte des leçons a tirer de la jurisprudence en la matiere.

Les arbitres n’ont pas encore eu a juger de ce type de contrôle, mais les causes sur d’autres formes de surveillance des employés portent sur des questions essentiellement identiques. D’apres la jurisprudence arbitrale, les arbitres donneront leur aval a un programme qui met en équilibre l’intéret légitime de l’employeur a dissuader l’inconduite et l’intéret tout aussi légitime de l’employé de protéger sa vie privée d’une ingérence déraisonnable. En d’autres mots, l’employeur devrait avoir des motifs raisonnables de croire que son intéret est en risque avant de mettre en oeuvre un programme de surveillance, qui devrait se réaliser avec le moins d’ingérence possible dans la vie privée des employés. Ainsi, il est préférable d’avoir un programme qui contrôle l’heure, l’origine, la destination et la longueur d’un message par courrier électronique plutôt que le contenu meme de la transmission.

Tout programme de contrôle devrait etre décrit dans la politique de l’organisation relative a l’utilisation des ressources informatiques. De cette façon, les employés comprennent qu’ils ne peuvent raisonnablement s’attendre a autant d’intimité au travail qu’a leurs heures libres. (Voir « Courriel au travail : pas d’attente raisonnable de respect de la vie privée » sous la rubrique « Publications ».)

Une autre stratégie consiste a simplement couper l’acces de l’Internet aux employés; c’est apparemment la mesure décidée par le ministere ontarien des Services correctionnels a la suite d’une plainte logée par une employée a l’effet que des collegues masculins téléchargeaient de la pornographie a partir du Web. Lorsque cette mesure est perçue comme trop draconienne ou peu pratique, les employeurs peuvent envisager installer des programmes qui bloquent l’acces aux sites Web qui sont de nature sexuellement explicite. Ce type de logiciel, d’abord mis au point pour des parents désireux de restreindre l’acces de leurs enfants a la pornographie, est de plus en plus vendu aux entreprises.

POLITIQUE SUR L’UTILISATION DE L’ORDINATEUR ET DE L’INTERNET

Les employeurs qui souhaitent minimiser l’abus des nouvelles technologies devraient sérieusement envisager l’établissement d’une politique globale sur l’utilisation des ressources informatiques de l’entreprise. Cette politique pourrait servir a fonder la réaction de l’employeur dans le cas d’une mauvaise conduite relative a l’information et aux communications informatiques. Les employeurs devraient s’assurer que les employés ont reçu et lu la politique, la leur rappeler de temps a autre et les informer de toute modification.

Contenu de la politique

  • Lignes directrices concernant l’acces a l’Internet, notamment les suivantes :

    – pourquoi l’entreprise est dotée d’un acces a l’Internet;
    – quels sont les employés qui ont le droit d’utiliser l’Internet;
    – les types de messages qui peuvent etre transmis et qui ne peuvent etre transmis par Internet (par ex. rien qui soit confidentiel ou qui a trait a des informations privilégiées de l’entreprise);
    – les parametres, s’il y a lieu, pour l’emploi acceptable de l’Internet a des fins personnelles (par ex. heure de dîner, aucune consultation de sites de nature sexuellement explicite);
    – le type de programme qui peut etre téléchargé (par ex. aucune pornographie ou autre matériel agressant ou illégal);
    – la conduite attendue des employés qui s’engagent dans des groupes de discussion électroniques (par ex. agir a titre d' »ambassadeurs » de l’entreprise et examiner avec soin toute contribution a la conversation électronique, vu l’ampleur de l’auditoire possible);
    – une indication, s’il y a lieu, qu’un logiciel a été installé pour bloquer l’acces a certains types de sites Internet.

  • Lignes directrices sur l’utilisation convenable des ordinateurs, par exemple :

    – ils ne doivent etre utilisés qu’a des fins de travail;
    – les employés peuvent avoir acces uniquement aux renseignements qui sont liés a leurs fonctions (par ex. aucun acces aux renseignements d’entreprise confidentiels ou aux dossiers du personnel);
    – renseignements sur l’installation de « cloisons étanches », s’il y a lieu, qui servent a protéger l’information confidentielle.

  • Programme de contrôle

    – avis aux employés que le courrier électronique et l’utilisation de l’Internet peuvent etre surveillés;
    – explication de la raison du contrôle (par ex. assurer un milieu libre de harcelement);
    – description de l’envergure du contrôle (par ex. la teneur des messages sur courrier électronique n’est pas surveillée);
    – explication des moyens et de la fréquence du contrôle (par ex. logiciel qui tient un dossier sur l’utilisation de l’ordinateur par les employés).

  • Avis aux employés des conséquences disciplinaires d’une utilisation interdite ou abusive des ressources informatiques.

APRES L’INCONDUITE INFORMATIQUE

Quand un employeur commence a soupçonner une inconduite informatique, il devrait tenir une enquete. Jusqu’a ce que la question soit réglée, la personne soupçonnée ne devrait pas avoir acces aux ordinateurs de l’entreprise. S’il y a lieu, l’ordinateur lui-meme devrait etre mis hors de service et confisqué jusqu’a ce qu’on décide s’il sera présenté en preuve. L’administrateur des systemes devrait etre contacté le plus tôt possible afin d’assurer que l’information en cause est « préservée » et de retracer les personnes qui peuvent avoir utilisé l’ordinateur afin d’obtenir des déclarations écrites.

Au début de l’enquete, l’employeur devrait déterminer si le comportement allégué enfreint effectivement les regles de la compagnie, en faisant référence a la politique de l’entreprise relative a l’utilisation des ordinateurs et de l’Internet. S’il est déterminé qu’il s’agit d’un cas d’inconduite qui a trait uniquement aux questions internes de l’entreprise, une sanction appropriée devrait etre imposée, encore une fois, en fonction de la politique établie.

Toutefois, l’inconduite peut déborder le cadre des seules préoccupations de l’employeur. Si l’employeur croit qu’une infraction criminelle a été commise, telle que la distribution ou la possession de pornographie juvénile, il vaut mieux contacter les autorités des que possible afin de déterminer si une activité illégale s’est produite.

Les crimes sur l’Internet suscitent beaucoup d’attention dans les médias. Si un employé est soupçonné de ce type d’activité criminelle, l’employeur a tout intéret a engager un consultant en médias pour minimiser la publicité négative qui résulterait de la confirmation de ces soupçons.

Notre point de vue

Outre l’établissement d’une politique sur l’utilisation de l’ordinateur et de l’Internet, les employeurs devraient envisager la mise a jour de leurs politiques sur le harcelement en milieu de travail (voir « Le harcelement en milieu de travail : terrain semé d’embuches juridiques pour les employeurs » sous la rubrique « Publications »), afin d’y tenir compte de la popularité croissante du Web. Le visionnement de sites sexuellement explicites en milieu de travail peut facilement etre perçu comme créant une atmosphere de travail empoisonnée. Par conséquent, ce type de conduite doit etre ajouté a la liste des conduites qui constituent du harcelement.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec André Champagne au (613) 563-7660, poste 229.

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