Un contrat à durée déterminée ne signifie pas nécessairement un employé temporaire

Les employeurs concluent parfois avec leurs employés de longue durée une série de contrats successifs a court terme. Cela peut etre fait pour permettre la négociation d’augmentations salariales ou d’autres ajustements aux conditions de travail. Toutefois, comme l’indique clairement une récente décision ontarienne, il se peut qu’un employeur ne puisse invoquer le statut de l’employé en vertu de son contrat pour se soustraire a l’obligation de donner un préavis raisonnable.

Dans l’affaire Ceccol v. Ontario Gymnastic Federation, décision de la Cour de l’Ontario, Division générale, (15 février 1999), la plaignante avait travaillé continuellement pendant plus de quinze ans chez l’employeur a titre de directrice administrative, occupant le deuxieme poste le mieux rémunéré. Pendant les dix dernieres années de son emploi, celui-ci avait été régi par une série de contrats de douze mois, dont l’une des clauses prévoyait que les parties convenaient [TRADUCTION] « de se conformer a la Loi sur les normes d’emploi de l’Ontario et a son Reglement en ce qui concerne l’avis de cessation d’emploi ». L’employeur a soutenu que malgré le poste et les années de service de l’employée, cette disposition ne lui donnait droit a aucun préavis, meme si, par courtoisie, l’employeur lui offrait un certain préavis.

PREUVE DU STATUT D’EMPLOYÉE

Devant le tribunal, la plaignante a présenté la preuve, non contestée, qu’au moment de son embauche en 1981, on lui avait laissé croire qu’elle aurait le statut d’employée permanente. Elle a soutenu que sauf pour l’exercice 1985-1986, elle avait toujours été traitée et désignée comme employée a temps complet, désignation que l’on retrouvait dans ses évaluations de rendement. En 1986, on lui avait offert de se joindre au régime collectif de retraite de l’employeur. Cinq mois avant « l’expiration » de son contrat, on lui avait demandé de présider un groupe de travail dont le mandat devait durer deux ans.

Le contrat a durée déterminée, selon la plaignante, n’était qu’un document administratif, dont la fonction réelle consistait a réaliser des ajustements annuels a ses conditions d’emploi. Elle n’avait aucun lieu de croire qu’un tel document définissait la période de préavis a laquelle elle aurait droit lorsque cesserait son emploi.

Le tribunal lui a donné raison, notant au passage que l’argument de l’employeur revenait a soutenir qu’un employé cadre, avec 15 ans d’expérience, avait droit au meme préavis qu’un employé débutant, sans expérience, avec un an de service, pourvu qu’ils aient signé le meme contrat. Un tel résultat n’était pas impossible, a précisé la Cour, mais il exigeait une entente beaucoup plus explicite que n’avait été le cas.

AUCUNE RÉFUTATION DE LA PRÉSOMPTION D’AVIS RAISONNABLE

Le tribunal a mentionné la jurisprudence sur les contrats types, ou une partie signe des documents dont elle n’a ni lu ni compris la teneur, alors que l’autre partie devrait savoir que la signataire n’agit pas en pleine connaissance de cause. Selon la jurisprudence, ceux qui cherchent a faire exécuter les clauses de ces contrats doivent établir que l’autre partie a bien été avertie de la clause et y a véritablement souscrit. En l’occurrence, l’employeur ne pouvait montrer qu’il avait obtenu le consentement véritable de la plaignante a la disposition contractuelle sur la cessation d’emploi :

[TRADUCTION] « Il n’était pas raisonnable de supposer que la plaignante avait consenti au sens ordinaire des dispositions de son contrat … En raison de la conduite de l’employeur au cours des années, la plaignante pouvait raisonnablement s’attendre a ce que la disposition sur la durée et le préavis ne s’applique pas dans son cas. En outre, on a utilisé un contrat type, ou la disposition sur la cessation d’emploi est particulierement stricte et onéreuse.

Puisque toutes les personnes concernées traitaient cette employée comme une employée permanente a temps complet, jouissant d’un certain prestige, je conclus que si l’employeur souhaitait faire exécuter [la clause sur la cessation d’emploi] a l’encontre de la plaignante, il aurait du lui signaler que cette clause s’appliquait a elle. Or, il ne l’a pas fait ».

Par conséquent, a jugé le tribunal, vu la preuve présentée sur le statut de l’employée et le fait que l’employeur n’avait rien fait pour l’avertir de son opinion que les dispositions sur le congédiement s’appliquaient a elle, l’employeur n’avait pas réfuté la présomption que la plaignante avait droit a un préavis raisonnable. Le tribunal a donc accordé a la plaignante 12 mois de salaire, en guise de préavis, apres avoir déduit 4 mois parce qu’elle n’avait pas tenté de limiter les dommages en cherchant un nouvel emploi.

Notre point de vue

L’article « Le contrat de travail modele » sous la rubrique « Publications » mentionnait combien les tribunaux étudient attentivement la négociation du contrat de travail pour s’assurer que l’employé y a librement consenti. Dans l’affaire Ceccol, il s’agissait en outre de déterminer si, a mesure que la relation d’emploi se prolonge, l’employeur peut invoquer les clauses obscures d’un contrat de travail pour se soustraire a ses obligations en vertu de la common law. Il appert que non. (Pour un compte rendu de l’évolution récente de cette affaire, voir « La Cour d’appel confirme la décision qu’un employé « nommé pour une période déterminée » ne l’est pas » sous la rubrique « Publications »; voir aussi « Employé de longue durée, contrats a court terme : préavis exemplaire et dommages punitifs » sous la rubrique « Publications ».)

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec André Champagne au (613) 563-7660, poste 229.

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