La Cour supérieure de justice de l’Ontario accorde une injonction interlocutoire au CÉPEO face aux règlements de l’OFSAA

Le 27 août 2015, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a accordé une injonction interlocutoire en vertu des dispositions relatives au droit à l’enseignement dans la langue de la minorité de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte), et ce afin de suspendre l’application des nouveaux règlements de l’Ontario Federation of School Athletics Associations (« OFSAA ») à la minorité francophone dans l’est de l’Ontario et de maintenir le statu quo jusqu’à ce que le litige qui oppose les parties soit entendu sur le fond.

La motion en injonction interlocutoire a été plaidée avec succès par Me Paul Marshall et Me Sophie Gagnier de Emond Harnden au nom des demandeurs, le Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CÉPEO) et Claude Provost, titulaire des droits liés au français dont les enfants fréquentent l’une des écoles du CÉPEO.

En 2014, le CÉPEO et Claude Provost ont entamé une action civile alléguant que les nouveaux règlements de l’OFSAA régulant les compétitions sportives interscolaires contreviennent aux droits des titulaires des droits liés au français en vertu de la Charte. En août 2015, en attendant le règlement de la contestation constitutionnelle, le conseil scolaire et M. Provost ont demandé une injonction afin de suspendre l’application des nouveaux règlements de l’OFSAA.

En guide de contexte, le CÉPEO a éliminé les zones de fréquentation scolaire pour les élèves de cycle secondaire demeurant à Ottawa. Par conséquent, tout élève demeurant sur le territoire du CÉPEO peut fréquenter n’importe quelle école secondaire du conseil, qu’elle soit ou non l’école du CÉPEO la plus proche du domicile de l’élève. L’École secondaire publique Louis-Riel est la seule école secondaire publique de langue française à Ottawa ayant un programme sports-études. Les élèves inscrits au programme doivent indiquer une spécialité sportive.

En avril 2012, l’OFSAA a modifié ses règlements gouvernant l’admissibilité des élèves à participer aux évènements sanctionnés par l’OFSAA. Les modifications, entrées en vigueur le 4 septembre 2012, interdisent à un élève inscrit à un programme sports-études de participer aux compétitions de l’OFSAA dans leur spécialité si l’école fréquentée par l’élève n’est pas son école désignée en vertu des zones de fréquentation scolaire (ou l’école la plus proche s’il n’existe pas de zones de fréquentation scolaire). Cette restriction s’applique aussi longtemps que l’élève fréquente l’école offrant un programme sports-études. Les nouveaux règlements prévoient également qu’un conseil scolaire qui choisit de ne pas avoir de zones de fréquentation scolaire est réputé en avoir, créant ainsi des frontières artificielles.

La contestation constitutionnelle des demandeurs allègue que les nouveaux règlements ont un impact discriminatoire sur la minorité linguistique francophone puisque les élèves inscrits à des écoles secondaires anglophones peuvent participer à des compétitions de l’OFSAA au niveau élite du fait qu’ils sont plus nombreux au sein d’une même école. Contrairement à la minorité francophone, ils ne sont pas obligés de se regrouper sous une même école de sports-études afin d’accéder à des compétitions de plus haute classification tout en ayant une éducation publique de qualité. L’impact des nouveaux règlements est déterminant sur la capacité du CÉPEO d’attirer, d’accueillir et de retenir des enfants de parents ayant des droits en vertu de l’article 23 de la Charte à l’École Louis-Riel et favorise ainsi l’assimilation de la minorité linguistique.

L’article 23 de la Charte confère aux parents appartenant aux communautés minoritaires francophones et anglophones un droit constitutionnel de faire instruire leurs enfants dans la langue de la minorité. Dans l’éventualité où l’expérience éducative est perçue comme étant inférieure dans les écoles de la minorité linguistique et que cela dissuade les parents d’y faire instruire leurs enfants dans la langue de la minorité, cela crée un risque d’assimilation non conforme à l’objectif réparateur de l’article 23 de la Charte tel qu’établi par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Arsenault-Cameron c Île-du-Prince-Édouard. Cette omission enfreint aussi le principe de l’éducation de qualité réellement égale à celle de la majorité, comme récemment rappelé par la Cour suprême dans l’affaire Association des parents de l’école Rose-des-vents c Colombie-Britannique (Éducation).

En accordant l’injonction interlocutoire en attendant le règlement de la contestation constitutionnelle sur le fond, la Cour a conclu :

  1. qu’il existe une question constitutionnelle sérieuse à trancher dans cette affaire, à savoir si les élèves affectés par les nouveaux règlements de l’OFSAA reçoivent ou non une éducation réellement égale à celle reçue par la majorité anglophone.

  2. que les Demandeurs subiraient des préjudices irréparables si l’injonction interlocutoire n’était pas accordée, soit une réduction d’inscriptions d’élèves, l’exclusion de nombreux élèves de l’École Louis-Riel aux évènements organisés par l’OFSAA, et un impact sur la capacité de l’École Louis-Riel d’attirer, d’accueillir et de retenir des enfants de parents ayant des droits linguistiques, favorisant ainsi l’assimilation de la minorité linguistique en Ontario.

  3. que la prépondérance des inconvénients, compte tenu de l’intérêt public, favorisait l’accord de l’injonction interlocutoire puisque celle-ci aurait pour effet de suspendre l’application des nouveaux règlements pour la minorité francophone et de maintenir le statu quo jusqu’à ce que la Cour ait réglé les questions juridiques sur le fond du litige.

La Cour a également conclu :

… que l’éducation ne se limite pas uniquement à l’enseignement en salle de classe, mais s’étend à toutes les activités parascolaires qui font partie de l’expérience et de l’apprentissage des élèves. […] Si l’ensemble de l’expérience éducative est perçu comme étant inférieur dans les écoles de la minorité linguistique et dissuade les parents de faire instruire leurs enfants dans la langue de la minorité, je crois que ceci crée un risque d’assimilation qui n’est pas conforme à l’objectif réparateur de l’article 23 de la Charte.

Nous tiendrons nos lecteurs informés des développements dans cette affaire.

Si vous voulez davantage d’information, veuillez communiquer avec Paul Marshall au 613‑940‑2754 ou Sophie Gagnier at 613-940-2756.

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