Le gouvernement fédéral sollicite des commentaires sur les exemptions et les modifications relatives aux nouvelles dispositions du Code canadien du travail sur les « heures de travail »

Comme de nombreux lecteurs de Focus s’en souviendront, la partie III du Code canadien du travail (le « Code ») a récemment été modifiée pour accorder certains droits et privilèges aux employés sous réglementation fédérale en ce qui concerne les heures de travail (voir «Le gouvernement fédéral propose d’importantes modifications au Code canadien du travail dans le projet de loi C-86» et « Le gouvernement fédéral met sur pied un comité d’experts chargé de fournir des conseils sur les modifications supplémentaires à apporter au Code canadien du travail » pour plus de détails). Couramment désignées comme les dispositions relatives aux « heures de travail », les modifications sont entrées en vigueur le 1er septembre 2019 en n’étant toutefois pas sujettes à une « application complète ». Conformément à l’Interprétation, politique et guide 101 (l’« IPG-101 »), intitulée « Champ d’application», qui est entrée en vigueur le jour même des modifications, le gouvernement fédéral permet aux employeurs de « poursuivre leurs activités habituelles » pour certaines catégories d’employés en ce qui concerne certaines exigences relatives aux heures de travail.

La période d’« activités habituelles » autorisée par l’IPG-101 se poursuivra jusqu’à ce que les dispositions sur les heures de travail soient pleinement élaborées par les règlements pris en vertu du Code. Ces règlements viseront à modifier l’application des dispositions relatives aux heures de travail pour certaines catégories d’employés ou à exempter entièrement des catégories d’employés des dispositions relatives aux heures de travail.

En vue de ces futures modifications et exemptions réglementaires, Emploi et Développement social Canada a publié un document de travail pour solliciter les commentaires des intervenants. Le document de travail intitulé « Exemptions et modifications réglementaires proposées pour les nouvelles dispositions sur les heures de travail dans le Code canadien du travail » a été publié le 19 février et représente le plus récent volet du processus de mobilisation qui a débuté en mai 2019 et qui se poursuivra probablement pendant les premiers mois de 2020.

La demande de commentaires présentée dans le document de travail met l’accent sur les quatre dispositions suivantes relatives aux heures de travail :

  • article 173.01 — l’obligation pour l’employeur de donner l’horaire de travail au moins 96 heures à l’avance (ainsi que le droit correspondant de l’employé de refuser un quart de travail commençant dans les 96 heures suivant la réception de son horaire) ;
  • article 173.1 — l’obligation pour l’employeur de donner un préavis de 24 heures en cas de modification à l’horaire ;
  • article 169.1 — l’obligation pour l’employeur d’accorder une pause de 30 minutes par période de cinq heures consécutives de travail ;
  • article 169.2 — l’obligation pour l’employeur de prévoir une période de repos de 8 heures à la fin de tout quart de travail.

Il convient de noter que les droits susmentionnés ne sont pas absolus. Par exemple, les dispositions concernant les heures de travail ne s’appliquent pas aux gestionnaires et à certains professionnels (architectes, avocats, médecins, dentistes et ingénieurs). De plus, les dispositions relatives aux heures de travail ne s’appliquent pas en cas d’« urgence imprévisible » (dont la définition vise à englober les situations imprévisibles qui pourraient présenter une menace imminente ou sérieuse pour la vie, la santé ou la sécurité, des dommages ou la perte de biens, ou une entrave grave au fonctionnement ordinaire de l’établissement). L’exigence de préavis de 96 heures pour les horaires de travail peut être réduite par une convention collective, ou ne pas s’appliquer du tout si l’employé a demandé un régime de travail flexible en vertu de la Section I.1 de la partie III du Code.

Dans ce contexte législatif, le document de travail résume les points de vue contradictoires qui ont déjà été exprimés par les employeurs et les représentants des employés. Les employeurs ont remarqué que les dispositions relatives aux heures de travail imposent un niveau de rigidité qui nuit à leur capacité de réagir à diverses situations sur lesquelles ils ont peu ou pas de contrôle (p. ex., absences des employés, conditions météorologiques, etc.). Certains employeurs estiment que l’exception pour les situations d’urgence imprévisibles est trop restreinte pour les aider dans ces situations. Les employeurs ont également soulevé des préoccupations quant à leur capacité de se conformer à d’autres exigences réglementaires, comme les exigences de Transports Canada applicables au secteur des transports.

Les groupes d’employés considèrent généralement les dispositions relatives aux heures de travail comme des normes minimales qui devraient s’appliquer à tous les employés. Naturellement, ils s’opposaient à toute exemption et considéraient que les demandes d’exemption présentées par les employeurs étaient trop générales et sans justification. Les groupes d’employés ont indiqué qu’ils préfèrent une approche « attentiste », car tout besoin d’exemptions ou de modifications deviendra évident au fil du temps. Les groupes d’employés ont indiqué que les exemptions et les modifications ne devraient être envisagées que pour régler un problème démontré.

Les employeurs qui envisagent de formuler des commentaires sur les règlements devraient connaître l’article 175 du Code. Cet article établit les paramètres du pouvoir de réglementation en ce qui concerne les dispositions relatives aux heures de travail. Il prévoit que le gouverneur en conseil peut, par règlement, adapter toute disposition relative aux heures de travail pour des catégories d’employés s’il estime qu’en leur état actuel, l’application de ces dispositions porterait atteinte aux intérêts des employés de ces catégories, ou causerait un grave préjudice au fonctionnement de ces établissements. Le gouverneur en conseil peut également prendre des règlements pour exempter des catégories d’employés auxquelles les dispositions ne pourraient pas raisonnablement s’appliquer.

Bien que le pouvoir énoncé ci-dessus puisse sembler très vaste, il sera probablement limité par l’approche du gouvernement. Le document de travail indique que le gouvernement est d’avis que les dispositions relatives aux heures de travail s’apparentent à des « conditions minimales d’emploi » et qu’elles devraient donc s’appliquer « au plus grand nombre d’employés possible ». Le document mentionne également que toute modification ou exemption doit être « claire et étroitement ciblée ».

Le gouvernement présente également sa proposition réglementaire actuelle dans le document de travail. Cette proposition est fondée sur les commentaires des intervenants et l’analyse du gouvernement jusqu’à maintenant. Le document de travail indique clairement que la proposition sera probablement peaufinée et modifiée en fonction des commentaires des intervenants, qui permettront de mieux comprendre les pratiques d’établissement des horaires et les réalités opérationnelles des divers secteurs touchés. Le projet de règlement est présenté en trois catégories :

  • les catégories d’employés pour lesquelles une exemption ou une modification est proposée ;
  • les catégories d’employés pour lesquelles plus d’informations sont nécessaires pour justifier une modification ou une exemption ;
  • les catégories d’employés pour lesquelles aucune exemption ou modification n’est proposée.

Il convient également de souligner que, le 22 février, le gouvernement a publié un avis dans la Gazette indiquant que le ministre du Travail ne considère pas que des règlements sont nécessaires à l’égard des employés sur appel ou en disponibilité en ce qui concerne l’article 173.01 (avis de 96 heures) ou l’article 173.1 (avis de 24 heures). De l’avis du ministre, si un employé reçoit son horaire de travail au moins 96 heures à l’avance et que des périodes sur appel ou en disponibilité sont prévues à cet horaire, les exigences de l’article 173.01 sont satisfaites. De plus, le préavis écrit de 24 heures préalable à l’ajout ou à la modification d’une période où l’employé est sur appel ou en disponibilité satisfait aux exigences de l’article 173.1.

 

À notre avis

Les employeurs relevant de la compétence fédérale devraient examiner le document de travail et, en particulier, le projet de règlement afin de déterminer si leurs employés pourraient être affectés par les futurs règlements. Les employeurs qui souhaitent formuler des commentaires devraient savoir que la date limite pour les soumettre est le 13 mars 2020. Nous serions heureux d’aider à la préparation de telles observations. Les observations écrites peuvent être soumises comme suit :

 

Par courriel :

EDSC.DMT.ConsultationNTModernes-ConsultationModernLS.WD.ESDC@labour-travail.gc.ca

 

Par la poste :

Normes du travail — Programme de protection des salariés

165, rue Hôtel-de-ville, Phase II de Place du Portage, 10e étage

Gatineau (Québec)

K1A 0J2

 

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Céline Delorme au 613-940-2763.

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