Le manquement à l’obligation de confidentialité par un employé relève l’employeur de son obligation de paiement – « En droit du travail, les règlements sont sacro-saints. »

Une décision d’arbitrage récente souligne le rôle important que joue la confidentialité dans les règlements de conflits de travail. Dans l’affaire Acadia University and the Acadia University Faculty Association (Alleged Breach of Minutes of Settlement – Dr. Rick Mehta) (mai 2019), l’arbitre Kaplan a relevé l’employeur de son obligation de verser un paiement de règlement en raison de la violation des dispositions de confidentialité du procès verbal de règlement par l’employé.

Pour situer les choses dans leur contexte, précisons qu’en août 2018, M. Rick Mehta, professeur titulaire à l’Université Acadia, a été congédié pour motif valable. L’Acadia University Faculty Association (l’« Association ») a déposé des griefs contestant le congédiement. Les parties ont convenu d’une médiation, laquelle a eu lieu le 1er avril 2019. La médiation a été fructueuse en ce sens que les parties ont convenu de régler les griefs selon les modalités énoncées dans le procès verbal de règlement (le « procès verbal »).

Comme pour la plupart des règlements de conflits de travail, le procès verbal contient un libellé indiquant qu’aucune des parties n’admet sa responsabilité ou sa culpabilité. La capacité d’une partie de maintenir ses arguments juridiques sans admettre de responsabilité est l’un des avantages de tels protocoles d’entente. Toutefois, pour qu’une partie puisse parer à toute éventualité de cette façon, il est souvent nécessaire de prévoir également des dispositions de confidentialité très claires.

Le procès verbal en question est clair à cet égard. Il exige des parties qu’elles [TRADUCTION] « respectent strictement la confidentialité des modalités du présent procès verbal, à moins que la loi exige le contraire ou que ce soit pour obtenir des conseils juridiques ou financiers ». Le procès verbal poursuit comme suit:

[TRADUCTION] Si on leur pose la question, les parties indiqueront que les questions en litige ont fait l’objet d’une médiation et ont été réglées. Elles limiteront leurs commentaires à cette déclaration. En d’autres termes, la condition absolue de ce procès verbal est qu’aucune disposition de celui ci ne soit rendue publique.

L’arbitre Kaplan a conclu que, presque immédiatement après la signature du procès verbal, M. Mehta a enfreint les dispositions de non-communication. Tout d’abord, il a publié ce qui suit sur sa page Twitter:

« [TRADUCTION] Ancien professeur blanchi! Défendez la liberté d’expression et la transparence institutionnelle dans les universités. »

L’un des abonnés du compte Twitter de M. Mehta a répondu à ce message en publiant le gazouillis suivant:

« [TRADUCTION] Félicitations, Rick! J’espère que vous avez obtenu une bonne somme d’argent. »

M. Mehta a répondu à ce message comme suit:

« [TRADUCTION] Tout ce que je dirai, c’est que je suis parti avec un grand sourire aux lèvres. »

Le 12 avril 2019, M. Mehta a publié un autre gazouillis:

« [TRADUCTION] Parce qu’on m’a donné raison. En d’autres termes, j’ai quitté l’université à mes conditions, et pas à celles de l’administration ou du syndicat. L’entente de confidentialité que la loi m’obligeait à signer n’est pas destinée à ma protection. »

Dès qu’il a pris connaissance de ces divers gazouillis, l’avocat de l’Association a conseillé à M. Mehta de retirer ses références en ligne au fait qu’il avait été blanchi. M. Mehta a refusé de le faire. Une audience par conférence téléphonique avec l’arbitre a eu lieu le 1er mai 2019 et a donné lieu aux directives suivantes:

[TRADUCTION] Le professeur Mehta doit immédiatement supprimer de son compte Twitter la référence à sa personne en tant que « [a]ncien professeur blanchi! » ainsi que le paragraphe « [o]n m’a donné raison. En d’autres termes, j’ai quitté l’université à mes conditions, et pas à celles de l’administration ou du syndicat. L’entente de confidentialité que la loi m’obligeait à signer n’est pas destinée à ma protection », et il doit s’abstenir d’utiliser ces termes à l’avenir. Autrement dit, il doit se conformer strictement au procès verbal de règlement sur ce qu’il peut et ne peut pas dire au sujet du règlement de cette affaire.

Malgré ces directives, M. Mehta a publié le gazouillis qui suit:

« [TRADUCTION] Les administrateurs universitaires sont impitoyables envers les profs non gauchistes qui exercent leurs droits à la liberté universitaire et à la dissidence. Ils ont aussi de leur côté le droit du travail, qui leur permet de congédier sans motif valable les profs titulaires et de se soustraire au paiement d’une indemnité de départ. »

Et:

« [TRADUCTION] Vous m’avez renvoyé parce que j’ai exercé mes droits à la liberté universitaire et à la dissidence. Maintenant, vous retenez mon indemnité de départ… »

En plus des publications susmentionnées, M. Mehta a également envoyé une lettre au recteur de l’Université Acadia, datée du 8 mai 2019, dans laquelle il menaçait de communiquer le procès verbal aux médias, à moins que certaines conditions ne soient remplies.

Compte tenu de ce qui précède, l’arbitre Kaplan a eu très peu de difficulté à conclure que M. Mehta a contrevenu au procès verbal. Dans sa décision, il a noté que les modalités du procès verbal avaient été examinées attentivement et en détail avec M. Mehta par l’avocat de l’Association, l’avocat de l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université et l’avocat de M. Mehta. En conséquence, [TRADUCTION] « il n’y a aucune ambiguïté dans le procès verbal lui même ni dans la discussion ayant précédé sa signature au sujet des obligations qui en découlent ».

L’arbitre Kaplan a aussi ajouté: [TRADUCTION] « Les règlements en matière de droit du travail sont sacro saints, et étant donné les manquements répétés et continus ainsi que l’absence de toute circonstance ou explication atténuantes, je conclus que l’Université n’est plus tenue de respecter la clause de paiement. »

 

À notre avis

Cette décision peut rappeler à nos lecteurs deux décisions arbitrales rendues en 2013. Dans les arrêts Barrie Police Services Board and Barrie Police Association (août 2013) et Globe and Mail v. CEPUC (Breach of Memorandum of Grievance) (juillet 2013), les employés ont reçu l’ordre de rembourser les montants du règlement après avoir manqué aux obligations de confidentialité prévues dans leurs protocoles d’entente respectifs (voir l’article Les arbitres imposent de lourdes conséquences à celui qui contrevient à la clause de confidentialité d’un protocole d’entente).

Bien que de telles conséquences puissent, à première vue, sembler onéreuses, elles ont plusieurs justifications valables. Par exemple, si les paiements de règlement sont rendus publics, ils peuvent avoir pour effet de créer des précédents à l’égard d’autres griefs, y compris ceux qui ne sont pas fondés, ainsi que de les encourager. La jurisprudence arbitrale montre bien que la déclaration de l’arbitre Kaplan selon laquelle les règlements en matière de droit du travail sont « sacro saints » n’est pas exagérée.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec André Champagne au 613 940 2735.

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