L’interdiction du cumul pyramidal ne s’applique pas lorsque les primes ont des objets différents

Souvent, les employeurs versent des primes de quart à titre de rémunération additionnelle aux employés qui effectuent des quarts de fin de semaine, de soir ou de nuit. Pour les milieux de travail syndiqués, les conventions collectives interdisent souvent le versement de deux primes ou plus pour la même période de travail en vertu de différents articles de la convention, dans la mesure où la rémunération vise le même objet (ce qu’on appelle le « cumul pyramidal »). Si une convention collective ne traite pas de la question, la présomption d’interdiction du cumul pyramidal en vertu de la common law s’applique, de sorte que seule la prime la plus élevée est versée.

Dans la décision qu’elle a récemment rendue dans Winnipeg Airports Authority Inc. c. Public Service Alliance of Canada et al. (octobre 2015), la Cour d’appel du Manitoba a examiné le droit des employés de recevoir à la fois la prime de quart et la prime de fin de semaine pour avoir travaillé le soir ou la nuit lors d’une fin de semaine. La question a été soulevée malgré le fait que la convention collective interdisait expressément le cumul pyramidal. Les dispositions pertinentes de la convention collective se lisaient comme suit :

[traduction]
Prime de quart
21.01 L’employé qui travaille par quart reçoit une prime de quart pour toutes heures travaillées, y compris les heures supplémentaires, entre 16 h 00 et 8 h 00, dans la mesure où la majorité des heures de travail régulières de l’employé tombent après 16 h 00 et avant 8 h 00. La prime de quart n’est pas payée pour les heures travaillées entre 8 h 00 et 16 h 00. […]

Prime de fin de semaine
21.03 À compter du 3 octobre 2008, les employés reçoivent une prime additionnelle de un dollar et cinquante cents (1,50 $) par heure pour les heures de travail régulières le samedi ou le dimanche. […]

22.13 Les parties conviennent qu’il n’y aura pas de cumul pyramidal des primes en vertu de la présente convention.

À l’arbitrage, l’arbitre a conclu que les deux primes avaient différents objets, de sorte que les employés avaient droit aux deux primes lorsqu’ils effectuaient un quart de soir ou de nuit la fin de semaine. En contrôle judiciaire, la décision de l’arbitre a été jugée déraisonnable du fait que la convention collective interdisait expressément le cumul pyramidal.

La Cour d’appel du Manitoba a cependant rétabli la sentence arbitrale. La Cour d’appel a souligné qu’étant donné que l’arbitre a conclu que le versement des deux primes visait différents objets et que la juge saisie de la requête estimait que cette conclusion était raisonnable, cela aurait dû mettre un terme à l’analyse de la juge. Toutefois, la juge saisie de la requête a commis une erreur lorsqu’elle a ensuite conclu que la décision de l’arbitre était déraisonnable au motif qu’elle dépouillait de tout sens la disposition interdisant le cumul pyramidal. Même si la convention collective interdisait vraiment le cumul pyramidal, la Cour d’appel a souligné que le cumul pyramidal se produit seulement [traduction] « lorsqu’un paiement rémunère l’employé plus d’une fois pour le même objet et pour la même période travaillée ». La Cour d’appel a ajouté qu’il n’y avait pas de consensus au sein de la jurisprudence arbitrale sur la question de savoir si une prime de quart et une prime de fin de semaine visent le même objet ou différents objets dans le cadre de l’analyse de la question du cumul pyramidal. La Cour d’appel a déterminé que la conclusion générale de l’arbitre, selon laquelle le versement des deux primes pour les mêmes heures de travail ne serait pas contraire à la disposition interdisant le cumul pyramidal de la convention collective, faisait partie du cadre  des issues possibles acceptables en fait et en droit, et était donc raisonnable.

Cette décision fait ressortir le fait qu’une interdiction générale du cumul pyramidal prévue par une convention collective (et même la présomption d’interdiction du cumul pyramidal en common law) ne s’appliquera peut-être pas lorsque les objets des deux primes sont néanmoins susceptibles d’interprétation. Pour garantir qu’une seule prime est versée, le libellé de la disposition doit le prévoir clairement.

Si vous voulez davantage d’information, veuillez communiquer avec Steven Williams au 613-940-2737.

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