« Tenir le loup par l’oreille » : l’employé congédié doit payer les dépens de l’employeur

D’apres une décision récente, l’employeur défendeur dans une action pour congédiement injustifié pourrait recouvrer une partie importante de ses frais de justice aupres de l’employé demandeur. Dans l’affaire Mesgarlou v. 3XS Entreprises Inc. (2 janvier 2003), il s’agissait de décider des dépens liquidés d’une affaire dont AU POINT a déja traité (voir « La Cour supérieure maintient la clause qui limite au minimum prévu par la Loi sur les normes d’emploi les dommages-intérets en cas de congédiement injustifié » sous la rubrique « Nouveautés »).

Nos lecteurs se rappelleront que dans l’affaire Mesgarlou, l’employé avait poursuivi pour obtenir les dommages-intérets d’un préavis raisonnable en vertu de la common law, mais qu’en raison du libellé du contrat de travail, le tribunal avait limité le préavis a une semaine, le minimum garanti par la Loi sur les normes d’emploi. Cela représentait pour le demandeur, M. Mesgarlou, une somme de 2 477$, montant qui ne justifiait pas l’action devant les tribunaux.

Les parties ne pouvant s’entendre sur la répartition des dépens, elles se sont adressées au tribunal pour qu’il tranche la question. L’employeur prétendait que M. Mesgarlou devait payer une part importante de ses frais de justice, invoquant a l’appui le fait qu’il avait fait deux offres de transaction avant le proces pour des sommes assez considérables – l’une de 30 000$, l’autre de 22 123 $. M. Mesgarlou avait rejeté les deux offres, et refusé de faire une contre-offre, ce qui avait eu pour conséquence un proces de quatre jours, a l’issue duquel il n’avait obtenu qu’une fraction modeste de l’offre inférieure.

FRAIS DE JUSTICE DE 33 500$ : « PAS DÉRAISONNABLES »

L’employeur a présenté la preuve qu’il avait reçu une facture de frais de justice de

33 500$, dont 23 000$ étaient liés a des services et déboursés postérieurs a la premiere offre de transaction. Le demandeur a contesté ces chiffres, qu’il prétendait gonflés, mais le tribunal a fait remarquer que puisque l’employeur se défendait contre une demande d’une valeur de pres de 200 000$, plus une somme non-spécifiée de dommages-intérets majorés, les frais de 33 500$ n’étaient pas déraisonnables.

M. Mesgarlou a également soutenu qu’il serait inéquitable de lui imputer les frais de justice de l’employeur, puisqu’il avait été congédié sans motif valable apres un an de services essentiellement productifs et qu’il lui restait a payer ses propres frais de justice, d’un montant considérable. Le tribunal n’était pas insensible au triste sort de M. Mesgarlou, mais il a quand meme donné raison a l’employeur, citant a l’appui un dicton anglais sur les risques d’engager une poursuite judiciaire : [TRADUCTION] « Celui qui s’adresse au tribunal tient le loup par l’oreille ».

    [TRADUCTION] « M. Mesgarlou a poursuivi jusqu’au jugement une action en bonne partie vaine qui a entraîné quatre jours de proces, et ce malgré des offres de transaction successives dans les semaines qui ont précédé le proces qui l’auraient laissé en bien meilleure posture et qui auraient permis d’éviter les dépenses importantes qui sont maintenant facturées. On accorde les dépens dans les actions civiles afin de compenser la partie qui a gain de cause pour une partie de ses frais de justice. Vu les résultats au proces et les offres de transaction, il ne fait aucun doute que le défendeur est la partie gagnante. La compensation peut etre accrue lorsqu’il ressort des faits que la partie perdante a procédé a l’instruction malgré une offre de transaction faite de bonne foi qui finalement aurait été a son avantage. »

Le tribunal s’est donc fondé sur ces principes pour accorder a l’employeur des dépens de 22 750$, répartis comme suit : 3 000$ pour la période allant jusqu’a la premiere offre,

19 000$ pour la période entre l’offre de transaction et la fin du proces, et 750$ pour l’audition des arguments sur les dépens liquidés.

Notre point de vue

Bien que cette décision soit ultimement favorable a l’employeur, il convient de souligner que les principes énoncés par le tribunal pourraient également s’appliquer au détriment d’un employeur. Si l’employé obtient gain de cause au proces apres avoir fait une offre de reglement a l’employeur qui fut refusée, l’employeur devra assumer une part plus importante des frais juridiques parce qu’il aurait été a son avantage d’accepter l’offre de l’employé. Par conséquent, si cette décision peut rassurer dans une certaine mesure les employeurs qui doivent se défendre contre une réclamation d’un employé, elle sert aussi de rappel qu’il peut etre dangereux d’aller a proces lorsque l’issue est incertaine et que l’autre partie a fait une offre de transaction.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Jock Climie, qui a plaidé la cause, au (613) 940-2742.

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