Le juge infirme la décision du jury sur les dommages-intérêts punitifs

Un tribunal de l’Ontario a récemment maintenu le licenciement d’un employé et a limité le montant du préavis à ce qui était prévu dans son contrat de travail. En outre, le juge a infirmé la décision du jury d’accorder 60 000 $ en dommages-intérêts punitifs.

Dans l’affaire Ilie c. S210 Technologies Corp. (12 novembre 2003), Adrian Ilie, un ingénieur électrique, a été mis à pied après dix mois d’emploi. On lui a versé deux semaines de salaire en guise de préavis, aux termes de la disposition suivante :

    « [TRADUCTION]
    S210 se réserve le droit de mettre fin à votre emploi à tout moment en vous fournissant (i) 2 semaines de préavis écrit (ou le minimum requis par la Loi sur les normes d’emploi (Ontario)), ou le salaire équivalent au lieu du préavis, calculé selon les exigences de la Loi sur les normes d’emploi (Ontario); plus (ii) tout autre montant ou indemnité qui vous est dû, limité au minimum prévu par la Loi sur les normes d’emploi (Ontario). »

DISPOSITION EXÉCUTABLE

M. Ilie a soutenu que la disposition était inexécutable parce qu’elle était ambiguë et que, par conséquent, il avait droit au préavis raisonnable en vertu des règles de la common law. Le juge a déclaré que même si la disposition manquait de clarté, elle ne contrevenait pas à la Loi sur les normes d’emploi mais s’appuyait plutôt sur la loi pour établir le montant minimum auquel il avait droit.

Le juge a rejeté l’argument de M. Ilie que le contrat de travail était abusif et donc nul. Le juge a souligné que l’industrie de la haute technologie était volatile, et que l’employeur dépendait fortement de mises de fonds de capital-risque. Vu les problèmes de financement de l’employeur, il était raisonnable qu’il tente de contrôler son passif en licenciant des employés. Le tribunal a donc jugé qu’il n’y avait pas inégalité de pouvoir entre l’employé et l’employeur au point de rendre le contrat inexécutable.

DOMMAGES-INTÉRÊTS : NI PUNITIFS, NI EN VERTU DE L’ARRÊT WALLACE

L’affaire était scindée en deux; le juge décidait des questions relatives au contrat et au préavis raisonnable, et un jury évaluait la demande en dommages-intérêts. Malgré sa décision de considérer le contrat comme exécutable, le juge a examiné quels auraient été les dommages de M. Ilie si le contrat avait été inexécutable. Il a jugé qu’en écartant des dommages-intérêts en vertu de l’arrêt Wallace (voir « « Équitablement, raisonnablement et décemment » : la Cour suprême juge que les employeurs doivent traiter avec bonne foi les employés qu’ils congédient » sous la rubrique « Publications ») ou les dommages-intérêts punitifs, la période de préavis de M. Ilie en vertu de la common law aurait été de dix semaines.

La réclamation de M. Ilie relative à des dommages-intérêts de type Wallace et des dommages-intérêts punitifs se fondait sur la façon dont il avait été licencié. Le licenciement avait suivi immédiatement une chirurgie mineure que M. Ilie avait subi pour faire enlever des varices. La version de l’employeur différait sensiblement de celle de M. Ilie. Celui-ci a déclaré qu’il avait reçu un appel brusque et colérique de son employeur le lendemain de l’opération, l’informant qu’il devait rencontrer l’employeur tôt le jour suivant. L’employeur a nié qu’il avait obligé M. Ilie à se présenter au bureau, et a déclaré que le but de l’appel était d’assurer que M. Ilie appellerait avant de se présenter au travail, pour qu’on puisse le rencontrer en-dehors du lieu de travail. Le juge a accepté la version de l’employeur :

    « [TRADUCTION]
    À mon avis, [l’employeur] a fait tout en son pouvoir pour réaliser le licenciement sans créer de problème ou de gêne pour [M. Ilie]. Comme on le dit souvent, il n’y a pas de moyen facile de licencier un employé. … L’appel à la maison le lendemain de l’opération était peut-être un peu malheureux, mais à mon avis, cela ne suffit pas à justifier une prolongation du préavis au sens de l’arrêt Wallace. … En l’espèce, il n’y a pas eu congédiement pour motif valable. Il n’y a pas eu de fausses allégations. On a tenté de licencier M. Ilie en le rencontrant en-dehors du lieu de travail. Ce n’était peut-être pas le moment idéal pour mettre fin à son emploi, mais il n’y a pas eu d’intention malveillante ni de mépris flagrant à l’égard de l’employé. »

Avant que le juge ne rende sa décision à l’encontre des dommages-intérêts de type Wallace, le jury, à partir de la même preuve, avait accordé 60 000$ à M. Ilie en dommages-intérêts punitifs – 40 000$ de plus que ce que M. Ilie lui-même réclamait. L’avocat de l’employeur avait plaidé que même si le jury tenait pour vrai tous les faits allégués par M. Ilie, rien ne pouvait justifier des dommages-intérêts punitifs. Dans ses motifs écrits, le juge a exprimé son accord avec cet argument, et a fait remarquer que pour obtenir des dommages–intérêts punitifs en matière contractuelle, il fallait prouver « une faute donnant elle-même ouverture à un droit d’action », ce qui n’avait pas été le cas en l’espèce.

Par contraste, le juge a signalé un arrêt de 2002 de la Cour suprême du Canada, Whiten c. Pilot Insurance Company, où la Cour suprême a jugé qu’on pouvait accorder des dommages-intérêts punitifs dans des situations exceptionnelles d’inexécution de contrat. L’affaire Whiten mettait en cause le comportement particulièrement abusif et d’extrême mauvaise foi d’un assureur à l’endroit d’une famille dont la résidence avait été détruite par un incendie. Après avoir versé à la famille pendant six mois le montant du loyer d’un petit chalet hiverisé, l’assureur a mis fin à l’indemnité, alléguant que l’incendie était d’origine criminelle, contrairement à l’avis du chef des pompiers de l’endroit et celui de son propre enquêteur expert. Le demandeur dans l’affaire Whiten a dépensé 320 000$ pour une réclamation de 345 000$. On a jugé que le montant de 1 000 000$ accordé par le jury était justifié dans les circonstances.

Dans sa conclusion sur l’erreur commise par le jury d’accorder des dommages-intérêts punitifs, le juge Chadwick écrit :

    « [TRADUCTION]
    Malgré le fait que le jury dans cette affaire connaissait les faits dans l’arrêt Whiten, savait que les dommages-intérêts punitifs sont l’exception à la règle et savait d’après l’arrêt Whiten ce qu’il faut conclure avant d’accorder des dommages-intérêts punitifs, il a quand même accordé des dommages-intérêts punitifs. Même si le jury accepte tous les faits allégués par M. Ilie, ce qui serait nécessaire pour en arriver à cette conclusion, à mon avis il n’y a pas de faits sur lesquels un jury bien instruit puisse fonder une conclusion de dommages–intérêts punitifs. »

Notre point de vue

Il convient de souligner qu’outre la faute ouvrant droit à une poursuite comme préalable aux dommages-intérêts-punitifs dans une affaire contractuelle, les tribunaux ont déclaré que la conduite doit être dure, vindicative, répréhensible et malveillante. (Pour voir un exemple de congédiement abusif donnant lieu a des dommages-intérêts exemplaires, voir «  Employé de longue durée, contrats à court terme : préavis exemplaire et dommages punitifs » sous la rubrique « Publications »).

Pour de plus amples renseignements, prière de communiquer avec Jock Climie, qui a plaidé l’affaire Ilie, au (613) 940-2742.

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