Le gouvernement Harper dépose la Loi fédérale sur l’imputabilité

Le 11 avril 2006, le gouvernement conservateur du premier ministre Stephen Harper a déposé le projet de loi C-2, la Loi fédérale sur l’imputabilité, un projet de loi omnibus qui modifie des douzaines de lois fédérales, édicte deux nouvelles lois, et a pour but déclaré de rendre le gouvernement plus transparent. Nous présentons ici un bref aperçu de quelques points saillants du projet de loi.

ACCES A L’INFORMATION

Le projet de loi étend la portée de la Loi sur l’acces a l’information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels afin d’y ajouter cinq hauts fonctionnaires, sept sociétés d’État et trois fondations, y compris Radio-Canada, Postes Canada, Via Rail, Énergie atomique du Canada, le vérificateur général et le directeur général des élections. De nouvelles exclusions sont ajoutées, et certaines exclusions actuelles sont modifiées pour donner suite a la nouvelle portée de la Loi. Les responsables d’institutions fédérales auront l’obligation de répondre aux demandes d’acces a l’information sans égard a l’identité de la personne qui fait la demande. Le projet de loi précise qu’une plainte relative a une décision en matiere d’acces doit etre logée dans les 60 jours de la décision ou du moment ou la personne se rend compte qu’il existe un motif de plainte. Les modifications permettent également une augmentation du nombre d’enqueteurs que le commissaire a l’information peut désigner pour examiner des dossiers ayant trait a la défense et a la sécurité nationale.

PROTECTION DES DÉNONCIATEURS

Le projet de loi modifie la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, qui avait été critiquée comme étant insuffisante pour protéger les fonctionnaires fédéraux (voir « La loi fédérale sur les dénonciateurs reçoit la sanction royale » sous la rubrique Nouveautés). Le projet de loi propose l’établissement du Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, qui aurait le pouvoir de remédier aux mesures de représailles prises contre des dénonciateurs et d’ordonner des mesures disciplinaires contre les responsables des représailles.

Le commissaire a l’intégrité du secteur public deviendrait mandataire du parlement et ferait rapport au parlement au plus tard 60 jours apres avoir conclu a un acte répréhensible. Le commissaire pourrait offrir aux personnes qui envisagent divulguer des actes répréhensibles la possibilité d’obtenir des conseils juridiques. Il serait également autorisé a octroyer des récompenses allant jusqu’a 1000 $ aux personnes qui ont fait preuve de courage dans la défense de l’intéret public en signalant des actes répréhensibles.

Le projet de loi comprend des dispositions pour protéger des personnes autres que des fonctionnaires qui divulguent des actes répréhensibles commis par le gouvernement. Ainsi, il serait interdit au gouvernement de mettre fin a un contrat avec un entrepreneur qui a divulgué des renseignements relatifs a des actes répréhensibles allégués, ou de refuser une subvention pour le meme motif. Le projet de loi prévoit également des amendes jusqu’a concurrence de 10 000 $, ou deux ans d’emprisonnement, ou les deux, pour les personnes qui genent sciemment l’enquete sur des actes répréhensibles.

SURVEILLANCE ET IMPUTABILITÉ ADMINISTRATIVES

La Loi sur la gestion des finances publiques est modifiée afin de désigner certains fonctionnaires comme administrateurs des comptes, qui seraient redevable au comité pertinent du parlement pour répondre aux questions qui ont trait a leurs responsabilités, notamment :

  • les mesures prises pour organiser les ressources du ministere de façon a offrir les programmes conformément aux politiques et procédures du gouvernement;
  • les mesures prises pour assurer des systemes efficaces de contrôle interne au sein du ministere;
  • la signature des comptes ministériels;
  • l’exécution d’autres tâches précises attribuées par la loi et relatives a l’administration du ministere.

Le projet de loi établit également un régime de résolution des différends entre le ministre et le sous-ministre quant a l’interprétation ou l’application de politiques émanant du Conseil du Trésor. Celui-ci serait tenu de fournir une copie de sa décision dans le différend au vérificateur général.

Le projet de loi propose de modifier la Loi sur la gestion des finances publiques et le Code criminel afin de créer une infraction de fraude a l’égard des fonds publics et des fonds appartenant aux sociétés d’État; les personnes déclarées coupables de cette infraction seraient inhabiles a occuper un poste relevant de l’État ou d’une société d’État et a contracter avec la Couronne. Les sanctions comprennent une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans pour une fraude de 5000 $ ou moins, et jusqu’a 14 ans d’emprisonnement pour les fraudes de plus de 5000 $. La condamnation pour fraude a l’égard de fonds publics entraînerait le congédiement automatique du fonctionnaire condamné.

La Loi sur la gestion des finances publiques, la Loi sur Financement agricole Canada et la Loi sur l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public exigeraient la constitution d’un comité de vérification dont les membres ne sont ni dirigeants ni employés de la société d’État. Les lois régissant plusieurs entités fédérales, notamment la Commission de la capitale nationale, comporteraient des dispositions selon lesquelles une meme personne ne peut cumuler les postes de président du conseil d’administration et de premier dirigeant de l’entité.

SUBVENTIONS GOUVERNEMENTALES ET POUVOIRS DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

Les pouvoirs du vérificateur général en matiere de subventions gouvernementales seraient élargis. Il aurait désormais le pouvoir de faire enquete sur l’utilisation par les bénéficiaires des fonds provenant du gouvernement fédéral, de ses organismes et des sociétés d’État. Les accords de financement comprendraient obligatoirement des dispositions permettant au vérificateur général de contrôler l’utilisation des fonds par le bénéficiaire, notamment :

  • l’obligation des bénéficiaires de tenir des registres sur le financement reçu;
  • le droit du vérificateur général de faire enquete sur l’utilisation des fonds;
  • l’obligation pour les bénéficiaires de fournir sur demande des renseignements et des registres au vérificateur général.

En outre, chaque ministere aurait l’obligation d’examiner, a tous les cinq ans, la pertinence et l’efficacité des programmes subventionnaires dont il est responsable. Le cabinet aurait le pouvoir d’adopter des reglements qui établissent que les accords de financement sont réputés comprendre des dispositions qui permettent au vérificateur général de faire enquete sur les fonds accordés en vertu de l’accord.

APPROVISIONNEMENT

Le projet de loi modifie la Loi sur le ministere des Travaux publics et des Services gouvernementaux afin de créer le poste de vérificateur de l’approvisionnement, chargé d’examiner les pratiques d’approvisionnement a l’échelle du gouvernement et de faire des recommandations pour améliorer ces pratiques. Le vérificateur de l’approvisionnement assumerait également les tâches suivantes :

  • examiner les plaintes des fournisseurs potentiels qui n’ont pas obtenu de contrat, et si la plainte est fondée, faire des recommandations pour que le soumissionnaire soit remboursé pour le prix de préparation de la soumission et la perte de profit, jusqu’a concurrence de dix pour cent de la valeur du contrat;
  • examiner les plaintes sur l’administration des contrats;
  • administrer un programme de résolution des différends relatifs aux contrats;
  • remettre un rapport annuel sur les activités et résultats, qui serait déposé au parlement.

La Loi sur la gestion des finances publiques serait modifiée afin de prévoir l’engagement du gouvernement de promouvoir l’équité, l’ouverture et la transparence du processus d’appel d’offres. Le cabinet aurait le pouvoir d’adopter des reglements qui établissent que les contrats du gouvernement sont réputés interdire le paiement d’honoraires conditionnels, la corruption et la collusion dans le processus d’appel d’offres, et qui visent des déclarations par les soumissionnaires relativement a certaines infractions criminelles.

CONTRÔLE DU LOBBYING

La Loi sur l’enregistrement des lobbyistes deviendrait la Loi sur le lobbying, et créerait le poste du commissaire au lobbying qui remplacerait l’actuel directeur de l’enregistrement. Le commissaire aurait davantage de pouvoirs d’enquete, et la période pendant laquelle une contravention peut faire l’objet d’une enquete et d’une poursuite passerait de deux a dix ans. Les sanctions seraient accrues. Le commissaire pourrait interdire a quiconque a enfreint la loi de faire du lobbying pour une période allant jusqu’a deux ans, et interdire a certains titulaires de charge publique (ministres, employés des cabinets de ministre et hauts fonctionnaires) d’agir a titre de lobbyistes pendant cinq ans apres avoir quitté leur poste. Les lobbyistes seraient tenus de noter leurs contacts avec des hauts fonctionnaires, tels que les rencontres ou les appels téléphoniques. Il y aurait également une interdiction contre tout paiement ou autre avantage conditionnel qui dépend des résultats du lobbying.

Notre point de vue

La partie du projet de loi qui s’est méritée le plus de critiques jusqu’a présent est celle qui porte sur la Loi sur l’acces a l’information. Plus particulierement, le commissaire a l’information a critiqué les nouvelles exclusions qui se sont ajoutées, et a souligné que huit de ces exclusions n’exigent pas que l’administration explique pourquoi les dossiers ne devraient pas etre divulgués et ne prévoient aucune dérogation liée a l’intéret public. De plus, le gouvernement n’a pas inclus les recommandations du commissaire pour la réforme de la Loi, choisissant plutôt d’inclure ces recommandations dans un ensemble séparé de mesures législatives qui seront déposées plus tard. Ces recommandations comprenaient la possibilité pour le commissaire d’examiner les dossiers du cabinet, l’obligation pour les fonctionnaires de documenter leurs décisions, et l’assurance que toute exclusion de l’obligation de divulguer du gouvernement serait justifiée uniquement en raison du préjudice causé par la divulgation, et non grâce a des exclusions générales.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec André Champagne au (613) 940-2735.

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