Contribution-santé de l’Ontario : conséquences pour l’employeur

La contribution-santé de l’Ontario (CSO) que le gouvernement de l’Ontario a introduit dans le budget provincial de 2004 signifie une déduction additionnelle de leur chèque de paye se situant entre 150$ et 450$ pour les Ontariens qui gagnent plus de 20 000$ par année. En 2005, la déduction se situera entre 300$ et 900$. La reprise d’une redevance pour les soins de santé soulève la question de la contribution des employeurs syndiqués dont la convention collective prévoit qu’ils doivent verser les primes de soins de santé des employés – devront-ils assumer le coût de la CSO?

La question se pose parce qu’avant 1990, les Ontariens devaient payer une prime santé. Nombre des conventions collectives négociées avant 1989 comprenaient des clauses qui obligeaient l’employeur à payer les primes. Le gouvernement provincial a éliminé les dispositions sur les primes de soins de santé de la Loi sur l’assurance-santé pour adopter la Loi sur l’impôt-santé des employeurs, en vertu de laquelle les employeurs dont la masse salariale dépassait 400 000 $ devaient verser 1,95 pour cent au système des soins de santé.

Malgré ce changement, certaines conventions collectives ont gardé l’ancien libellé, surtout parce que les syndicats ne voulaient pas éliminer cet avantage, tandis que les employeurs n’avaient pas d’objection à garder cette disposition. L’introduction de la CSO a donc ranimé la question dans les lieux de travail où la clause n’a pas été éliminée, et certains syndicats ont déposé des griefs pour exiger de l’employeur qu’il paie le coût de la nouvelle CSO. Puisque l’impôt-santé des employeurs n’a pas été abrogé par la loi qui met en oeuvre la CSO, certains employeurs auraient à assumer un double fardeau pour le financement des soins de santé.

Quatre décisions arbitrales ont traité de la question récemment. Le syndicat n’a obtenu gain de cause que dans une seule affaire, Lapointe Fisher Nursing Home v. United Food and Commercial Workers Union, Local 175/633 (6 octobre 2004).

LAPOINTE FISHER NURSING HOME

Dans l’affaire Lapointe Fisher, la disposition de la convention collective sur laquelle le syndicat fondait son grief se lisait comme suit :

    « [TRADUCTION] 24.01  (a) L’Employeur convient de payer 100% des primes d’assurance-santé pour tous les employés à temps complet qui travaillent régulièrement et de façon permanente soixante-quinze (75) heures dans une quinzaine.

    (b) L’Employeur convient de payer 50% des primes d’assurance-santé pour tous les employés qui travaillent de façon permanente plus de quarante-huit (48) heures mais moins de soixante-quinze (75) heures dans une quinzaine. L’employé paie 50% des primes d’assurance-santé par une déduction à la source.

    (c) Pour être admissible à l’avantage prévu à (a) ou (b), l’employé doit être le principal gagne-pain de sa famille. »

L’employeur refusait de payer la contribution-santé; il soutenait que la nouvelle redevance était en fait un impôt, et non une prime, parce que

  • la contribution-santé n’a pas été introduite par voie d’une modification à la Loi sur l’assurance-santé, la loi habilitante pour les anciennes primes, mais par le biais de modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu de l’Ontario;
  • elle est évaluée en fonction du revenu imposable global, peu importe la source du revenu; et
  • l’employeur ne peut connaître le revenu imposable total de ses employés, dont certains travaillent également ailleurs.

Le syndicat a soutenu que la contribution-santé est effectivement une prime. Selon le syndicat, le fait que la contribution-santé soit perçue par le régime fiscal ne signifie pas qu’elle n’est pas une prime, et toute prime de santé versée au gouvernement peut être considérée comme une forme d’imposition.

Le syndicat a également signalé certaines sentences arbitrales portant sur l’introduction du système d’impôt-santé de l’employeur en 1989. Dans une de ces affaires, le syndicat avait cherché à faire reconnaître une disposition qui exigeait une réaffectation négociée des sommes en jeu si l’assurance-santé cessait d’être financée par des contributions versées directement par ou pour les employés. Le syndicat avait soutenu que le nouvel impôt prélevé de l’employeur ne pouvait être interprété comme étant une contribution versée pour les employés. L’arbitre a rejeté l’argument du syndicat, pour le motif qu’il importait peu que les montants qui devaient être payés pour l’assurance-santé provinciale soient recueillis par voie de primes ou d’impôts. Ce qui importait était l’usage auquel le gouvernement destinait l’argent. Dans ce cas, l’impôt-santé de l’employeur servait exclusivement à recueillir des fonds pour les soins de santé.

Dans l’affaire Lapointe Fisher, l’arbitre a donné raison au syndicat. Elle a d’abord souligné que la Loi sur l’impôt-santé des employeurs, qui avait remplacé le système des primes d’assurance-santé des employés en 1989, avait pour objet de réviser, et non d’éliminer, le système de paiements de primes. Il était donc possible d’envisager des révisions ultérieures, ce qui expliquait pourquoi la clause sur les primes était demeurée dans la convention collective.

La Loi sur l’impôt-santé des employeurs avait éliminé les dispositions sur les primes de la Loi sur l’assurance-santé, mais cette dernière régissait toujours la façon d’assurer les résidents de l’Ontario contre les coûts des services médicaux :

    « [TRADUCTION] La Loi sur l’assurance-santé crée un régime d’assurance. Au début, les primes étaient payées par les particuliers mais, en 1990, cette exigence a été « révisée » pour que la prime soit payée par un impôt-santé versé par l’employeur. En 2004, les exigences ont été à nouveau « révisées » de façon à rendre les primes payables à la fois par l’impôt-santé de l’employeur et les contributions de particuliers résidant en Ontario. Il s’agit toujours, d’après moi, d’un régime d’assurance et le régime paie toujours les services assurés en Ontario. La nouvelle prime sert exclusivement aux fins du régime et doit être comptabilisée sur une base annuelle. Elle paie des services assurés pour les personnes assurées. »

Il n’est pas nécessaire d’élargir le libellé de l’article 24.01, de dire l’arbitre, pour considérer que la nouvelle contribution demeure une prime d’assurance-santé. Le fait qu’elle est recueillie dans le cadre du régime fiscal ne la prive pas de son caractère de prime; et l’employeur n’a cité aucune jurisprudence pour étayer l’argument qu’un impôt ne peut pas également être une prime pour un service particulier. L’important, c’est que la CSO soit utilisée pour financer les coûts des sois de santé, et non qu’elle soit prélevée dans le cadre du régime fiscal.

En outre, d’ajouter l’arbitre, la difficulté pour l’employeur de calculer le montant dû par les employés en fonction de leur revenu global n’écarte pas son obligation en vertu de l’article 24.01. Malgré le changement dans le régime de financement du système d’assurance-santé, le marché conclu par les deux parties doit durer un certain temps avant que l’une ou l’autre partie puisse exiger sa renégociation.

Par conséquent, l’arbitre a jugé que l’employeur avait enfreint l’article 24.01 en ne payant pas la contribution-santé des employés.

JAZZ AIR INC.

Dans l’affaire Jazz Air Inc. v. Air Line Pilots Association, International (27 septembre 2004), l’arbitre a jugé qu’une référence aux primes dans la convention collective ne visait pas la contribution-santé. Tout en soulignant qu’un impôt n’est pas une prime en langage ordinaire, l’arbitre ne s’est pas fondé sur la distinction entre impôt et prime, mais plutôt sur des « [TRADUCTION] considérations relatives à la négociation collective ».

Premièrement, écrit-il, lorsque les dispositions pertinentes ont été négociées, les parties n’envisageaient pas un impôt de type contribution-santé. Elles envisageaient plutôt les primes que payaient auparavant les particuliers et qui ont été remplacées par l’impôt-santé payé par l’employeur.

En outre, la contribution-santé varie selon le revenu, d’ajouter l’arbitre, et jamais un employeur n’accepterait de payer un impôt établi à partir d’un revenu gagné en-dehors de l’emploi.

Enfin, a déclaré l’arbitre, les avantages sociaux sont toujours négociés et identifiés de façon précise. En l’espèce, la contribution-santé n’était pas identifiée comme avantage social dans la convention collective.

GOODYEAR CANADA INC.

Dans l’affaire Goodyear Canada Inc. v. United Steelworkers of America, Local 834L (1er novembre 2004), il s’agissait d’interpréter la disposition suivante :

    « [TRADUCTION] 5(a) La Compagnie convient de payer la totalité de la prime mensuelle à la Régie de l’assurance-maladie de l’Ontario pour chaque employé admissible à recevoir cet avantage de l’Employeur de façon à donner droit à l’employé, et les personnes à sa charge, le cas échéant, aux avantages assurés par la le Régime d’assurance-maladie de l’Ontario en vigueur le 27 avril 2002. »

En outre, le passage suivant d’une lettre adressée par l’employeur au syndicat a été jugé pertinent :

    « [TRADUCTION] La présente confirme l’engagement pris par la Compagnie lors des récentes négociations.

La Compagnie entend payer le taux actuel ou la cotisation du Régime d’assurance-maladie de l’Ontario ainsi que toute augmentation éventuelle qui pourrait être mise en oeuvre pendant la durée de la Convention. »

Les deux parties ont convenu à l’arbitrage que l’employeur continuait d’être obligé de payer l’impôt-santé, et que le non-paiement de la contribution-santé par une personne n’avait aucun effet sur son accès aux soins de santé assurés par le Régime d’assurance-maladie. Le litige était centré sur la question de savoir si la contribution-santé devrait être considérée comme un impôt ou une prime.

L’arbitre a rejeté le grief du syndicat et a souligné que l’entente prévoyait que l’employeur devait payer uniquement la prime qui donnait droit à l’employé d’avoir accès aux soins de santé. En l’espèce, la loi qui mettait en oeuvre la contribution-santé n’établissait aucun lien entre le paiement de la contribution-santé et le droit aux soins de santé.

Le libellé de la lettre où la compagnie déclarait son intention de « payer … toute augmentation éventuelle [de la cotisation du Régime d’assurance-maladie de l’Ontario] qui pourrait être mise en oeuvre pendant la durée de la Convention » ne jouait pas non plus en faveur du syndicat. L’arbitre a jugé que toute entente de payer une augmentation éventuelle devait être interprétée à la lumière de la disposition dans la convention qui prévoyait que l’employeur payait uniquement la prime nécessaire pour donner droit à l’employé aux avantages de la Régie d’assurance-maladie. L’arbitre n’a donc pas accepté que la contribution-santé était une augmentation aux fins du Régime d’assurance-maladie.

CONSEIL DE LA RÉMUNÉRATION ET DES NOMINATIONS DANS LES COLLÈGES

Dans l’affaire College Compensation and Appointments Council v. Ontario Public Service and Employees Union (29 octobre 2004), la disposition en cause se lisait comme suit :

    « Objet : Régime de l’assurance-santé de l’Ontario

    Les parties reconnaissent que le mode de financement de l’assurance-santé de l’Ontario a été modifié pour passer d’un régime dont les primes sont payées par les personnes assurées à un régime financé par une taxe imposée à l’employeur en fonction de la masse salariale.

    Si le gouvernement revient dans l’avenir à un régime d’assurance-santé financé par des primes payées par les personnes assurées, les parties conviennent que les collèges devront reprendre le paiement à 100 pour cent des primes facturées aux employées et employés. »

Après avoir déterminé que la loi avait pour objet de mettre en oeuvre un impôt, et non une prime, l’arbitre s’est ensuite penché sur le libellé de la convention collective. Il s’est dit en accord avec l’arbitre dans la décision Jazz Air, à l’effet que la contribution-santé ne pouvait avoir été envisagée par les parties qui avaient négocié ce libellé, parce que la loi qui avait créé la contribution-santé n’avait rien changé au système d’impôt-santé, mais avait plutôt ajouté une nouvelle charge. Après avoir fait remarqué que le deuxième paragraphe parlait de « revenir » à un système financé personnellement par les assurés et de « reprendre » le paiement des primes facturées, l’arbitre a conclu :

    « [TRADUCTION] Le gouvernement n’a pas ramené le système d’imposition à son ancienne forme, parce que la pratique actuelle, soit l’impôt sur la masse salariale, continue d’exister. Il n’y a pas de retour en arrière. Il s’agit plutôt d’un ajout, d’une charge extraordinaire ou d’une surcharge au système actuel … . À mon avis, lorsque la convention a été signée, les parties envisageaient un retour au système des primes payées personnellement par les assurés, en remplacement du système actuel. Le libellé n’envisageait pas le paiement additionnel qui a été imposé au système actuel. »

Par conséquent, le grief a été rejeté.

Notre point de vue

Il convient de souligner que dans un commentaire sur la responsabilité éventuelle des employeurs syndiqués de payer la contribution-santé, le ministère ontarien des Finances a déclaré que « À moins que les employeurs aient accepté dans le cadre de négociations de payer les impôts des employés, nous ne nous attendons pas à ce que cette charge ait été prévue dans les conventions collectives ». Trois des décisions arbitrales décrites ci-dessus confirment cette prévision. Pour ce qui est de la décision dans l’affaire Lapointe Fisher, l’employeur a présenté une demande de révision judiciaire. Nous tiendrons nos lecteurs au courant de la suite des événements.

Si l’employeur doit effectivement payer la CSO, il pourrait soit augmenter le salaire de l’employé du montant estimé pour la CSO, soit rembourser l’employé pour la CSO. Le montant que l’employé recevrait serait considéré un avantage imposable, qui s’ajouterait à son revenu.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Sébastien Huard au (613) 940-2744.

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