L’’interdiction proposée de recourir à des travailleurs de remplacement dans les secteurs de compétence fédérale : une question qui devrait préoccuper tous les employeurs

Historique

Nombreux sont les employeurs qui dépendent des travailleurs de remplacement pour maintenir leurs activités pendant une greve ou un lock-out. Le droit de tous les employeurs de compétence fédérale de poursuivre leurs activités pendant une greve ou un lock-out est gravement compromis par deux projets de loi d’initiative parlementaire dont le Parlement est actuellement saisi. S’ils étaient adoptés, les projets de loi C-257 et C-295 modifieraient le Code du travail du Canada ( le Code) en interdisant le recours a des travailleurs de remplacement pendant une greve ou un lock-out.

Ces deux projets de loi devraient inquiéter aussi bien les employeurs dont les travailleurs sont syndiqués que ceux dont les employés ne le sont pas. Dans le cas des premiers, ces projets de loi réduiront sérieusement leurs activités pendant une greve ou un lock-out. Leur pouvoir de négociation s’en trouvera réduit, tout comme d’ailleurs les résultats qu’ils obtiendront a l’issue des négociations collectives.

Les employeurs de compétence fédérale et provinciale dont les employés ne sont pas syndiqués devraient s’inquiéter parce qu’il se pourrait qu’un employeur de compétence fédérale de leur chaîne d’approvisionnement soit syndiqué. A ce moment-la, ce serait toute la chaîne d’approvisionnement qui serait perturbée pendant une greve ou un lock-out. Par ailleurs, les employeurs de compétence fédérale qui se trouvent dans la chaîne d’approvisionnement et dont les employés sont syndiqués pourraient essayer de faire passer leurs couts salariaux élevés aux acheteurs de leurs biens et services qui ne sont pas syndiqués ou qui sont de compétence provinciale.

Les projets de loi C-257 et C-295

Le Projet de loi C-257, parrainé par le Bloc Québecois, a passé l’étape de la deuxieme lecture a la Chambre des communes et a été envoyé au Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées. Le 25 octobre 2006, il a été adopté en deuxieme lecture par 167 voix contre 101. Quant au Projet de loi C-295, parrainé par le NPD, il est actuellement en deuxieme lecture.

Ces deux projets de loi comportent de grandes restrictions pour les employeurs. S’ils étaient adoptés, il serait interdit aux employeurs de compétence fédérale :

1. de recruter de nouveaux employés de remplacement ou des travailleurs a contrat pour faire le travail des employés de l’unité de négociation qui sont en greve ou en lock-out;

2. de redéployer des employés qui n’appartiennent pas a l’unité de négociation, y compris des gestionnaires, le cas échéant, pour faire le travail des employés de l’unité de négociation qui sont en greve ou en lock-out;

3. de permettre aux employés de l’unité de négociation qui sont en greve de franchir les lignes de piquetage et de retourner au travail.

Ces projets de loi visent a empecher les employeurs d’exercer leur droit de poursuivre leurs activités pendant une greve ou un lock-out. Ils visent a enchâsser dans une loi la solidarité syndicale en refusant aux employés d’une unité de négociation en greve le droit de franchir les ligne de piquetage et de retourner au travail pour gagner leur vie.

Bref historique de la législation sur les interdictions de recours a des travailleurs de remplacement

A l’heure actuelle, le Code prévoit certaines restrictions pour le recours a des travailleurs de remplacement. Aujourd’hui, c’est une pratique déloyale de travail que de recourir a des travailleurs de remplacement dans le but manifeste de compromettre la représentativité d’un syndicat. Autrement dit, le Code interdit le recours a des travailleurs de remplacement pour anéantir un syndicat. Cette restriction limitée et mesurée quant a l’utilisation de travailleurs de remplacement a été adoptée en 1999 dans le cadre de réformes profondes et équilibrées du Code. Ces réformes de 1999 ont été le résultat de longues consultations tripartites entre les travailleurs, les employeurs et le gouvernement. A l’heure actuelle, le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) n’a pas en se prononcer sur un seul cas d’allégation de recours inapproprié a des travailleurs de remplacement.

Depuis les réformes de 1999, les travailleurs ont essayé, par l’entremise de plusieurs projets de loi d’initiative parlementaire, de faire interdire aux employeurs de compétence fédérale de recourir a des travailleurs de remplacement. Jusqu’a ce jour, le gouvernement fédéral a toujours refusé de promulguer cette interdiction. Lorsqu’il était au pouvoir, l’ancien gouvernement libéral a présenté deux projets de loi qui ont été rejetés : le premier par 18 voix, et le plus récent par 12 voix seulement. Lors de cette derniere tentative, 32 député libéraux, dont M. Denis Coderre, critique de l’opposition en matiere de travail, ont voté en faveur de l’interdiction de recourir a des travailleurs de remplacement.

Les Conservateurs, qui ont 125 sieges a la Chambre des communes, s’opposent a ce projet de loi. En dépit de cette « position », 20 députés conservateurs se sont prononcés en faveur du Projet de loi C-257 en deuxieme lecture. Ces projets de loi sont appuyés par le Bloc, qui a 50 sieges, et par le NPD, qui en a 29. Les Libéraux, avec 101 sieges, n’ont pas de consensus. Étant minoritaire, le gouvernement conservateur ne peut décider du sort de ces projets de loi. Il est essentiel que les employeurs fassent rapidement savoir a leurs députés qu’ils s’opposent fermement a ces projets de loi.

Raisons pour lesquelles il faut voter contre ces projets de loi

1. Il y va du processus de consultation tripartite visant a réformer le droit fédéral du travail. Cela fait longtemps, soit depuis les années 1970, qu’on essaie de réformer le droit fédéral du travail par le processus de consultation tripartite. Ces projets de loi nous éloignent dangereusement de cette tradition. L’adoption de l’un ou l’autre d’entre eux minerait la foi et la confiance des travailleurs, des employeurs et du gouvernement dans ce processus de consultation. Leur adoption compromettrait l’équilibre fragile qui doit exister dans les relations de travail. On ne devrait pas permettre a une des parties, en l’occurrence les travailleurs, de dicter le résultat de ce qui est sans doute la question la plus litigieuse en droit du travail.

2. Il ne faudrait modifier les lois que pour régler des problemes. Le recours a des travailleurs de remplacement ne pose pas de probleme au Canada. Sinon, les syndicats se seraient plaints de pratiques déloyales de travail aupres du CCRI, qui aurait tranché. Le fait est que les quelques restrictions au recours a des travailleurs de remplacement existent depuis presque 7 ans et que le CCRI n’a pas rendu une seule décision liée au recours a ces travailleurs. Comme ces projets de loi ne reglent aucun probleme, pourquoi les adopter?

3. Une greve ou un lock-out ne justifie pas une interdiction. Ceux qui prônent l’interdiction du recours a des travailleurs de remplacement font valoir que cette interdiction réduit l’incidence d’une greve ou d’un lock-out, ce qui est bon pour les travailleurs et pour l’économie. Les données compilées par le Programme du travail de RHDSC dans un rapport (daté du 24 octobre 2006) intitulé « Observations concernant l’impact des dispositions anti-briseur de greve sur les travailleurs » ne confirment pas ce point de vue. La Colombie-Britannique et le Québec sont les deux seules provinces qui interdisent le recours a des travailleurs de remplacement. Le Québec continue d’avoir un bien plus grand nombre de greves et de lock-out que l’Ontario, province qui, elle, n’interdit pas le recours a ces travailleurs. Rien ne prouve que l’interdiction du recours a des travailleurs de remplacement contribue a réduire la durée des greves ou des lock-out. Rien ne prouve que l’interdiction du recours a des travailleurs de remplacement contribue a réduire le nombre de jours de travail perdus. De 2003 a 2005, le Québec a perdu une fois et demie de plus de jours de travail que l’Ontario. Enfin, bien qu’il n’en soit pas question dans le rapport de RHDSC, rien ne vient confirmer l’argument voulant que l’interdiction du recours a des travailleurs de remplacement contribue a réduire la violence sur les piquets de greve. Le recours a des travailleurs de remplacement ne constitue pas un avantage pour les travailleurs ou l’économie.

4. Les employeurs de compétence fédérale sont l’épine dorsale de l’infrastructure économique du Canada et il ne faut pas entraver leurs activités. Avant les amendements de 1999 au Code, le gouvernement fédéral a imposé d’urgence une loi de retour au travail dans 31 cas. Depuis les changements de 1999, le gouvernement fédéral n’a jamais du imposer de loi pour mettre fin a une greve ou a un lock-out. L’adoption de l’un ou de l’autre de ces projets de loi marquerait un recul. Ainsi, le gouvernement ne permettra pas que la fermeture d’industries clés de compétence fédérale perturbe notre économie et incommode le public canadien. Le gouvernement recommencera a légiférer d’urgence le retour au travail. Les employeurs de compétence fédérale doivent etre entendus sur cette question. Notre Code est équitable et équilibré. Il ne faudrait pas permettre que les travailleurs syndiqués le modifient unilatéralement a leur avantage.

Notre cabinet aide plusieurs organismes qui veulent faire connaître leurs opinions au sujet du Projet de loi C-257 et c’est avec plaisir que nous pourrions également vous aider ou vous fournir de plus amples renseignements. Pour obtenir un exemplaire des projets de loi C-257 et C-295, et du rapport compilé par le Programme du travail de RHDSC, intitulé « Observations concernant l’impact des dispositions anti-briseur de greve sur les travailleurs » (24 octobre 2006), il suffit de communiquer avec Steven Williams au 613-940-2737 ou de lui écrire a l’adresse suivante : swilliams@ehlaw.ca.

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