Arme ou bouclier ? Le syndicat perd le grief contre un superviseur qui effectue du travail de l’unité de négociation

L’utilisation d’employés qui ne font pas partie de l’unité de négociation pour effectuer le travail réservé a celle-ci est souvent source de friction. Lorsque la convention collective interdit expressément l’affectation du travail de l’unité de négociation aux employés exemptés, la question est relativement simple : cette affectation de tâches ne peut avoir lieu, et cette disposition est une « arme » entre les mains du syndicat pour attaquer toute tentative en ce sens. En l’absence d’une telle clause restrictive dans la convention, la direction a le droit d’assigner les tâches comme bon lui semble.

« RESTRICTION IMPLICITE » DES DROITS DE LA DIRECTION

Cependant, bon nombre de conventions collectives qui n’interdisent pas l’assignation du travail de l’unité de négociation aux employés exemptés prévoient néanmoins des mesures relatives a l’ancienneté, a l’affichage des postes, aux mises a pied, au rappel au travail, a la classification et a la reconnaissance syndicale. Dans certains cas, l’arbitre a jugé que l’effet combiné de ces dispositions donnait lieu a une « restriction implicite » du droit de la direction d’assigner du travail a l’extérieur de l’unité, si une telle mesure menace l’intégrité de l’unité de négociation. Cette restriction implicite ne peut etre invoquée par le syndicat que comme « bouclier », pour protéger le droit a la sécurité d’emploi des membres de l’unité de négociation.

Lorsque le syndicat s’appuie sur la restriction implicite pour contester l’assignation du travail de l’unité a un employé exempté, il s’agit de déterminer si l’employé effectue du travail de l’unité de négociation au point ou il est intégré a l’unité, ce qui menacerait le systeme d’ancienneté et la sécurité de l’unité.

Voila le noeud du probleme dans l’affaire Hydro Electric Commission of the City of Ottawa v. IBEW, Local 636 (11 juillet 2000), ou le syndicat a allégué qu’un contremaître, Brian Sullivan, passait plus de 50 pour cent de ses heures de travail au nettoyage des lieux et au transport du matériel, deux tâches normalement réalisées par des membres de l’unité de négociation mais non spécifiquement décrites dans la convention collective comme étant le travail de l’unité de négociation. Le travail en question faisait partie d’un projet spécial de remplacement des poteaux électriques, pour lequel le syndicat avait convenu d’un horaire de travail plus flexible de façon a permettre a l’employeur d’emporter le contrat, donné a soumission. Comme réparation, le syndicat demandait a l’employeur de lui verser des cotisations syndicales pour M. Sullivan.

Des membres du syndicat ont témoigné que M. Sullivan effectuait quotidiennement le nettoyage des lieux et le transport du matériel, deux tâches généralement exécutées par des monteurs de lignes dans l’unité de négociation. Un membre a témoigné que M. Sullivan lui avait dit qu’il consacrait 50 pour cent de son temps a ce travail. Le membre a admis que bien que l’unité ait perdu quelque 25 membres au cours de cinq ou six ans, cela était du a l’attrition, et qu’il n’y avait eu aucune réduction d’effectifs depuis le début du projet de remplacement des poteaux. Surtout, il a confirmé qu’aucun membre de l’unité de négociation n’avait été mis a pied au cours de la période en question, et qu’on n’avait refusé a personne du travail dans le projet.

Le syndicat a soutenu que d’apres la preuve, M. Sullivan entamait sérieusement le travail de l’unité de négociation depuis quatre mois, au point ou la « restriction implicite » était déclenchée. L’avocat de l’employeur a répliqué que la preuve montrait tout au plus que M. Sullivan passait 50 pour cent de son temps, certains jours, a faire du travail de l’unité, ce qui ne suffisait pas a l’intégrer a l’unité. En outre, les tâches en question ne constituaient pas les fonctions exclusives de qui que ce soit, personne n’avait été mis a pied, et personne ne s’était vu refuser du travail a cause du travail effectué par M. Sullivan.

AUCUNE ATTEINTE RÉELLE A LA SÉCURITÉ DE L’UNITÉ

L’arbitre a donné raison a l’employeur, et jugé que les actions de M. Sullivan ne posaient aucun danger a la sécurité de l’unité de négociation. La restriction au droit de la direction d’assigner du travail de l’unité de négociation, a-t-il dit, [TRADUCTION] « est implicite afin de pouvoir corriger une atteinte réelle a la protection que donne la convention collective a la sécurité d’emploi d’un employé mis a pied ou susceptible d’etre mis a pied ».

Bien qu’il ne soit pas aisé de voir a quel moment la restriction implicite est déclenchée, l’arbitre a indiqué qu’il faut considérer la preuve, a la lumiere des définitions dans la convention collective des postes en termes de classification et d’heures de travail, et déterminer si l’assignation du travail au contremaître prive un membre de son emploi. Tel n’était pas le cas ici :

[TRADUCTION]  » Le syndicat cherche ici a utiliser la restriction implicite comme une arme pour empecher l’assignation d’une quantité accessoire de travail de l’unité a M. Sullivan. … Meme en combinant le travail de nettoyage et la conduite, cela ne représente pas un poste a temps complet. …

Personne n’a été mis a pied, et il ne semble pas que la direction ait jamais eu l’intention de mettre a pied un employé parce que M. Sullivan faisait le travail qu’il fait maintenant. … L’unité de négociation a été réduite par attrition, mais il n’y a aucune raison de croire que l’assignation du travail a M. Sullivan ait joué un rôle a cet égard. »

Par conséquent, l’arbitre a rejeté le grief.

Notre point de vue

Lorsqu’il n’y a aucune disposition qui interdit expressément l’affectation des tâches, et que celle-ci n’entraîne pas la perte de sécurité d’emploi pour les membres de l’unité de négociation, un employeur peut assigner le travail normalement exécuté par les membres de l’unité de négociation a des employés exemptés. Il est important, comme le signale l’arbitre dans cette affaire, de tenir compte des définitions de classification de postes dans la convention collective lorsqu’on prend une décision au sujet de l’assignation de tâches a l’extérieur de l’unité.

Ainsi, si le travail exécuté représente suffisamment d’heures pour un emploi a temps partiel, mais que le travail est défini dans la convention comme appartenant a une classification de poste exclusivement a temps complet, la restriction implicite peut ne pas etre déclenchée meme si un employé qualifié de l’unité de négociation a été mis a pied, parce qu’il n’y aurait pas suffisamment de travail pour rappeler l’employé au travail dans un poste a temps complet.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Carole Piette au (613) 563-7660, poste 227.

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