Le tribunal juge qu’un employeur n’a pas à verser des prestations d’ILT à un employé qui devient invalide pendant la période de préavis

Si un employeur offre des prestations d’invalidité a long terme (ILT), et un employé congédié injustement devient invalide apres le congédiement mais pendant que la période de préavis raisonnable court encore, l’employeur est-il tenu de verser des dommages-intérets pour compenser l’employé des prestations d’ILT perdues? Certains auteurs croyaient qu’en vertu du droit de l’emploi, la réponse était affirmative. Or, une décision récente de la Cour supérieure de l’Ontario semble indiquer le contraire.

Dans l’affaire Pioro v. Calian Technology Services Ltd. (16 mai 2000), un cadre avec 19 ans de service a été congédié le 29 juillet 1997 lorsque la division ou il travaillait a été abolie. Au moment de son licenciement, on lui a offert 30 semaines de salaire. La lettre de congédiement indiquait également que son régime d’avantages sociaux prendrait fin le 23 septembre 1997, et qu’il lui incomberait alors d’assurer les frais d’un régime de remplacement s’il le désirait.

M. Pioro a avisé l’employeur qu’il considérait l’offre insuffisante, vu le poste qu’il occupait et ses années de service. La compagnie Calian a répondu que l’offre était raisonnable et a versé le montant dont faisait état la lettre de congédiement.

En décembre 1997, on a diagnostiqué chez M. Pioro une maladie du coeur. En avril 1998, il a du renoncer a travailler a cause de son état de fatigue; son médecin était d’avis qu’il n’était plus en mesure de travailler. Dans l’action qu’il a intentée pour congédiement injuste, M. Pioro a notamment réclamé les prestations d’ILT pour l’invalidité subie pendant la période de préavis raisonnable.

LE RÉGIME D’AVANTAGES SOCIAUX

Le manuel de l’employé décrivant la police d’assurance qu’offre Calian a ses employés indique que les employés sont admissibles aux prestations pourvu qu’ils aient [TRADUCTION] « été au travail continuellement, activement, a temps complet ». L’expression « temps complet » est définie comme suit : [TRADUCTION] « L’exécution de toutes les fonctions ordinaires du poste, selon la maniere requise et pour le nombre requis d’heures a chaque semaine, soit au lieu d’emploi habituel soit a un endroit nécessaire pour les besoins de l’entreprise ». D’apres le manuel, les avantages sociaux prenaient fin [TRADUCTION] « a la date ou vous cessez d’etre admissible a l’assurance sauf exception créée par la loi ».

AUCUNE RÉCLAMATION POSSIBLE AUX TERMES DE LA POLICE

Le tribunal a entendu la preuve sur les polices d’assurance d’ILT et a conclu que la police offerte par Calian et l’assureur était [TRADUCTION] « conforme aux normes de l’industrie et constituait un régime ordinaire de prestations semblable a bien d’autres ». Le tribunal a signalé qu’en vertu de la police, la couverture se terminait a la date ou la personne cessait d’etre admissible a l’assurance, c’est-a-dire, la date a laquelle la personne n’est plus activement au travail a temps complet avec pleine rémunération.

En l’espece, Calian avait congédié M. Pioro sans préavis raisonnable. Toutefois, d’apres le tribunal, meme si l’employeur avait choisi de donner un préavis raisonnable a M. Pioro et de lui verser une rémunération pendant toute la période de préavis, il est peu probable qu’il aurait eu droit aux prestations du régime pendant la période de préavis :

[TRADUCTION] « [Pendant la période de préavis, Calian] aurait pu exiger que M. Pioro continue de travailler, mais sans le consentement de celui-ci, la compagnie n’aurait pu exiger qu’il exerce des fonctions différentes, puisque cela aurait constitué l’équivalent d’un congédiement implicite. Puisqu’il n’y avait plus de travail a effectuer dans la division, désormais abolie, Calian aurait pu garder M. Pioro comme employé … mais il n’aurait pas été obligé de se présenter au travail. Dans un cas comme dans l’autre, aux termes de la police d’assurance en vigueur, M. Pioro n’aurait pas eu droit aux prestations d’ILT. »

Par conséquent, de conclure le tribunal, puisque la police était usuelle dans l’industrie, et que M. Pioro n’aurait pas été admissible aux prestations meme s’il était resté au travail pendant la période de préavis, il ne pouvait rien réclamer a l’employeur puisque son invalidité avait débuté apres son congédiement.

Pour en arriver a ce résultat, le tribunal a du faire la distinction avec une décision de 1992 de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, Prince v. Eaton Co. Dans ce cas la, la police prévoyait a l’origine que la couverture du régime prenait fin lorsque l’employé n’était plus activement employé a son lieu habituel de travail. Cependant, l’employeur avait repris la police et s’était engagé a verser des prestations qui prendraient fin au moment de la « cessation d’emploi ». La Cour d’appel avait interprété cette disposition comme signifiant la cessation de l’emploi au sens de la loi, autrement dit, quand la période de préavis raisonnable prenait fin.

Le cas de M. Pioro était différent. En vertu de la police d’assurance, la couverture aurait pris fin a date du congédiement (ou peut-etre en septembre 1997, comme l’indiquait la lettre de licenciement) meme s’il avait reçu un préavis « de travail », sans etre obligé de travailler.

Finalement, le tribunal a fait observer qu’on avait avisé M. Pioro que ses avantages sociaux prenaient fin le 23 septembre 1997. L’employeur n’avait aucune obligation de fournir une couverture ultérieure apres la fin de l’emploi.

Notre point de vue

Cette affaire semble montrer que pourvu que la couverture offerte par le régime soit conforme aux normes de l’industrie, et que l’employé ait été informé des clauses du régime, les dispositions qui limitent les prestations aux employés activement au travail excluent les employés congédiés, pendant la période de préavis raisonnable.

La décision fait l’objet d’un appel; en attendant la décision sur l’appel, les employeurs devraient faire montre de prudence dans l’application du jugement de la Cour supérieure. Nous tiendrons les lecteurs d’AU POINT au courant de la suite des événements.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Sylvie Guilbert au (613) 563-7660, poste 256.

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