Un arbitre de la C.B. statue que les directives de l’école de ne pas discuter de la taille des classes violent la Charte

Un arbitre de la Colombie-Britannique a statué que les tentatives des commissions scolaires d’interdire aux enseignants d’afficher des documents sur la taille des classes sur les babillards de l’école accessibles aux éleves et aux parents, ou de parler de cette question lors des entrevues avec les parents, constituaient une atteinte a la liberté d’expression garantie par la Charte canadienne des droits et libertés. Le différend dans l’affaire British Columbia Public School Employers’ Association v. British Columbia Teachers’ Federation (7 mai 2004) a pris naissance lorsque le gouvernement provincial a déposé un projet de loi qui enlevait de la convention collective applicable a la province les clauses sur la taille et la composition des classes.

Réagissant au projet de loi, le syndicat des enseignants a adopté un « plan d’action » qui comprenait la distribution aux membres syndiqués des documents « [TRADUCTION] pour aider les enseignants a renseigner les parents sur les pertes éducatives spécifiques qui ont eu lieu dans votre école ». Plusieurs commissions scolaires ont réagi a l’initiative des enseignants en ordonnant que les documents ne soient pas affichés dans des lieux de l’école ou ils pourraient etre lus par les parents et les éleves et en interdisant aux enseignants de parler de la taille des classes lors des entrevues avec les parents. Le syndicat a déclaré que les actions des employeurs enfreignaient la liberté d’expression garantie par la Charte, et les parties ont convenu de soumettre la question a l’arbitrage.

LA CHARTE S’APPLIQUE AUX COMMISSIONS SCOLAIRES PUBLIQUES

Le premier argument de l’employeur était a l’effet que la Charte, qui ne s’applique qu’a des entités gouvernementales, ne s’appliquait pas aux commissions scolaires. L’arbitre a rejeté cet argument. Apres avoir passé en revue la jurisprudence de la Cour supreme du Canada sur l’application de la Charte, l’arbitre a souligné que les garanties de la Charte s’appliquent a « [TRADUCTION] toutes les entités essentiellement gouvernementales, soit en raison du degré de contrôle qu’exerce le gouvernement sur elles, soit en raison de la qualité gouvernementale de leurs fonctions » ou du fait des deux facteurs a la fois.

Pour ce qui était du second facteur, l’arbitre a également noté que les tribunaux ont jugé que pour que la Charte s’applique a des entités autres que des législatures ou des gouvernements, elles doivent servir une fonction « gouvernementale » et non simplement « publique ». En se fondant sur l’analyse des tribunaux et sur son examen du régime législatif provincial, l’arbitre a conclu que les commissions scolaires en C.B. remplissaient cette condition :

    « [TRADUCTION] Je conclus que les commissions scolaires remplissent des fonctions « gouvernementales » plutôt que simplement « publiques », et que les commissions scolaires de la province sont visées par la Charte en vertu du paragraphe 32(1). Tout d’abord, les conseillers scolaires sont élus démocratiquement par le grand public dans chaque district scolaire, et doivent rendre compte aux électeurs lors des élections qui se tiennent tous les trois ans … . Contrairement au Parlement ou aux législatures provinciales, et a la différence des municipalités, les commissions scolaires de la Colombie-Britannique n’ont aucun pouvoir général d’imposition. Toutefois, … les commissions scolaires bénéficient d’impôts scolaires recueillis par les municipalités au nom de la province en vertu du School Act. Je note également qu’aux termes de l’article 112 de cette loi, les commissions scolaires ont le pouvoir d’organiser des référendums qui peuvent, s’ils reçoivent l’appui nécessaire, donner lieu a une taxe sur les terrains résidentiels et permettre des améliorations dans le district scolaire. Il convient de souligner également le pouvoir d’expropriation conféré aux commissions scolaires en vertu du paragraphe 96(2) du School Act. … Les commissions scolaires n’ont pas un pouvoir législatif contraignant. Toutefois, aux termes du paragraphe 85(2) de la Loi, elles peuvent établir une politique locale pour le fonctionnement efficace des écoles dans le district scolaire. … Fait important, … les commissions scolaires tirent leur existence et leur pouvoir d’adopter des regles de la province, autrement dit, les pouvoirs qu’elles exercent leurs sont conférés par la législature provinciale. Ces pouvoirs sont liés a la prestation de l’éducation publique dans chaque district scolaire. Il est raisonnable de supposer que si ces pouvoirs n’avaient pas été conférés aux commissions scolaires par voie législative, il faudrait que le gouvernement provincial les exerce lui-meme. »

LES ACTIONS DE LA COMMISSION SCOLAIRE ENFREIGNENT LA CHARTE

Ayant décidé que les actions des commissions scolaires devaient se conformer

a la Charte, l’arbitre a ensuite considéré si la liberté d’expression des enseignants avait été violée. Les commissions scolaires ont soutenu que leurs directives n’avaient pas restreint le droit des enseignants de s’exprimer en public, mais contrôlaient simplement ou et quand ils pouvaient exprimer leurs opinions. Les commissions scolaires ont également affirmé que le droit a la liberté d’expression doit etre pondéré en tenant compte des droits de propriété et des droits des employeurs.

L’arbitre a jugé que bien qu’il était vrai que seuls le moment et le lieu de l’expression étaient restreints, il était également vrai que les commissions scolaires ciblaient des idées précises que le syndicat des enseignants cherchait a transmettre. Les tribunaux ont statué que lorsque le but de la restriction est lié au contenu – en l’occurrence la taille et la composition des classes – la liberté d’expression s’en trouve limitée.

L’arbitre n’a pas accepté non plus l’argument que la liberté d’expression ne s’applique pas en milieu de travail. Il a plutôt jugé que la liberté d’expression existe en milieu de travail, et qu’elle ne peut etre limitée qu’aux termes de l’article 1 de la Charte, qui prévoit que les droits et libertés qui y sont énoncés « ne peuvent etre restreints que par une regle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique ».

AUCUNE JUSTIFICATION EN VERTU DE L’ARTICLE 1

Les commissions scolaires ont soutenu que l’obligation de loyauté des employés a l’égard des employeurs, créée par la common law, constituait une regle de droit dans des limites raisonnables, de sorte que la restriction imposée a la liberté d’expression était justifiée. L’arbitre n’était pas de cet avis, et a souligné que la distribution de la documentation syndicale ne genait en rien ni le fonctionnement de l’école ni le travail des enseignants. En outre, l’arbitre a indiqué que certains des arguments des employeurs eux-memes contredisaient leur prétention que la distribution de la documentation constituait une atteinte a l’obligation de loyauté :

    « Dans ses arguments devant moi, la BCPSEA a plaidé que les directives des commissions scolaires a l’intention des enseignants ne visaient pas, par exemple, a empecher un enseignant de discuter des questions, de distribuer la documentation a des rencontres publiques ou meme a des conseils consultatifs de parents. Si les communications en litige ne posent pas probleme pour ce qui est de l’obligation de loyauté lorsqu’elles sont exprimées ou communiquées en lieu public ou quasi public, je ne vois pas comment l’obligation de loyauté devient une regle de droit dans des limites raisonnables qui justifierait l’interdiction de la meme communication sur le babillard des enseignants ou dans une entrevue privée entre parent et enseignant. »

Par conséquent, l’arbitre a déclaré que les directives des commissions scolaires constituaient une atteinte a la liberté d’expression des enseignants aux termes de la Charte, qui ne pouvait se justifier en vertu de l’article 1 de la Charte.

Notre point de vue

L’arbitre a souligné que pour déterminer si les actions des commissions scolaires se situaient dans des limites raisonnables selon la Charte, il fallait trouver un équilibre entre l’obligation de loyauté d’une part, et la liberté d’expression individuelle d’autre part. L’intéret légitime des employeurs était le professionnalisme du corps enseignant, et le maintien de la confiance du public dans leur administration du systeme scolaire public. L’intéret des enseignants tenait a la diffusion de leur opinion que certaines des positions adoptées par l’agent de négociation des employeurs dans le cadre de la négociation collective et, finalement, la teneur de la loi provinciale mettant fin a la greve, étaient contraires a la promotion ou au maintien de conditions d’apprentissage favorables. Le fait que la liberté d’expression pouvait s’exercer sans gener le fonctionnement des écoles ni nuire aux activités professionnelles des enseignants a fait pencher la balance en faveur de la libre expression.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Paul Marshall au (613) 940-2754.

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