Les tribunaux sont partagés quant aux mises à pied temporaires des employés non syndiqués

Les employeurs peuvent-ils mettre a pied temporairement les employés non syndiqués? Une telle action déclenche-t-elle le droit de l’employé a toucher une indemnité de licenciement en vertu de la Loi sur les normes d’emploi (LNE) ou constitue-t-elle un renvoi injustifié en vertu de la common law? Deux décisions distinctes rendues récemment par la Cour divisionnaire de l’Ontario étudient la question de la mise a pied temporaire des employés non syndiqués, pour en arriver a des conclusions apparamment contradictoires.

L’arret Stolze: le silence contractuel permet les mises a pied temporaires

L’affaire Stolze c. Adjudicator Lisa Addario, jugée le 19 décembre 1995, portait sur une plainte en vertu de la LNE par M. Otmar Stolze, un cadre moyen mis a pied pour une période temporaire pour cause d’absence de travail. Le versement de son salaire a été interrompu, mais on a maintenu certains de ses avantages.

A la suite de la mise a pied, M. Stolze a intenté une action en renvoi injustifié et a également réclamé une indemnité de licenciement et une indemnité de cessation d’emploi en vertu de la LNE, en soutenant que la mise a pied constituait une violation de son contrat de travail. L’arbitre des normes d’emploi a rejeté la plainte de M. Stolze. Elle a jugé que la Loi visait les mises a pied temporaires et qu’a cet égard, elle ne faisait aucune distinction entre les employés rémunérés a un taux horaire et les salariés comme M. Stolze. L’arbitre a jugé, de plus, qu’en réagissant a la mise a pied comme s’il s’agissait d’un licenciement, M. Stolze avait fait les premiers pas pour faire cesser la relation de travail et par conséquent, il avait « démissionné » et renoncé a son droit a une indemnité de licenciement et de cessation d’emploi. M. Stolze a déposé une requete en révision judiciaire.

La Cour divisionnaire a rejeté la requete en maintenant toutes les décisions rendues par l’arbitre sur la LNE. La Cour a également signalé que la conclusion de l’arbitre selon laquelle M. Stolze avait « démissionné » était raisonnable parce que son contrat de travail ne prohibait pas de façon expresse les mises a pied temporaires sans rémunération:

[Traduction] « Il n’a jamais été affirmé que le contrat de travail interdisait expressément les mises a pied temporaires non rémunérées. L’adjudicatrice, en se fondant sur cette absence d’interdiction, pouvait raisonnablement conclure que l’employé avait `démissionné' ».

La Cour, toutefois, a laissé entendre que le résultat de l’affaire aurait pu etre différent s’il y avait eu un accord entre les parties de payer un salaire donné pour un terme établi, une année précise, ou pour chaque année d’une période non déterminée.

L’arret Style: le silence contractuel interdit les mises a pied temporaires

Dans l’affaire Style v. Carlingview Airport Inn, jugée le 27 février 1996, la Cour divisionnaire s’est penchée sur l’appel d’une décision de la Cour des petites créances rejetant la demande d’un employé pour des dommages et intérets pour cause de renvoi injustifié. Mme Laurel Style, une femme de chambre, alléguait qu’elle avait été congédiée apres avoir été accusée de vol et invectivée du fait de sa race. L’employeur a nié ces allégations et a soutenu que Mme Style avait été mise a pied temporairement parce qu’il n’y avait plus de travail. Un mois apres sa mise a pied, on a invité Mme Style de reprendre son travail, mais elle a été incapable d’accepter pour des motifs médicaux. Cependant, elle n’a pas informé l’employeur de l’existence de ces motifs. La Cour de premiere instance a accepté la version de l’employeur et a jugé que Mme Style avait elle-meme terminé son emploi en ne retournant pas au travail.

En accordant l’appel de Mme Style, la Cour divisionnaire a souligné qu’aucune clause du contrat de travail n’autorisait une mise a pied temporaire. De plus, la Cour a-t-elle ajouté, il n’y avait pas eu antérieurement de mise a pied ni aucun avertissement qu’il pourrait y en avoir. Parce que le contrat ne contenait aucune condition expresse ou implicite permettant les mises a pied temporaires, la Cour a jugé que le contrat avait été violé et que Mme Style avait été renvoyée sans motif valable:

[Traduction] « A mon avis, aucune disposition expresse ou implicite du contrat de travail ne permettait de mettre temporairement l’employée a pied sans rémunération. Je conclus, par conséquent, que [l’employée] a été renvoyée sans motif valable. »

La Cour a distingué sa décision de celle dans l’affaire Stolze en signalant que cette derniere affaire portait sur une plainte en vertu de la LNE. La LNE, a fait observer la Cour, établit un code distinct pour le paiement des indemnités de cessation d’emploi, mais ne modifie en rien les droits et obligations qui, en common law, régissent les renvois. Par conséquent, la Cour a jugé que le jugement dans l’affaire Stolze ne devait pas déterminer la solution des questions soulevées par le renvoi injustifié de Mme Style.

Notre point de vue

Bien qu’il soit possible d’expliquer les résultats différents de ces affaires par le fait que l’affaire Stolze relevait de la LNE et l’affaire Style de la common law, la divergence semble tenir a la perspective différente qu’adoptent les tribunaux du silence contractuel en matiere de mises a pied temporaires.

Il semble que la Cour divisionnaire dans l’affaire Stolze ait pris pour acquis que la mise a pied temporaire était possible si le contrat était silencieux a cet égard, alors que dans l’affaire Style la Cour ait estimé qu’en cas de silence contractuel de telles mises a pied étaient interdites. Cette contradiction fait ressortir l’importance pour les employeurs de libeller leurs contrats de travail de façon a inclure expressément le droit de recourir a des mises a pied temporaires conformément a la LNE.

La Cour d’appel a autorisé un appel dans l’affaire Stolze. (Voir « La décision Stolze concernant les mises a pied temporaires est renversée » sous la rubrique « Publications ».)

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec George Rontiris au (613) 563-7660, poste 225.

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