Un arbitre confirme le congédiement pour harcèlement sexuel mais rejette l’approche « tolérance zéro »

Une décision arbitrale récemment rendue a confirmé le congédiement d’un employé au motif qu’il avait contrevenu à la politique de l’employeur contre la violence et le harcèlement au travail. Dans Re Metro Rideau Store c. UNIFOR Local 414 (mars 2018), l’arbitre Baxter a conclu que, suivant la prépondérance des probabilités, l’employé congédié avait harcelé sexuellement une collègue de travail et que la décision par la société de le congédier n’était pas excessive. Au moment du congédiement, l’employé était âgé de 61 ans, avait huit ans de service et n’avait aucun antécédent disciplinaire. L’employeur dans cette affaire a été représenté avec succès par J.D. Sharp, de notre cabinet.

Les parties ne s’entendaient pas sur les faits ayant donné naissance au congédiement et au grief en découlant. La victime a affirmé que le 8 mars 2017, pendant qu’elle était assise dans la salle à manger, elle a été abordée par derrière et touchée de façon inappropriée par le plaignant. Elle a déclaré que le lendemain, le plaignant lui a bloqué le passage dans un couloir et a tenté de lui parler. Elle est passée de force pour s’éloigner. Au dire de tous, chacun de ces événements a causé de l’angoisse et une détresse émotionnelle considérables à la victime.

Le plaignant a relaté une version différente des événements. Il a admis s’être approché de la victime par derrière dans la salle à manger et lui avoir mis les mains sur les épaules. Il a aussi admis que cela avait fait sursauter la victime, mais a nié qu’il y ait eu d’autres contacts. De même, il a affirmé que le lendemain, il avait effectivement croisé la victime dans le couloir, mais sans tenter de lui bloquer le chemin.

L’arbitre Baxter a appliqué la méthode relative aux affaires de congédiement qui a été énoncée dans Re William Scott & Co and Canadian Food and Allied Workers Union (1977). Cette méthode oblige l’arbitre à examiner trois questions :

  1. L’employé a‑t‑il donné à l’employeur des raisons justes et raisonnables d’imposer des sanctions disciplinaires?
  2. Dans l’affirmative, la décision par l’employeur de congédier l’employé constituait-elle une réaction excessive à la lumière de toutes les circonstances de l’affaire?
  3. Si le congédiement était excessif, quelles autres mesures devraient lui être substituées?

La première question, à savoir s’il y avait des motifs justifiant des sanctions disciplinaires, a obligé l’arbitre Baxter à évaluer la crédibilité des témoins. Il a jugé que la victime était sincère et qu’elle ne semblait pas avoir concocté son témoignage. Par ailleurs, le témoignage du plaignant renfermait certaines contradictions. L’arbitre a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, le plaignant avait réellement touché la victime d’une façon inappropriée sans invitation.

L’arbitre a ensuite examiné la question de savoir si le congédiement était excessif dans les circonstances entourant l’affaire. Il a souligné que la jurisprudence arbitrale indique clairement que le harcèlement sexuel relève de la catégorie la plus grave d’inconduite d’un employé et que, par conséquent, le congédiement constitue la sanction applicable à première vue. Il y a exception à cette règle générale dans les cas où le plaignant reconnaît l’inconduite et présente ses excuses et lorsqu’il y a de fortes chances de réadaptation et une probabilité extrêmement faible de récidive. Dans de tels cas, le congédiement pourrait ne pas constituer la sanction appropriée.

Appliquant ces principes aux faits de l’espèce, l’arbitre Baxter a souligné que le plaignant a constamment nié toute inconduite. Il n’a pas accepté la responsabilité de ses actes et a refusé d’admettre ses torts ou de s’excuser. L’arbitre a conclu qu’il n’y avait aucune possibilité de réintégration du plaignant au travail et a confirmé le congédiement. Le grief a été rejeté.

 

À notre avis

Est digne de mention le fait qu’en rendant sa décision, l’arbitre Baxter a rejeté la position de l’employeur selon laquelle une approche « tolérance zéro » devrait être appliquée, ce qui justifierait le congédiement dans toutes les affaires où le harcèlement sexuel est établi. Bien qu’il ait reconnu que le harcèlement sexuel est [traduction] « une inconduite grave des plus viles » et a fait remarquer que [traduction] « la plaidoirie éloquente » de l’employeur était convaincante, il a refusé de s’écarter du principe bien établi selon lequel les facteurs atténuants et aggravants doivent être pris en considération dans la détermination de la sanction appropriée. Selon son raisonnement, le congédiement est [traduction] « la peine capitale d’un employé », notamment d’un employé ayant de longs états de service et dont les chances d’obtenir un nouvel emploi seraient fortement affectées. Le congédiement ne devrait être imposé qu’en dernier recours dans les cas où il n’y a aucune chance raisonnable qu’une sanction moindre suffise pour protéger les intérêts de l’employeur et soit suffisamment corrective et dissuasive.

Si vous voulez davantage d’information, veuillez communiquer avec André Champagne au 613‑940‑2735.

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