Il n’est pas nécessaire d’être au courant du danger pour être tenu responsable en vertu de la LSST

Il n’est pas nécessaire qu’un employeur soit au courant d’un danger dans le lieu de travail pour être tenu responsable en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité au travail de l’Ontario. Ainsi en a décidé la Cour d’appel de l’Ontario dans une décision rendue le 19 avril 2001, décision qui semble avoir réglé dans une certaine mesure la confusion qui régnait dans la jurisprudence.

L’affaire R. v. Timminco avait trait à une infraction alléguée au para. 25(1) de la Loi et au para. 185(1) du Règlement 854, qui prévoient respectivement ce qui suit :

    25 (1) « L’employeur veille à ce que …

    (c) les mesures et les procédures prescrites soient observées dans le lieu de travail; … »

Règ. 854, 185 (1) « [TRADUCTION] Un moteur primaire, une machine, un équipement de transmission ou tout dispositif qui comporte une pièce mobile exposée qui pourrait mettre en danger la sécurité d’une personne doit être entouré d’une clôture ou surveillé, à moins que sa position, sa construction ou un accessoire n’offre une protection équivalente. »

L’accusation a été portée à la suite du décès d’un opérateur de presse métallurgique, mort des suites d’un accident du travail. L’opérateur a été coincé entre l’ensemble mobile et le châssis fixe de la presse. L’accident s’est produit derrière la presse, là où les opérateurs n’étaient pas tenus d’aller, bien que la preuve ait montré que quelques opérateurs s’y rendaient pour des fins d’entretien. Il n’y avait ni surveillant ni clôture pour interdire l’accès à cet endroit.

La Couronne a soutenu, dans ses allégations contre Timminco, que la presse que faisait fonctionner la victime comportait une pièce mobile exposée qui le mettait en danger, contrairement aux dispositions du Règlement. Timminco a répliqué qu’elle avait pris des mesures pour assurer la sécurité du lieu de travail, et que la direction n’était pas au courant d’une zone exposée derrière la presse qui, aux dires de la Couronne, constituait un danger.

COUR PROVINCIALE : « UN TRAGIQUE ACCIDENT INEXPLIQUÉ »

Timminco a eu gain de cause en cour provinciale, en réussissant à convaincre le juge qu’il devait imposer un verdict d’acquittement au jury. D’après ce raisonnement, pour prouver l’infraction, la Couronne devait prouver que Timminco savait que la pièce mobile et exposée constituait un danger pour le travailleur. Or, aucune preuve n’avait été présentée à cet égard. Le juge a donc acquitté Timminco pour un accident qu’il a qualifié de « [TRADUCTION] tragique accident entièrement inexpliqué ».

COUR SUPÉRIEURE : TIMMINCO AVAIT UNE CONNAISSANCE SUFFISANTE DU DANGER

La Cour supérieure de justice a jugé, en appel, que d’après les conclusions de fait en première instance, Timminco avait une connaissance suffisante de la pièce mobile et exposée pour qu’on puisse établir les éléments fondamentaux de l’infraction. La Cour a donc conclu que le tribunal de première instance avait fait erreur en accueillant la motion de verdict imposé, et a ordonné la tenue d’un nouveau procès. Timminco a interjeté appel de la décision.

COUR D’APPEL : LOI DE BIEN-ÊTRE PUBLIC, INFRACTION DE RESPONSABILITÉ STRICTE

Devant la Cour d’appel, la question était de savoir si la connaissance qu’avait la compagnie du danger posé par la pièce mobile était un élément essentiel de l’infraction. La Cour a jugé que cette connaissance n’était pas nécessaire pour qu’il y ait infraction, et a renvoyé l’affaire à procès.

Comme point de départ de son analyse, la Cour a traité de la nature de la LSST et de son interprétation :

    « [TRADUCTION] [La LSST] est une loi pour assurer le bien-être public. Le but général de la Loi est d’assurer et de promouvoir un niveau raisonnable de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans leur lieu de travail et ses environs. Elle devrait être interprétée de façon compatible avec cette finalité. »

En outre, les infractions décrites dans la Loi étaient des infractions de responsabilité stricte. Autrement dit, la poursuite n’avait pas à prouver que la compagnie était au courant du danger. Timminco ne pouvait invoquer comme défense son ignorance du danger, mais elle pouvait se défendre en montrant qu’elle avait fait preuve de diligence en prenant toutes les mesures nécessaires pour éviter l’accident. Elle pouvait notamment alléguer une croyance raisonnable dans des faits erronés, qui, s’ils avaient été vrais, aurait rendu l’omission innocente.

D’obliger la Couronne à prouver la connaissance du danger aurait eu pour effet « [TRADUCTION] d’empêcher l’application correcte des lois de bien-être public », a déclaré la Cour. De plus, le libellé de la Loi ne justifiait pas l’ajout d’un élément mental à l’infraction :

    « [TRADUCTION] À mon avis, il faut un libellé clair pour créer [une infraction avec un élément moral] dans une loi de bien-être public. Pourtant, des expressions telles que « délibérément », « dans l’intention » « sciemment » et « intentionnellement » sont visiblement absentes de l’al. 25(1)(c) de la Loi sur la santé et la sécurité au travail. La disposition exige seulement que l’employeur « veille à ce que les mesures et les méthodes prescrites soient observées dans le lieu de travail ». En fait, l’emploi du mot « veille » (ensure) laisse entendre que le législateur voulait imposer à l’employeur un devoir strict de s’assurer qu’on observait en tout temps les normes prescrites de sécurité. »

En outre, a ajouté la Cour, d’après le libellé du para. 185(1) du Règlement, il suffisait pour la Couronne d’établir que la pièce mobile exposée « pourrait mettre en danger » une personne; la Couronne n’avait pas à prouver qu’une personne en particulier était effectivement en danger.

Notre point de vue

La Cour a conclu que pour faire la preuve de l’infraction, la Couronne devait présenter des éléments de preuve pour établir les faits suivants :

  • Timminco était l’employeur de la victime;
  • Timminco avait une « machine » (la presse) comportant une pièce mobile et exposée qui pourrait mettre en danger la sécurité d’une personne; et
  • la pièce mobile et exposée n’était ni « clôturée ou surveillée » ni construite d’une façon qui offrait une protection équivalente.

À la lumière de cet arrêt, les employeurs devraient vérifier leurs lieux de travail pour assurer qu’on y observe la LSST et pour démontrer qu’ils ont fait preuve de diligence raisonnable pour éliminer les dangers décrits dans la Loi et les Règlements. L’ignorance de bonne foi de l’existence d’un danger ne constitue pas une défense valable.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Sylvie Guilbert au (613) 563-7660, poste 256.

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